Comprendre une signature rythmique en deux-deux

Bonjour à tous, et bonjour à toi Corentin. Aujourd’hui je vais vous plonger dans un monde merveilleux où l’on fait usage de ses petits doigts. Êtes-vous prêts ?
Je ne sais pas, je suis actuellement terrifié.
Le merveilleux monde du RYTHME. Car tout est rythme, c’est l’une de mes grammaires préférées, et je suis sûr que ce sera bientôt votre cas. Je vais vous parler d’une notion toute simple de rythme, et vous allez voir, vous allez commencer à mieux comprendre ce que vous entendez.
Je sais pas. J’en sais moi rien. J’ai des flashback du Vietnam du solfège.
Oui j’ai eu les mêmes. Le solfège au début c’est sympa et fun, puis ça tourne cacao. Mais tout va bien je vais vous expliquer ce qu’est… une signature rythmique. Tu vois Corentin, cette partition imaginaire que je tiens, y’a un truc intéressant à son début.
Je vois 4 sur 4. C’est une fraction ? C’est une émission avec Anne Sinclair ?
Eh non, ça veut dire qu’il y a quatre noires à la mesure dans ce morceau. Alors pas de panique, mais écoutez bien. Parce que les implications de ces deux chiffres sont énormes. Une signature rythmique ça te dit le genre de la musique que tu vas écouter, et surtout son taux de bizarrerie.
Tu as parlé de mesure, mais c’est quoi une mesure ?
Quand on écrit la musique, on décompose les notes en cycles bien précis, et généralement tu les comprends tout seul en écoutant ou en tapant dans tes mains. Mais ces cycles sont pas fixes, ils sont déterminés par deux critères, et ce sont les deux chiffres qui composent la signature rythmique. Le premier, c’est le nombre de pulsations qui composent la mesure. Le second, c’est l’échelle, ou la durée de ces pulsations. Tu vois, dans une mesure, on… mesure tout avec une blanche. Une blanche c’est une note très longue. Dans la signature rythmique, le deuxième chiffre est 4 parce qu’on compte en noires pour le quart d’une note, 4, une croche pour un 8, une double croche pour un 16. Du coup, vu qu’on s’enfonce dans des rythmes dont la bizarrerie est de plus en plus précise, ça donne généralement des morceaux de plus en plus chelous. Bon, ce que je viens d’expliquer est moins important, c’est surtout le premier chiffre qui est important.
Car une immense majorité des morceaux de musique sont composés avec la même signature rythmique.
Quasiment tous la même, celle qui sent bon le sucre et qui cale bien au goûter : le 4/4. Quand vous tapez dans vos mains en rythme et que ça colle toujours, c’est parce que c’est du 4/4. Je vous aide.
MAGICAL GIRL
Ca marche avec quasiment tout. Je mets mon Itunes en shuffle, là j’ai Grand Blanc.
L’HOMME SERPENT.
Ou tiens, Freezepop.
SCIENCE GENIUS GIRL
Ouhla, ça devient incompréhensible ton truc.
C’est pas ma faute si elle a décidé de chanter le nombre d’or en même temps. Mais bref. Une immense majorité de ce que vous entendez au quotidien c’est du 4 sur 4. C’est binaire, carré, rassurant, tu peux taper dans les mains en rythme sans problèmes. Bon, mais la norme ça nous intéresse moins hein ? Allez, un dernier, je nous met Radiohead.
15 STEPS
Attends, ça marche pas du tout. Qu’est-ce qui se passe ?
Moi je sais. Y’a un temps en plus dans la mesure. Je la repasse.
15 STEPS
Eh oui c’est du 5/4, on a quitté le monde merveilleux de la musique bien carrée pour quelques chose de plus inhabituel. Quand tu entends du 5/4, ton cerveau se dit automatiquement : ouhla ! C’est bizarre. C’est cool mais bizarre. Et vous connaissez super bien un air en 5/4, le générique de Mission Impossible. Si si, essayez en tapant dans vos mains. On reste dans le rock indé pour un exemple de 6/4, plus carré mais un peu plus traînant. On écoute MGMT.
ELECTRIC FEEL
C’est marrant parce c’est comme si la signature rythmique dictait le genre du morceau.
Mais absolument. Deux signatures rythmiques donnent quasi automatiquement un genre précis. Avec le 5/4, on a ajouté un temps. Maintenant on va faire l’inverse. DEMARRER L’EXTRAIT Corentin, tu m’accordes cette danse ?
VALSE CATHERINE
Eh oui, toutes les valses sont en 3/4. C’est pas une exclusivité, dans le rock tradi, Kashmir de Led Zep est un très bon exemple. Maintenant, Corentin, un exemple jazzy, avec le fameux Whiplash de Don Ellis.
WHIPLASH
C’est si cool le 7/4. Le jazz aime beaucoup ça, cette structure compliquée et avec pas mal de possibilités. Les genres connexes en sont très friands aussi, comme le fameux math rock. Après, un morceau peut alterner toutes les signatures rythmiques à sa guise. Et bien sûr, ce sont les affaires du prog rock, comme Tool et Rush où le 4/4 est minoritaire. Changer de signature rythmique en plein morceau, c’est comme si tu changeais de vitesse dans l’autoroute de la musique. C’est une sensation de cloisonnement imperceptible, mais très agréable. Ecoutons la chaine Youtube Signals Music Studios qui compte le morceau Classical Gas. On va passer du 4/4 ou 6/8 avec du 7/8 pour faire transition. Ecoutez bien.
CLASSICAL GAS
Alors justement, ces fameuses signatures rythmiques avec 8 en deuxième chiffre ?
Elle permettent des variations plus précises, parce qu’on compte en demi-temps. Scatterbrain, de Jeff Beck, du 9/8. Attention, accrochez-vous :
SCATTERBRAIN
Et voilà, vous avez toutes les clés pour essayer de comprendre la structure rythmique de votre morceau favori. On pourrait aller bien plus loin dans le concept, mais c’était une introduction. Maintenant je vous propose un exercice assez difficile. Écoutez bien. Attention, c’est inspiré d’un obscur groupe nommé Diatrib(a). :
PLAN IMPROBABLE
Joignez-moi sur Twitter et dites-moi quelles étaient, dans l’ordre, ces deux signatures rythmique. Le premier à me donner la bonne réponse gagnera, je sais pas, un haiku à sa gloire.
Merci Benjamin pour ces explications ! Mais t’as pas parlé de polyrythmes, ça m’étonnes de toi.
Pauvre fou !