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Test de Turing 2018, le jour où le caca sauvera l’humanité des machines
Corentin : Salut à tous ! Aujourd’hui, Elodie Carcolse de La Réclame revient pour nous sur cette revisite du Test de Turing par deux chercheurs américains dans une version “simplifiée”. L’objectif est de parvenir, en un seul mot, à distinguer l’homme d’une machine. Ouvrez bien grand les oreilles, votre survie en dépend peut-être...
[Extrait 1 Terminator
EC : Caca. Oui, vous avez bien entendu. Caca. Ne rigolez pas, à l’heure du soulèvement des machines, lorsqu’il s’agira de choisir son camp ou de prouver son humanité face à un androïde, ce mot sera votre sésame. Répétez après moi : caca. Voilà, maintenant que c’est imprimé, je vous dois quelques explications.
Corentin : Oui parce que là je m’inquiète vraiment...
EC : Mais non, mais non… C’est tout de même l’un des rares points communs que l’on a avec la plupart des formes de vie sur Terre. Ceci étant dit, deux chercheurs de l’université de Pennsylvanie et du MIT ont réalisé un “test de Turing simplifié” auprès d’un panel de 2 500 personnes et le mot caca est ressorti comme étant le plus à même d’identifier un humain face à une machine.
Pour nos chers auditeurs qui se poseraient la question, le test de Turing a été élaboré en 1950, et doit son nom à son inventeur, le pionnier de l’informatique, mathématicien et cryptologue britannique, Alan Turing. Vous avez peut-être même vu le film Imitation Game, avec Benedict Cumberbach, qui rappelle le rôle majeur d’Alan Turing durant la Seconde Guerre mondiale. Le mathématicien avait réussi avec son équipe à percer le secret de la célèbre machine de chiffrement allemande Enigma, alors réputée inviolable.
Corentin : Ce qui donna d’ailleurs un avantage certain aux Alliés dans la poursuite et surtout la fin de la guerre. Selon les historiens, ses travaux ont permis d’écourter le conflit de deux ans environ.
EC : Pour en revenir au test de Turing, il est censé déterminer si une machine peut reproduire la pensée humaine. Pour cela, on confronte verbalement, et à l’aveugle, un humain face à une machine et un autre être humain. Si le premier n’arrive pas à faire la distinction entre les deux, et donc à déterminer lequel de ses interlocuteurs est un ordinateur, on considère que la machine a passé le test avec succès. Et donc à penser comme un humain. L’un des fantasmes gravitant autour du sujet de l’intelligence artificielle.
Extrait 2 Ex Machina
EC: Eh bien peut-être parce que vous faites flipper ma petite dame...
Corentin : D’ailleurs, dans le film Ex Machina dont l’extrait sonore est issu, l’androïde Ava finit par bien duper son monde...
EC : Voilà, c’est l’une des craintes autour des dérives de l’intelligence artificielle. Le test de Turing a longtemps été le test de référence pour déterminer le niveau de développement de ce type de logiciel. En 2014, un ordinateur a remporté pour la première fois le test de Turing en se faisant passer pour un garçon de 13 ans, appelé Eugène Goostman. Depuis, cette victoire de la machine sur l’homme a été contestée. Notamment parce que le logiciel était un chatbot, donc un agent conversationnel conçu pour imiter l’humain, et qu’en se faisant passer pour un enfant les éventuels biais de l’ordinateur étaient moins facilement reconnaissables.
Corentin : Oui, si un enfant a du mal à répondre à une question, on met ça sur le compte de son âge plus que sur le fait, sans se dire qu’il s’agit potentiellement d’une intelligence artificielle.
EC : Exactement. Tout ça, c’est pour le test de Turing classique. Maintenant, imaginez que vous êtes projeté dans un futur dystopique à la Westworld. Humains et Androïdes vivent ensemble en société. Et puis, c’est le drame. Après des années de conflits, toute intelligence artificielle est proscrite et doit être détruite. Arrêté et soupçonné d’être vous même une intelligence avancée, vous devez prouver à un juge que vous êtes bel et bien fait de chair et de sang face à une IA qui veut également “vivre”. Si vous échouez, c’est la peine de mort. Vous ne pouvez prononcer qu’un seul mot, n’importe lequel, lequel choisissez-vous ?
Corentin : le mot qui te vient à l’idée
EC : Ok, c’est mal barré. C’est à partir de cette question que les deux chercheurs américains John McCoy et Tomer Ullman, ont imaginé un test de Turing simplifié permettant de déterminer quel mot distinguerait l’espère humaine des machines. On zappe donc la conversation à trois évoquée précédemment, pour ne les départager qu’à partir d’un seul mot.
[Extrait 3 Roquefort Motus
EC : Lors du premier test, les chercheurs ont demandé à près de 1 000 volontaires de sélectionner le terme qui leur semblait le plus représentatif du genre humain. Malgré un champ des possibles infini, les réponses se sont recentrées autour d’un petit nombre de thèmes. Mais c’est le domaine de l’émotion qui dominait pour 47% des participants. Ainsi, le mot « amour » arrive en tête avec 14% des voix, suivi de « compassion » et « humain » ou encore “s’il vous plaît” qui a totalisé 25 réponses. Les autres thèmes étaient l’empathie (avec des mots comme «émotion», «sentiments» et «sympathie»), ainsi que la foi et le pardon (avec des mots comme «miséricorde», «espoir» et «dieu»). Au total, les 936 réponses couvraient 428 mots différents.
Corentin : C’est presque effrayant de voir à quel point les réponses se regroupent toutes.
EC : Dans la deuxième phase de l’étude, les chercheurs ont classé ces mots dans 10 catégories : nourriture, fonctions biologiques, animaux, non-humains, vie et mort, etc. Ils ont ensuite associé des mots venant de différentes catégories pour créer des paires et les ont présentés, cette fois-ci, à un panel de 2 405 cobayes en leur disant que l’un des deux mots avait été prononcé par un robot. Leur mission était simple : identifier lequel des deux mots était le plus susceptible d’avoir été prononcé par un humain.
Corentin : Jusque là tout va bien…
EC : Voilà, jusque là puisque vous l’aurez compris : le mot ayant enregistré le plus d’occurrences est « poop », autrement dit “caca” en français. Caca, qui se prononce également Pooh (P O O H) dans une grande variété de langues.
Corentin : Je ne regarderais plus jamais Winnie The Pooh de la même manière…
EC : Les chercheurs ont été un peu déconcertés par cette découverte. Puis en ont finalement conclu que les mots “tabous” associés aux fonctions biologiques seraient interprétés comme une réponse plus “émotionnelle”, donc plus susceptible d’avoir été donnée par un humain.
“Caca” est le mot qui a été le plus donné par les participants s’ils devaient un jour se démarquer d’une IA, mais le mot est également le plus choisi par les juges pour départager l’humain d’une intelligence artificielle.
Pour l’anecdote, l’un des chercheurs, Tomer Ullman, a confié à Psychology Today, qu’un juge s’était retrouvé à devoir choisir entre les mots “robot” et “humain” pour définir lequel de ces deux mots avait été prononcé par un humain. Ce qui lui a fait dire qu’il avait “l’impression d’être dans une nouvelle d’Asimov !”
Corentin : Ah bah oui, je peux le comprendre !
EC : L’objectif de cette étude était surtout de comprendre comment les humains se situent par rapport à la machine, plutôt qu’imaginer une nouvelle référence pour établir les progrès de l’intelligence artificielle. Donc pour nous, chers humains, ce qui nous différencie de la machine, c’est cette fonction biologique.
Corentin : Voilà au moins quelque chose que les robots et autres intelligences artificielles n’auront pas. Victoire ! Merci Élodie, pour cette information potentiellement capitale et à la prochaine !
Nouveau test de Turing : quand l’humain cherche à avoir le dernier mot
Et si pour prouver votre humanité, vous n’aviez le droit qu’à un mot, et un seul ? Pas facile, hein ? Pourtant des scientifiques se sont posé la question et les résultats sont… surprenants. Élodie Carcolse de « La Réclame » nous révélera la nature de ce mot magique.
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