Corentin : Accrochez-vous car le nouvel opus du groupe américain Big Thief s’écoute comme une performance, un moment suspendu. UFOF, c’est son nom, a tout des meilleurs albums de folk-rock indie, mais il se distingue. Par la voix de sa chanteuse, d’abord, mais aussi par ses textes. Angèle Chatelier l’a écouté en long et en large pour vous aider à l’appréhender
(EXTRAIT 1)
Angèle : Il est de ces groupes auxquels on prête une oreille parfois comme ça, sans prévenir. Parce que le ton nous a happé, parce qu’une voix s’est distinguée. Le groupe Big Thief, originaire de Brooklyn a cette saveur particulière d’une musique difficile à définir, parfois même à écouter.
C : À la tête de ce groupe indie, la chanteuse Adrianne Lenker
A : J’ose cette comparaison. Pour moi, la voix d’Adrianne Lenker est un mélange de Brigitte Fontaine et d’Olivia, de The Do. Une voix parfois poussée, presque fausse, mélangée à un timbre si doux qu’il en ferait pâlir les plus grands marchands de plaids. Des murmures…
(EXTRAIT 2)
A : Sa voix peut en énerver plus d’un. Elle est loin d’être juste, parfois forcée. Comme si tout était calculé pour rendre une aura délicate, timide.
(EXTRAIT 3)
C : Si les critiques avaient été unanimes à la sortie de leur opus « Masterpiece » en 2016, U.F.O.F laisse plus perplexe
A : Un peu trop abstrait, pour les Inrocks, par exemple. Perché, même. Pour en apprécier les rouages, il faut à mon sens entrer dans leur mélancolie, leur désarroi en n’étant pas trop exigeant, en se laissant porter
(EXTRAIT 4)
Ce terme de « perché », n’est pas sans rappeler le dernier album du sublime Bon Iver. Son dernier opus, « Twenty Two, a million » est une véritable performance, parfois inécoutable
(EXTRAIT 5)
Le dernier opus de Big Thief, UFOF a été enregistré dans un chalet en pleine campagne de Washington. Comme s’il fallait un endroit apaisant pour l’ataraxie. Mais sans être trop loin des bruits de la ville. Il se murmure, d’ailleurs, que quelques titres de l’opus ont été joué en live, réfléchis en live, aussi. Mais que d’autres ont pris vie dans l’instant. Dans ce chalet.
(EXTRAIT 6)
Ce qui ressort de Big Thief, c’est aussi ses textes. Il faut dire qu’ils en ont parcouru des routes et des montagnes. La chanteuse est partie de sa vie, de ses déboires, pour écrire des textes empreints de sensibilité. Parler de l’individuel pour émouvoir le collectif. Aux Inrocks, d’ailleurs, elle s’est confié
C : « A 10 ans, j’avais écrit un morceau qui s’appelait So Little Life. Elle faisait « So Little Life to Live/To Many Words To Say »
« Si peu de vie à vivre, trop de mots à dire », si je traduis bien. Des pensées bien profondes et bien vertigineuses pour une jeune fille de 10 ans.
Dans UFOF, tout est en mouvement. Rien que le titre de l’album, d’ailleurs : UFOF représente l’autre, ce qui est en dehors de nous et ce qui dépasse notre compréhension. Le groupe a rajouté l’initiale du mot « friend » à « Unidentified Flying Object », objet volant non identifié. La volonté d’un tel acronyme ? Embrasser la finitude et devenir ami avec l’Autre
(EXTRAIT 7)
Pour reprendre le célèbre magazine de musique Pitchfork, l’album UFOF a cette volonté de lier tout ce qui est vivant et ce qui a vécu. C’est cosmique, perché, oui, mais terriblement inspirant. Big Thief a cette faculté d’arborer un masque de vanité avec douceur. Comme si à cet instant, rien n’était tout à fait fini car cet instant a trouvé sa source dans le passé.
C : Et on l’entend, UFOF est délicat, doux, mais aussi bien souvent cadencé
Progressif, pas toujours régulier. Dans le titre Jenni, par exemple
(EXTRAIT 8)
L’envolée est saisissante. Elle me rappelle les plus beaux titres de Kid Francescoli où tout monte, progressivement. Puis redescend, sans crier gare. Comme son titre phare, Moon
(EXTRAIT 9)
Big Thief, eux, ne partagent pas toujours. On imagine aisément les enregistrements : têtes baissées, yeux fermés. A laisser entrer les guitares parcellaires et les murmures d’Adrianne Lenker comme des aiguilles de tatouages. Doucement, mais sûrement.
UFOF est quoi qu’on pourrait en dire, un instant suspendu de mélancolie brumeuse mais terriblement optimiste. Comme si aller vers l’autre, comme le voudrait le titre de l’album, était la solution aux moindres pensées embrouillées. Un album, donc, à mettre entre les mains des plus initiés mais aussi à partager.
C : Merci Angèle Chatelier. Big Thief étaient à Paris dans la salle du Trabendo le 27 mai dernier mais on vous tiendra au courant du moindre concert des Américains. A très vite !
Big Thief va voler votre cœur avec leur nouvel album « UFOF »
Le groupe américain Big Thief vient de sortir son dernier album en date, « UFOF ». Parfait exemple de folk rock indépendant, il a particulièrement plu à Angèle Chatelier, qui l’aime malgré des aspérités et une esthétique un peu « perchée ».
0:00
6:07
Vous êtes sur une page de podcast. En cas de difficulté pour écouter ce document sonore, vous pouvez consulter sa retranscription rapide ci-dessous.