Corentin : Aujourd’hui, survie en milieu hostile mais surtout : survivre aux autres ! Notre expert survivaliste, Benjamin Benoit, est ronchon. Pourquoi tu es ronchon Benjamin ?
Benjamin : Salut Corentin, alors c’est peut être pas grand-chose pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup. Dans mes plus jeunes années j’étais un fan absolu de Koh-Lanta et ça fait… un lustre, donc cinq ans, que cette vénérable émission de télé-réalité s’installe dans une flemme formelle et créative DANTESQUE. Je regarde l’équivalent américain depuis dix ans et cette version supérieure me fait voir trois fois plus gros tous les défauts de la nôtre.
C : Et si on rappelait en quoi ça consiste pour nos auditeurs qui sortiraient d’hibernation ?
B : Tu as raison, il faut penser à eux ! C’est un jeu de Risk à échelle humaine, où une vingtaines de gus passent 40 jours sur une île déserte. Ils gagnent des récompenses ponctuelles et doivent s’éliminent les uns les autres. Pour gagner, il faut être constant, actif, stratège et ne jamais être premier dans les chaînes de décisions.
[MOUNDIR PUNCHLINE LAITIERE]
Tu vois Corentin, je trouve dommage que les seules séquences rigolotes qu’on aie retenu en plus de quinze ans d’émission soient les punchlines de Moundir. Je rappelle que le seul candidat verbeux, bon narrateur et articulé qu’on aie jamais eu est surtout connu pour ses accès violents et sexistes. Ce manque latent d’humour est symptomatique de plusieurs choses.
Koh-Lanta est une émission terriblement mal montée. Je ne parle pas des erreurs et des spoilers qui traînent parfois à la vue de tous, mais de l’incompétence à faire le taf d’une télé-réalité : établir des arcs, narrer et justifier les actions et les motivations de chacun. Koh-Lanta ne fait /aucun/ effort à construire une mythologie. À la place, on a la voix-off de Denis Brogniart qui nous prend pour des débiles en imposant une grille de lecture.
C : Tu parles de narration, mais ça dépend surtout des candidats, non ? C’est pas quelque chose sur lequel on peut vraiment agir...
B : Eeeeeeh justement, c’est un autre problème. Je vais pas prendre de pincettes, il y a toujours un énorme problème de casting. Enfin, plusieurs. Dans ces vingt têtes de pipes, toujours les mêmes archétypes, mais jamais de bon narrateur. Les candidats de Koh-Lanta sont uuuun peu cons, ils s’expriment terriblement, jurent comme des charretiers, et n’arrive pas à véhiculer la moindre idée stratégique. Et franchement, ils sont interchangeables. Si le spectateur n’arrive pas à mettre des noms sur une dizaine de visages après dix épisodes de trois heures, c’est qu’il y a un gros souci.
C : Aaaaaah, parlons de valeurs sportives et héroïques, tiens.
B : MAIS OUI ! Mais ça rend fou ! Quand Moundir devient maboule parce qu’on l’accuse de « vouloir gagner les 100 000 euros », je suis perplexe ! Bien sûr que c’est pour ça qu’on y va ! Koh-Lanta est dans ce délire d’aventure humaine, des valeurs sportives, quand ils parlent de stratégies ça sonne comme s’ils pactisaient avec le Malin… et tout ça cache une fantastique hypocrisie quand il s’agit de voter les uns contre les autres, avec les expressions consacrées. (Ton deb’) « tU sE La pErSoNnE aVeC qUi J’aI Le mOiNs D’aFfInItÉs » ou « tU eS Le pLuS fAiBLe eT tA fAmIlLe Te mAnQuE». C’est n’importe quoi ! Du coup les premiers éliminés sont toujours de jeunes femmes, et si tu as plus de 35 ans tu ne gagnera JAMAIS ce jeu. C’est d’une hypocrisie… et un peu sexiste. C’est un jeu. Un jeu social.
MOUNDIR POURQUOI -
Tu vois, Moundir est très très énervé aussi.
C : Je sais que tu es attentif à la direction artistique de la chose !
B : Bah oui c’est sûr, il n’y en a pas ! Ca se résume à trois morceaux de bambous qui se battent en duel. Ca fait un peu pitié… c’est ce que j’aime dans les versions internationales, il y a un grand soin de donner une palette à la saison, surtout du temps où le lieu du jeu était important. Imagine une saison dans les Iles Cook, basée sur les explorateurs : le conseil est sur un vaisseau échoué, l’urne est un sac en cuir de marin, l’immunité cachée une boussole… ce genre de trucs. Décliné sur 35 saisons. C’est pas très compliqué… de Survivor et consorts, Koh-Lanta ne pique que quelques épreuves individuelles et les pires côtés, dont des retournements de situation arbitraires et aléatoires.
C : Alors on fait quoi pour régler ça ?
B : Ben moi j’en sais rien, je suis chroniqueur aux Croissants, pas producteur chez TF1. J’aimerais juste que Koh-Lanta s’attache à changer de profonds soucis de mentalité, un casting un peu moins benet, qu’ils embrasse son statut de jeu et qu’ils y mettent un peu les formes. Et peut-être qu’elle pourra devenir le véritable média mythologique qu’est la version américaine… qui s’approche de sa quarantième saison et qui se débrouille encore pas mal, merci pour elle. Je pourrais continuer des heures. Savais-tu que bla bla
C : (Interrompt) La tribu a parlé Benjamin, je me dois de mettre fin à cette chronique ! Et sa sentence, est irrévocable. À la prochaine !
B : AH !
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