Sans passer par les gènes, les informations passent qu’en mèmes

Corentin : Les contrées d’Internet sont vastes. Véritable monde ouvert où son exploration entière prendrait des siècles, attardons-nous si vous le voulez bien à un détail de cet univers que vous connaissez tous : les mèmes. Il se propagent, se diffusent, s’échangent et se transmettent de personnes à personnes. Contagion planétaire, que sont-ils ? D’où viennent-ils ? La science s’interroge ou en tout cas surtout la mémétique et c’est ce qu’on va aborder aujourd’hui avec Laura Aupiais. Bonjour, Laura
L : Bonjour Corentin, bonjour à tous. Effectivement, tout le monde connaît les mèmes mais vous êtes vous déjà interrogé sur la science ou même sur nos comportements qui en découlent. Tu l’as dit tout à l’heure, on parle alors de mémétique. Avant de détailler cette science, il faut avoir en tête la signification du mot mème.
Corentin : Quelle serait sa définition du coup ?
L : Alors d’après l’Oxford English Dictionary, un « mème » est un élément d’une culture ou d’un ensemble de comportements qui se transmet d’un individu à l’autre par imitation ou par un quelconque autre moyen non-génétique.
Ce concept n’est pas arrivé en même temps qu’Internet. Il a été pour la première fois évoqué par Richard Dawkins, un biologiste et éthologiste britannique dans son livre Le gène égoiste.
Richard Dawkins s’est inspiré du grec ancien mimesis qui signifie imitation pour former son mème. En anglais, on dit mime et il y a une analogie avec le mot gene.
Selon Dawkins, dans le domaine mental, les mèmes sont des réplicateurs, comparables à ce titre aux gènes, mais responsables de l’évolution de certains comportements animaux et des cultures.
Et par conséquent, la mémétique étudie les évolutions de la culture avec une approche darwinienne.
Corentin : Et concernant les meme Internet ?
L : Et bien, Laissons le youtubeur Mad Dog répondre à ta question dans une vidéo publiée initialement en 2014 intitulée l’origine des mèmes.
[SON 1 - L’Origine des Mèmes @Mad Dog - 5’24 > 6’10]
Pour faire simple, le fait de mettre sa casquette à l’envers dans les années 90 est un meme et par extension la mode également.
Je précise aussi que le fait de participer à un meme ne fait pas de vous un meme.
Corentin : C’est plus qu’une histoire de lolcat si je comprends bien...
L : Pour comprendre la mémétique ou la théorie des mèmes, il faut la comparer à à la biologie humaine. Et plus précisément, à la génétique.
Un gène se transmet d’un individu à l’autre, les bons gènes sont gardés et diffusés tandis que les mauvais passent à la trappe. Je grossis un peu le trait mais vous comprenez. Dans le but bien sûr de préservation de l’espèce, d’adaptabilité et de survie etc.
La théorie des mèmes suggère que nous n’avons pas évolué dans le seul but de propager nos gènes mais que nous avons aussi évolué pour propager des memes.
Ainsi, l’un des premiers memes de l’histoire de l’humanité pourrait-on dire c’est le feu, la maîtrise du feu. Cette information s’est propagée non-génétiquement par la suite grâce à la faculté de l’être humain à savoir imiter.
Corentin : Mais avec le temps, le fait de savoir faire du feu devrait être inscrits dans nos gènes non ?
L : Il se trouve que l’évolution génétique est beaucoup plus longue que l’évolution mémétique.
Dans Science of dank meme publié sur la chaîne youtube SciShow, Olivia Gordon en explique les raisons.
[SON 2 - The science of dank meme - 4’30 > 5’00]
« Ideas can affect an entire community in just a few hours, changing our genes takes generations. You don’t get a gene to make fire or to speak basque. Il existe beaucoup trop de memes et ils arrivent trop rapidement pour que notre ADN arrive à suivre.
A la place, nos gènes s’ajuste à la réalité qu’être trimballé dans un organisme qui peut comprendre et dupliquer des mèmes, c’était une bonne opportunité pour eux. »
Et en ce sens, ils vont évoluer de manière à ce que ça soit de plus en plus facile de reproduire une information. Et cette faculté d’imitation est tellement bénéfique pour nos gènes qu’on est devenu très très bon là dedans.
Tellement bon que la plupart des mèmes que l’on propage ne servent pas à notre survie.
Corentin : cf. les memes internet
L : Oui, ils ont la capacité de se propager très rapidement, de subir des mutations et d’avoir une espérance de vie de quelques mois ou semaines. Et pourquoi ça va si vite, pourquoi les mèmes Internet ne restent pas ?
On peut les comparer à un virus qui affecte son hôte puis mute pour sa survie. Et si on continue sur ce parallèle, quand on est infecté par un virus notre corps développe une immunité contre le virus de sorte d’être capable de se défendre.
Et c’est la même qu’il se passe avec les mèmes Internet. Notre cerveau devient immunisé d’autant plus qu’en règle générale, les mèmes ne sont pas utile à notre survie. Il ne sert donc à rien de garder cette information.
C’est une théorie qui est très intéressante et qui explique nos comportements Mais cette théorie ne plaît pas à bon nombre de scientifiques.
Corentin : Pourquoi ?
L : Le concept ne fait pas l’unanimité parce qu’il est très difficile de faire des prédictions avec des résultats concrets en usant de ce principe.
Il est aussi délicat de créer des expérimentations qui teste la théorie des mèmes et qui peuvent être répété et répété de façon à obtenir les mêmes résultats.
Ce qui est le fondement même de la science. Donc de ce fait, la théorie des mèmes ou la mémétique a peu de crédit.
Néanmoins, il faut avoir en tête que cette science, entre guillemets, est jeune mais elle peut peut-être nous permettre de comprendre comment fonctionne notre cerveau et notre comportement. La mémétique peut apporter un éclairage sur ce grand mystère qu’est notre cerveau…
Corentin : Eh bien, qui se doutait que de tels enjeux se cachaient derrière les lolcats et autres. Merci en tout cas Laura et à très vite.