2017 : une année particulièrement chargée pour le CSA

Corentin : 90 000. C’est le nombre de plainte recensées en 2017 auprès du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Et c’est un record. Un record atteint grâce à Cyril Hanouna et à son émission aussi regardée que controversée : Touche pas à mon poste.
Angèle Chatelier, tu as épluché tout ce qu’il s’est passé en 2017 sur le petit écran. Comment en est-on arrivé à un chiffre aussi effarant de signalements ?
Angèle : Oui, Corentin, avec beaucoup de dégoût, parfois, je me suis (re)coltinée rien que pour vous ces séquences télé qui ont suscité les réactions les plus vives. Des séquences, surtout, qui ont eu le plus gros taux de signalements. Et tu le disais, le grand gagnant cette année… c’est Baba, alias Cyril Hanouna pour son émission Touche pas à mon poste
(EXTRAIT 1)
C : Bravo… bravo… Il faut dire qu’il est l’auteur d’une performance assez notable !
Oui. L’animateur phare de la chaine C8 a reçu en tout 25 000 signalements cette année. La plus marquante reste probablement une séquence jugée homophobe diffusée en mai dernier, on s’en souvient. Cyril Hanouna avait posté une fausse annonce sur un site de rencontre gay et avait appelé en direct, sans les prévenir, les personnes qui avaient répondu
Très brièvement, ça donnait ça
(EXTRAIT 2)
Quelques mois avant, en novembre 2016, le CSA avait prononcé une « mise en demeure » à l’encontre de Touche pas à mon poste pour une séquence pendant laquelle l’un des chroniqueurs de l’émission, Jean-Michel Maire, s’était amusé à embrasser la poitrine d’une intervenante sans lui demander.
C : Bon, l’émission phare de C8 n’est pas la seule à avoir reçu des signalements auprès du CSA cette année.
A : Et non. En octobre dernier, un millier de personnes avaient signalés au CSA la violente altercation verbale entre Christine Angot et Sandrine Rousseau sur le plateau d’On n’est pas couché. Sandrine Rousseau, ex-cadre d’Europe Écologie les Verts revient ici sur les affaires d’agressions sexuelles qui ont entaché le parti et dont elle aurait été victime de la part de Denis Baupin.
(EXTRAIT 3)
De nombreux téléspectateurs s’étaient dit choqués de la violence des propos de Christine Angot et de Yann Moix. La secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, avait elle aussi adressé un signalement au CSA suite à cette séquence.
C : Mais alors concrètement. Comment ça se passe un signalement et qu’est ce que cela permet ?
A : Depuis 2002, c’est bien plus facile de signaler un contenu que vous jugez indécent, raciste, xénophobe, homophobe ou sexiste. Il vous suffit de remplir un formulaire que vous pouvez trouver sur le site du CSA.
Mais Corentin, je pense qu’il est d’abord nécessaire de rappeler ce qu’est ce fameux Conseil supérieur de l’audiovisuel. Crée en 1989, il fait d’abord office de garant de la liberté de communication audiovisuelle en France.
Plus largement, il a aussi pour mission de protéger les mineurs ou de veiller au bon respect du traitement de l’information, par exemple.
Et, évidemment, c’est aussi lui qui punit s’il y a le moindre manquement à la règle.
C : Et quand le CSA décide de punir, il punit pas qu’à moitié !
A : Les sanctions peuvent aller du blâme, à la résiliation totale de la convention, indispensable pour diffuser. Entre les deux, il est aussi possible qu’une chaine paye une grosse amende. C’est ce qui est arrivé à C8 pour la scène jugée homophobe dans Touche pas à mon poste dont je vous parlais tout à l’heure. La chaine a été condamnée par le CSA à verser une amende de 3 millions d’euros pour cette séquence. Une somme d’ailleurs qui sera reversée au CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée.
Avant ça, le CSA avait choisi de priver Touche pas à mon poste de publicité pendant trois semaines. Vous vous en doutez, cela enlève un financement considérable pour l’émission.
C : Mais on dit aussi du CSA qu’il est un peu long à la détente...
A : Eh oui Corentin… ça prend du temps. Et surtout, les sanctions sont rares. Cette année, le CSA a prononcé 35 mises en demeure pour seulement 7 sanctions.
A savoir quand même, que sur ces sept punitions, trois ont été pour la chaine C8…
C : Le CSA s’est aussi un peu fait défenseur du droit des femmes à la télé en 2017
A : C’est le moins que l’on puisse dire. Avec l’affaire Harvey Weinstein, les hashtags #BalancetonPorc et #MeToo, on peut dire que 2017 a été l’année de la libération de la parole des femmes. De fait, le CSA a lui aussi pris le pli de sanctionner plus durement les séquences sexistes. En cette fin d’année, deux ont été particulièrement marquantes et durement sanctionnées.
La première concerne une séquence radio diffusée sur NRJ en décembre 2016. L’animateur Cauet, adepte des pièges téléphoniques, avait fait un énième canular. Cette fois, le CSA avait repéré des commentaires, je cite, “avilissants”, relatifs au physique d’une femme et des propos dégradants concernant sa vie intime.
Une séquence impossible à retrouver aujourd’hui.
Résultat, BOUM. La radio a été condamnée à verser 1 million d’euros d’amende.
Il y a quelques semaines, c’est aussi l’animateur Tex qui a fait les frais du CSA avec cette blague… (EXTRAIT 4)
C’était début décembre sur le plateau de l’émission C’est que de la télé, sur C8 (Décidement !!!)
Marlène Schiappa avait là aussi signalé cette séquence au CSA. Résultat, Tex, malgré moultes excuses a été évincé de son émission phare sur France 2, après 17 ans de bons et loyaux services les Zamours. (On soupçonne quand même que cela a été un prétexte pour la chaîne pour pouvoir évincer l’animateur)
C : Le CSA a donc pris plus d’importance en 2017 et c’est le souhait d’Emmanuel Macron que ce soit encore plus le cas
A : Oui. Le chef de l’Etat a fait cette annonce lors de ses voeux à la presse en début d’année. Il a dit vouloir que les pouvoirs du CSA soient accrus pour, je cite, “lutter contre toute tentative de déstabilisation par des services de télévision contrôlés ou influencés par des États étrangers”. Cela concorde notamment avec l’arrivée en France de la chaîne Russia Today. Une chaine russe d’information nationale basée en France, soupçonnée d’être téléguidée par le Kremlin.
Le CSA a donc encore de beaux jours devant lui...
C : Merci Angèle ! Et on espère ne pas battre de nouveaux records de signalements quand on fera le bilan de l’année 2018. À très vite !