La ligue du Lol : quelles sanctions pour ceux qui ont fait du cyberharcèlement leur fond de commerce ?
La ligue du Lol : quelles sanctions pour les cyberharceleurs ?
Corentin : Suite à une enquête parue chez Libération en février, on a découvert ou redécouvert l’existence de la ligue du Lol, un groupe de jeunes journalistes et communicants parisiens, qui ont harcelé et insulté de jeunes blogueurs, influenceurs et même journalistes. Des années plus tard, la vérité éclate au grand jour. Voyons avec Camille Suard ce que risquent les anciens membres de ce groupe, d’un point de vue de la loi.
Camille : Que risquent-ils ? Et bien mon cher Corentin c’est une question complexe. Si la loi sur le cyberharcèlement s’est consolidée en 2018, porter plainte et monter un dossier est un chemin difficile notamment parce qu’il n’y a pas de régime unifié ou une qualification juridique, mais plein de délits possibles. Parmis lesquels…
du harcèlement moral et sexuel sur mais aussi en dehors d’Internet
des insultes sexistes, homophobes, racistes, grossophobes, antisémites
des photomontages et montages vidéos humiliants et pornographique dont un envoyé à des mineurs au nom de l’une des victimes
usurpation d’identité
la divulgation sans consentement de photos et vidéos privées
incitation à la haine, au harcèlement, au viol
menace de mort et de viol
Co : Et bien ça en fait des choses !
Ca : Je ne vais pas tout détailler mais par exemple pour des injures sexistes publiques l’auteur peut prendre 2 ans de prison et 30 000 euros d’amendes, l’incitation et les menaces de viol 5 ans de prison et 45 000 euros d’amendes.
Co : Mais cela ne relève-t-il pas du privé ? Après tout il s’agit au départ d’un groupe privé sur Facebook ?
Ca : Le truc c’est que ce groupe Facebook qui en effet était privé est sorti de la sphère privée. Même si à l’époque Twitter était un petit monde, les tweet étaient publics. Il y a eu aussi en plus des comptes officiels avec le vrai nom des harceleurs, des créations multiples de faux comptes anonymes spécialement conçu pour harceler, insulter, appeler même au harcèlement en masse, comme le tristement célèbre Langue de pute.
Co : Qui sont les victimes et comment peuvent-elles se retourner contre leurs agresseurs ?
Ca : Beaucoup de jeunes femmes mais pas que, féministes pour certaines, des personnes racisées, de confession juive, des personnes LGBT et queers… Alors même si une bonne partie des preuves ont disparu, je rappelle que certains ont supprimé des centaines de tweets en une nuit, il reste des captures d’écran, des mails, des messages privés. C’est déjà difficile d’obtenir justice en réagissant rapidement alors tu imagines bien que 8 ou 10 ans après...
Co : Mais bon de toute façon, ça fait si longtemps, il y a prescription non ?
Ca : La plupart des faits se situent entre 2009 et 2012 en effet. J’insiste sur la plupart. Pour injure publique et diffamation le délais pour porter plainte est de 3 mois pour des faits pas plus vieux d’un an. Pour ce qui est du cyberharcèlement, On écoute un extrait de la chronique Dans le prétoire de France inter :
Extrait 1
Co : Et les plateformes que peuvent-elles faire justement ? Twitter puisque c’est la principale concernée.
Ca : Elles sont tenues de réagir dès que c’est signalé et s’ils ne réagissent pas ou pas immédiatement, alors ils peuvent endosser une responsabilité.
Co : Bon, et ces journalistes, qui ont été clairement identifiés, et qui pour la plupart n’ont pas niés… est-ce qu’ils peuvent être licenciés pour faute grave aujourd’hui ?
Ca : Oui il suffit de jeter un oeil à la convention collective des journalistes pour trouver un motif valable : l’article 44 fait mention de “violation des règles d’honneur professionnel”. Les journalistes doivent respecter une éthique. Mais au moment où nous discutons Corentin, personne n’a été licencié pour faute grave. Certains sont partis d’eux-même ou d’un commun d’accord et d’autres ont reçu une mise à pied à titre conservatoire.
Co : Je crois que c’est le choix de plusieurs rédaction, chez Libération et les Inrocks. Mais en quoi ça consiste ?
Ca : Cela relève de L’article L. 1332-3 du Code du travail. C’est une mesure immédiate, qui permet aux employeurs de relever de leur fonctions des employés au comportement problématique. Ca leur donne le temps de mener l’enquête, de réfléchir à la suite et de prendre une décision finale. Celle-ci doit intervenir dans un délais maximal de deux mois.
Co : Les employeurs, dans cette affaire précisément, sont-ils obligés de licencier ou de sanctionner ?
Ca : Absolument pas, ce sera au bon vouloir de chacun. Et outre le motif faute grave ils pourraient être remerciés parce qu’ils renvoient une mauvaise image à la rédaction, c’est dans la convention des journalistes aussi. Par exemple, Slate a exprimé sa décision de maintenir en poste ses journalistes. Pas sûre que ça leur fasse une bonne publicité.
Co : Alors vient la question à 1000 euros, comment lutter contre ça ? La loi est du côté des victimes mais elles semblent difficile à appliquer a priori… comment on fait pour régler le problème à la source ?
Ca : Eh bien, les médias doivent comprendre que le changement doit être plus grand que simplement punir untel ou untel pour son mauvais comportement. Il faut déconstruire cette culture de l’entre-soi. Cette culture encourage surtout la présence écrasante d’hommes blancs, cis et heteros au sein des rédactions. Ça favorise forcément la formation de ce genre de Boy’s Club ! Il faut donc arrêter le copinage pour l’accès aux postes.
Co : J’imagine qu’il s’agit également d’un sujet de société plus large !
Ca : Absolument ! L’éducation a un rôle à jouer aussi sur plein de point à l’école comme à la maison. Et même chez les adultes. Voici un exemple de choses à faire. On écoute un extrait du podcast Les couilles sur la table de Binge Audio créé et animé par Victoire Tuaillon qui a reçu pour invitée la féministe, activiste, autrice Valérie Rey-Robert :
Extrait 2
Ca : Donc cette affaire de la ligue du lol et tous les autres témoignages qui font suite, visent aussi tout un système inégalitaire. Je pense sincèrement que la plus grande sanction à venir ne sera pas individuelle mais appliquée au système dans son ensemble.
Co : Alors peut-être un mal pour un bien ? On verra en tout cas ce que l’avenir nous réserve. Pour plus de détails sur l’affaire je vous conseille d’aller faire un tour sur Numerama où deux enquêtes complètes sont sorties, témoignages à l’appui. Merci Camille et à la prochaine !
La Ligue du LOL : quelles sanctions pour les cyberharceleurs ?
Restée confidentielle pendant des années, l’affaire de la « Ligue du LOL » a enfin éclaté au grand jour. Si les différents méfaits de ses membres sont désormais plus connus, reste à savoir ce que risquent ces derniers. Avec Camille Suard, jetons un coup d’œil à ce qu’en dit la loi.
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