Pourquoi ne programmer que des femmes à des évènements culturels ?
Être une artiste féminine n’est-il pas devenu un genre en soi ? Faut-il continuer à ne programmer que des artistes féminines en festival ? C’est l’ambition du festival Les Femmes S’en Mêlent qui se déroule jusqu’au 8 avril dans toute la France et du festival Elfondurock le 24 mars à Marcoussis. C’est aussi celle de l’association fraichement montée, Femme Vibre.
(EXTRAIT 1 MONTAGE SEXISME)
L’association, média et collectif Femme Vibre est tout frais. Il a été lancé il y a deux semaines par Clara Delgbergue, free-lance en communication dans l’industrie musicale et Alice Girard, co-fondatrice d’un studio de création et étudiante en management culturel.
A travers une vidéo qui sort tous les mercredis, elles tentent de mettre en relation les femmes artistes.
Leur but : faire se rencontrer des illustratrices, designeuses avec des groupes d’artistes femmes pour créer ensemble un projet. En sort une vidéo tous les mercredis. Dans le même temps, elles souhaitent proposer à terme des expositions et des showcases de ces femmes qui font de l’art. (EXTRAIT 2 INTERVIEW 0:22sec « Dans l’illustration il y a beaucoup de femmes. Mais finalement, lorsque je tournais sur Instagram, je me rendais compte que je suivais beaucoup de mecs et pas tant de femmes. Et quand je tombais sur les suggestions, je tombais vachement sur des mecs. Je me disais : ‘c’est bizarre quand même, y’a beaucoup de femmes qui ont 300 followers alors qu’elles font des trucs géniaux »)
Mais il faut tout de même se poser la question : est-ce une bonne idée de créer un festival ou un média dédié aux femmes artistes ?
Cela peut effectivement être qualifié de discrimination positive. Par exemple, l’ancienne chanteuse du groupe Chairlift, Caroline Polachek, s’est indigné récemment qu’on l’a programme dans un festival en Caroline du Nord dédié aux artistes féminines, transcendes et non-binaires.
Elle a tweeté : « le genre n’est pas un genre ! Je n’ai pas besoin d’un piédestal de sympathie, particulièrement de la part d’un programmateur masculin »
Le festival Les Femmes S’en Mêlent célèbre cette année sa 21ème édition. Son ambition est de programmer des têtes d’affiches féminines. Qui peuvent donc avoir des membres masculins dans leur groupe, ce qui diffère un peu du festival Elfondurock. Lui aura lieu le 24 mars prochain à Marcoussis.
Les Femmes S’en Mêlent a beaucoup été qualifié de « guetto à femmes », selon son fondateur, Stéphane Amiel, comme il le dit dans le journal Liberation. A ce sujet, Clara Delbergue et Alice Girard réagissent : (EXTRAIT 3 INTERVIEW 0:32sec « si on les programme c’est parce qu’on les kiffe donc… On ne contacte pas des artistes non plus juste parce qu’elles sont des femmes. On aime aussi leur travail, on vérifie que ça colle avec notre identité, avec l’identité de l’artiste. Ça va plus loin que juste : ‘ah bah tu es une femme, bah viens’. Après voilà, il faut ce qu’il faut. Il faut profiter de tout ce mouvement, de tout ce bruit là, pour faire entendre enfin la voix des femmes et les mettre en lumières parce que… c’est pas qu’on a assez entendu parler des hommes mais il faut que ce soit un peu plus égalitaire quoi ! »)
Le site Female Pressure, lui, a rapporté que la proportion de femmes programmées dans les festivals était de 18,9% en 2017.
Autre écueil : les artistes féminines sont parfois cantonnées à leur genre de femme
C’était le sujet d’une conférence en août dernier organisée par Trax Magazine. La musique a-t-elle un sexe ? Natstasia Hadjadji y était invitée. Elle est journaliste et féministe et explore les intersections entre musique et politique de l’identité. Selon elle, il est plus convenu qu’une femme soit chanteuse dans un groupe, par exemple. Que sa voix soit douce et sensible.
La DJ Piu Piu parle aussi de bienveillance « mainstream ». Elle dénonçait le fait que des hommes lui proposent constamment leur aide pour brancher des câbles ou pousser des caisses, par exemple. On la prenait souvent pour la copine de, aussi.
L’idée donc, de Femme Vibre, comme les Femmes s’en Mêlent, et de mettre en lumière l’art des femmes. Non pas elles en tant que femmes, mais elles en tant qu’artistes.
A la question « pourquoi faut-il programmer des artistes exclusivement féminines à des festivals » il faut plutôt répondre : « pourquoi est-on encore obligé de le faire ? »
Selon les créatrices de Femme Vibre, il ne faut pas se poser la question de savoir s’il s’agit ou non de discrimination positive : il faut se poser la question de « pourquoi, en 2018, doit-on encore faire cela pour que les artistes femmes soit mises en avant ? ».
Pour Natstasia Hadjaji, il y a une explication à cela : notre générations et les précédentes n’ont presque pas eu de modèles d’artistes féminines. Le rock, c’est un truc de garçon. Le violon, c’est pour les filles. Rare donc sont celles qui osent, aussi. Car du fait du “pas de modèle”, les femmes se sentent moins légitimes à se promouvoir leur musique.
Et tu as quelques chiffres effarants à nous donner sur les femmes dans le domaine culturel
Selon la SACD, la société des auteurs et compositeurs dramatiques, seulement 7% des compositrices, chorégraphes, metteuses en scène, librettistes, cheffes d’orchestre ou solistes sont des femmes. Aucune d’entre elle n’est directrice d’un théâtre national. Seulement 25% le sont dans des centres dramatiques nationaux ou régionaux, par exemple.
Pourtant, et c’est là où c’est le plus étonnant, la SACD dévoile que 52% des étudiants des écoles de l’enseignement supérieur Culture en spectacle vivant sont… des étudiantes.
Pour Stéphane Amiel, le programmateur des Femmes S’en Mêlent, c’est donc, malheureusement, toujours nécessaire :
(EXTRAIT 4 INTERVIEW 0:37sec « Dès fois on a l’impression que la partie semble gagnée, qu’il y a de plus en plus d’artistes féminines mais faut continuer. Mon militantisme il est là-dedans, c’est à dire sur la longévité de cet évènement, de proposer des artistes un petit peu nouvelles, qu’on n’a pas vues, prendre des risques. Donc voilà, j’aide, je soutiens cette femme. Voilà, mon rôle il s’arrête là. Après, toutes les expressions, les attitudes et toutes les opinions de ces artistes là peuvent s’exprimer au sein du festival. C’est pas un festival formaté, y’a pas un discours. C’est à dire qu’il peut y avoir autant de discours qu’autant de soirées, autant d’artistes et autant de point de vue »)
Le festival Les Femmes S’en Mêlent qui, je le rappelle, se déroule jusqu’au 8 avril dans toute la France. Femme Vibre, le nouveau média, collectif slash association qui veut mettre en avant les femmes qui font de l’art lui, est accessible sur femmevibre.com et tous les réseaux sociaux. Merci Angèle Chatelier
Programmer que des femmes à des évènements culturels : entre risques et nécessité
Mettre en avant les artistes femmes sans pour autant les enfermer dans une case, voilà ce qu’essayent de faire les événements comme Les Femmes s’en mêlent ou Elfondurock. Angèle Chatelier nous racontera comment trouver cet équilibre par toujours évident.
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