[GENERIQUE DES SIMPSONS]
Lucie : Corentin, tu vois cette scène dans le générique des Simpsons, où les employés de la centrale nucléaire comptent le nombre de jours depuis le dernier accident ? Eh ben chez Facebook, c’est un peu pareil. On compte les jours jusqu’à la prochaine polémique. Et aujourd’hui, on va parler de son dernier scandale en date.
C : Ah bah ça tombe bien, j’adore les dramas !
L : Cette fois-ci, c’est Mark Zuckerberg en personne qui s’est chargé de faire mauvaise presse à sa propre entreprise. Le PDG de Facebook était interviewé, le 17 juillet, par le site américain Recode. Parmi les nombreux sujets qui ont été abordés, il a été interrogé sur les fameuses “fake news”, la désinformation en ligne. Facebook est très critiqué depuis deux ans sur son rôle indirect dans la propagation de rumeurs, souvent à des fins politiques. Le réseau social refuse pourtant de supprimer les «fake news», estimant qu’il n’est pas de son rôle de veiller à la vérité sur Internet. Pour illustrer cette philosophie, Mark Zuckerberg a fait le choix, étrange, de parler de l’holocauste. On écoute ensemble ce qu’il a dit.
[EXTRAIT ZUCKERBERG]
“Il y a des gens qui nient l’existence de l’Holocauste. Je trouve ça terriblement choquant. Mais je pense aussi que notre plateforme n’a pas à supprimer ce genre de propos. Les gens font souvent des erreurs, pas toujours de manière intentionnelle. Il est difficile de comprendre leurs intentions.”
C : concrètement, qu’est-ce que ça signifie ?
L : Ces propos vous choquent peut-être. Il est difficile d’admettre qu’une entreprise puisse tolérer des propos aussi abjects que le négationnisme, surtout quand on vient, comme vous et moi, d’Europe. Je précise par ailleurs que Mark Zuckerberg est juif. Il est donc directement concerné par ce genre de propos.
Pourtant, cette décision n’est pas surprenante. Et surtout symbolique de l’exercice d’équilibriste à laquel se livre Facebook sur le sujet des “fake news”. Le réseau social semble encore chercher la bonne méthode pour endiguer ce phénomène, qui est effectivement complexe. Facebook ne souhaite pas être un garant de vérité. Il ne veut pas non plus être accusé de favoriser un bord politique par rapport à un autre. Dans la plupart des cas, Facebook choisit donc de ne pas supprimer les «fake news», même manifestes, préférant réduire leur distribution sur le fil d’actualité ou les accompagner d’informations supplémentaires provenant de médias réputés. Seuls les contenus allant à l’encontre de ses règles sont effectivement modérés. C’est notamment le cas des discours de haine, qui vont souvent de pair avec les efforts de désinformation.
C: donc pour Facebook, le négationnisme n’est pas un discours de haine ?
L : Eh bien ça paraît fou, mais non. Pour Facebook, le négationnisme n’est pas de l’antisémitisme. C’est une théorie du complot comme les autres. Il se contente de supprimer ce genre de propos uniquement dans les pays qui interdisent explicitement la négation de l’existence de la Shoah. C’est le cas en France et en Allemagne par exemple.
Cela étant dit, l’interview a vite fait polémique. Mark Zuckerberg a dû se justifier, là encore dans Recode «Je ne cherche absolument pas à défendre les intentions de ces personnes [qui nient l’Holocauste], a assuré le PDG de Facebook. Ce sont des questions très complexes. Mais je pense que, souvent, la meilleure manière de combattre les mauvais discours est de produire du bon discours.» Et ça, si tu veux mon avis, c’est presque pire que sa première interview.
C : pourquoi ?
L : Parce que Mark Zuckerberg est hypocrite. Depuis des années, Facebook se cache derrière une supposée recherche de la neutralité sur Internet. Ca lui sert d’excuses sur plein de sujets, notamment celui de la modération, où Facebook fait très mal son boulot. Et ça lui sert donc d’excuse sur les fake news. C’est une belle notion, la neutralité, ça plaît a priori à tout le monde. Sauf qu’en refusant de dire que le négationnisme est un discours de haine, une notion répugnante et qui n’a rien à faire sur Internet, Facebook se rend surtout service à lui-même. Mark Zuckerberg et son entreprise détestent avoir des responsabilités. Ils ne veulent pas s’embarrasser à chasser les propos les plus abjects, parce c’est une tâche complexe, qui lui coûterait de l’argent et potentiellement des procès, surtout aux Etats-Unis, où la liberté d’expression est une notion particulièrement protégée.
Donc du coup, Facebook fait le service minimum. Mais peut-on vraiment faire l’économie d’une conscience morale et politique, lorsque l’on est une plateforme utilisée par deux milliards d’humains dans le monde, et que l’on sert d’outil principal de communication et d’informations à tous ces gens ? En se voulant neutre, Facebook ne l’est pas. Il fait le choix de laisser proliférer les pires discours en ligne.
C : Bon. Eh bien on sent que tu es bien remontée contre la plateforme sur ce sujet. Merci de nous avoir fait part de cet énième scandale qui touche Facebook et à très vite.
Le négationnisme : la « fake news » qui embarrasse Facebook
Alors que des publications négationnistes se retrouvent publiées sur sa plateforme, Facebook s’en lave les mains et invoque une forme de neutralité intellectuelle. Lucie Ronfaut du « Figaro Tech » nous expliquera pourquoi cet argument n’est pas recevable, si ce n’est carrément dangereux.
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