Une neutralité du Net pas si nette
[Son INTERNET]
Corentin : INTERNET LUCIE RONFAUT !!! INTERNEEEEEEET ! Bon qu’est-ce qui se passe encore avec INTERNET ?!
Lucie : Vous l’aurez compris, le sujet du jour est … Internet. Plus exactement, je vais vous parler de neutralité du Net. Un sujet qui tracasse de nombreux internautes, hommes et femmes politiques et les grandes entreprises du Web.
C : La neutralité du net est un sujet réputé pour ne pas être forcément très clair pour tout le monde. Tu pourrais nous la ré-expliquer rapidement ?
L : Bien-sûr ! La neutralité du Net est un vieux principe qui a toujours régit Internet jusqu’ici. Il garantit l’égalité de traitement de tous les flux de données et prévoit un accès libre et sans discrimination à tous les internautes. La neutralité du Net concerne n’importe quelle plateforme en ligne, ou n’importe quel contenu : en théorie, vous êtes censés accéder de la même manière à un réseau social, à un jeux vidéo en ligne, des blogs ou YouTube.
C : Ça nous protège de quoi, par exemple ?
L : Plus concrètement, la neutralité du Net interdit par exemple aux fournisseurs d’accès de faire payer leurs utilisateurs plus chers l’accès à des services gourmands en données, comme YouTube ou Netflix. Et ces entreprises n’ont pas le droit de payer les opérateurs télécom pour s’assurer que leurs contenus soient livrés plus rapidement, car ça serait injuste pour les plus petits acteurs qui n’auraient pas les moyens de payer un tel passe-droit.
Aujourd’hui, donc, vous payez un même abonnement quelle que soit votre utilisation d’Internet. Que vous soyez accro aux jeux vidéo en ligne, et si vous vous servez de votre ordinateur juste pour envoyer des mails, vous payez la même chose.
C : Pourquoi on en reparle aujourd’hui ?
L : Aux Etats-Unis, la Commission fédérale des communications (FCC) a abrogé des dispositions protégeant cette fameuse neutralité du Net. Depuis 2015, le gendarme des télécoms avait en effet décidé de placer les fournisseurs d’accès à Internet sous sa tutelle, afin de s’assurer qu’ils respectent ce principe de non-discrimination. C’était une décision importante à l’époque et qui a fait beaucoup parler.
Il existe deux camps dans le débat de la neutralité du net. D’un côté, les associations de défenses des libertés en ligne estiment que c’est un gage de liberté et qu’Internet devrait être considéré comme un service public, au même titre que l’eau et l’électricité. Or, on ne vous demande pas de payer plus cher pour une eau de meilleure qualité.
De l’autre côté, il y a les opérateurs télécoms, ceux qui fournissent l’accès à Internet. Eux répondent qu’investir dans les réseaux coûtent cher, surtout avec l’explosion des contenus très gourmands en données. Et ils aimeraient bien pouvoir faire payer davantage les gros consommateurs. Ou faire payer les entreprises dont les activités mobilisent beaucoup les réseaux, afin qu’elles financent un peu cet effort.
C : Et les grosses entreprises du Web, elles sont de quel côté ?
L : Globalement, plutôt dans le camp des défenseurs. Google ou Facebook ont commencé comme petites start-up sans moyens : elles ont elles aussi profité de la neutralité du Net. Leur but est maintenant de s’assurer que d’autres petites start-up ne soient pas désavantagées. Car s’il n’y a plus de neutralité du Net, il leur faudra payer pour rivaliser avec les plus gros.
Mais il y aussi d’autres entreprises qui ne savent pas trop sur quel pied danser. Netflix, par exemple, a une position fluctuante sur la neutralité du Net. Quand la plateforme se lançait, elle était farouchement en faveur : elle avait besoin de ce principe de non-discrimination pour que ses vidéos puissent être diffusées auprès des utilisateurs. Mais aujourd’hui, Netflix est riche. Elle s’est même engagée auprès de plusieurs opérateurs de leur verser de l’argent pour financer le réseau qui permet de soutenir sa plateforme en ligne. Du coup, la neutralité du Net n’est plus vraiment sa priorité.
C : Et il me semble que l’Europe est plutôt sur la défensive sur la question de la neutralité du net, non ?
L : En 2015, la Commission européenne a adopté un texte affirmant l’importance de la neutralité du Net dans tous les pays en Europe. Néanmoins, ce dernier comprend une clause qui autorise des «services spécialisés» à bénéficier de conditions de trafic privilégiées par rapport aux autres plateformes, à condition que cela n’impacte pas la qualité d’accès au reste d’Internet pour les utilisateurs. La Commission citait par exemple le cas de la télévision par Internet, très demandeuse en données.
Cette ambiguïté a permis à plusieurs opérateurs européens de jouer avec la limite de la neutralité du Net. En Belgique, au Portugal ou en Suède, on retrouve des offres qui proposent d’utiliser une application particulière sans que cette utilisation ne soit décomptée des données proposées par le forfait. Il s’agit souvent d’une application de musique ou de vidéo qui est partenaire de l’opérateur télécom. Ce genre d’offre est qualifiée de “zero rating”. Ce n’est pas exactement une entorse à la neutralité du Net, puisque la qualité du réseau n’est pas impacté, mais ça en frôle les limites.
C : Et en France ?
L : En France aussi, les opérateurs aimeraient bien faire pareil. Voici par exemple ce qu’a déclaré Stéphane Richard, patron d’Orange, chez BFMTV mi décembre.
[Son Stéphane Richard]
Là encore ce n’est pas exactement le futur apocalyptique dont nous parle certains militants, où tu ne peux pas accéder à Internet sauf si tu paies ton forfait à 50e par mois, connexion à Google, Netflix et Facebook comprise. Il est vrai que certaines activités demandent bien plus de connectivité que d’autres : il peut s’agir de la vidéo en ligne, mais aussi d’autres applications professionnels, comme la voiture autonome ou la médecine aidée de robots. Mais ça reste une situation où certains sites, certains usages ont le droit à des priorités et pas d’autres. Et ça demande aussi de faire confiance aux opérateurs pour construire le futur d’Internet.
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