Corentin : Depuis 1977, le festival du Printemps de Bourges se veut être la référence en matière de découvertes musicales. Sur ses affiches, il est possible que vous ne connaissiez pas - encore - grand monde. Et pour cause : 70% de sa programmation est émergente. Mais comme Angèle Chatelier va nous l’apprendre, ses organisateurs rémunèrent moins que la moyenne les quelques têtes d’affiches qui s’y trouvent. Comment y parviennent-ils et comment expliquer l’augmentation des cachets dans les autres festivals ?
Angèle : Chaque année, les équipes des Inouis du Printemps de Bourges sillonnent l’Hexagone pour dénicher les nouveaux talents, les nouvelles perles musicales. Les Inouis, c’est près de 3000 groupes qui espèrent emporter un grand sésame : le prix des Inouis du Printemps de Bourges. A la clé, une prestation au festival mais aussi dans d’autres événements et une participation financière. Cette année, la grande gagnante, c’était Silly Boy Blue
(EXTRAIT 1)
Trente groupe ont la chance chaque année de jouer au Printemps de Bourges. Et tu le disais, oui, la programmation du festival en ce sens est composée à 70% de groupes émergents.
C : Mais pas que !
A : Et bien non. Une dizaine d’artistes confirmés ont leur place sur l’affiche. Cette année c’était Jeanne Added, Beirut mais qui a malheureusement annulé, Radio Elvis, Clara Luciani, Zazie et même, Aya Nakamura
(EXTRAIT 2)
« Dans un contexte d’inflation du montant des cachets des artistes, le Printemps de Bourges choisit le contre-pied ». C’est comme cela que débute un article du journal Le Berry qui m’a fait tiquer. Le printemps de Bourges rémunérerait à moindre coût ses têtes d’affiches. Pour Yan Degorce-Dumas, chargé de communication au Printemps de Bourges interrogé sur place
(EXTRAIT 3)
“En fait l’idée c’est pas tellement de moins payer les artistes. C’est surtout de ne pas participer à cette course aux cachets exponentielle, perpétuelle… et qui est une espèce de spéculation qui ne sert personne en fait. Ni les producteurs, ni les artistes finalement ni surtout les spectateurs qui.. parce que du coup le prix de la place s’en retrouve impacté d’une manière ou d’une autre”
3%. C’est la moyenne de l’augmentation du prix des tickets dans 1 887 festivals de musique en France, selon le Centre National de la chanson, des variétés et du jazz, le CNV.
Une course au cachet ? Oui. Outre le fait que cela a une répercussion considérable sur le prix moyen d’un ticket de festival, le budget total d’un événement pour ses organisateurs s’élevait à presque 3 millions d’euros en moyenne, en 2016. C’est 10% de plus qu’en 2015.
C : Beaucoup explique cette course aux cachets par la crise du disque
A : Puisque plus personne n’achète de disques, les événements musicaux deviennent plus des moyens de promotions pour les artistes. Avant, on achetait leurs disques avant de les voir. Maintenant, on les écoute sur Spotify et les voir en live permet qu’on en fasse leur promotion.
C’est d’ailleurs un peu ça qu’explique aussi Yan Degorce-Dumas, mais d’une façon plus positive. Les artistes ne viendraient pas au Printemps de Bourges pour y être payés, mais plutôt pour faire leur promotion
(EXTRAIT 4)
“‘Ca fait très longtemps que les artistes, notamment de la scène française ou francophone sont attachés au Printemps de Bourges car c’est le premier festival de la saison, c’est celui qui donne un peu la température sur ce qu’il va se passer dans les semaines et dans les mois à venir. C’est aussi le premier festival de la filière musicale : que ce soit les tourneurs, les programmateurs, les attachés de presse mais aussi les médias. Donc du coup, un groupe qui vient au PDB, il vient pas pour prendre un gros cachet, il vient ici pour l’exposition médiatique, etc, et c’est un festival qui a vraiment un capital sympathie auprès de la scène musicale et donc du coup, ils sont prêts à jouer le jeu”
Il est impossible de connaître les chiffres précis qui ont été versés aux artistes au Printemps de Bourges cette année mais je peux vous donner un ordre d’idée de combien coûte ceux que l’on peut appeler « les gros ».
C : Elton John a coûté 270 000 euros aux Nuits de Fourvières, Bjork 225 000 euros, selon des chiffres donnés par La Croix.
A : Comptez environ 100 000 euros pour des moins gros, comme Kendji Girac.
S’il est évident que les artistes et leurs équipes doivent être rémunérés pour leur prestation, cette course au cachet pose effectivement question. Et nous l’avons vu, cela a un impact direct sur le prix des places. Le Printemps de Bourges, donc, cherche, lui, à se démarquer. Avec plus de 200 000 festivaliers cette année, il semble que cela fonctionne.
C : Merci Angèle Chatelier de nous avoir emmené à Bourges, en musique ! On s’y retrouvera l’année prochaine. En attendant, soyez à l’affût sur leur site des dates pour élire les meilleurs groupes émergents aux Inouis du Printemps de Bourges, et pourquoi pas vous inscrire, vous ? À très vite !
Explosion des cachets : le Printemps de Bourges refuse la surenchère
En faisant le choix de rémunérer plus modestement les artistes qui participent à son festival, le Printemps de Bourges va à contre-courant de ce qu’il se passe dans le milieu de l’événementiel. Angèle Chatelier s’est rendue sur place pour comprendre ce fonctionnement.
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