Corentin : Xavier ? Xavier ? Tu es là ? Mais qu’est-ce que c’est que tous ces câbles ? Et ces synthés ??? Une chienne retrouverait pas ses pe….. AAAAAH ! Xavier ! Tu étais derrière moi depuis tout à l’heure ?! Tu as encore ramené tout ton matériel là, il faut vraiment que t’arrêtes !
Xavier : Ecoute Corentin, ma créativité ne peut pas être bridée, c’est décidé, je vais produire le premier album d’ambient du label des croissants.
C : Bon, qu’est-ce qui se passe, c’est encore la préparation d’une de tes chroniques qui t’es montée à la tête ? C’est ça ? Je regarde le programme…. Maria W. Horn c’est ça ? Kontra….kontrapoetik ?
X : Oui, c’est exactement ça. Alors, *tousse* Maria W Horn est une musicienne suédoise qui est spécialisée dans l’ambient, Kontrapoetik est le nom de son album sorti en novembre 2018. Pour la définition de l’ambient, je vous redirige vers ma chronique d’il y a quelques mois sur le sujet pour avoir une définition du genre. Mais pour résumer rapidement, l’ambient est un terme parapluie qui regroupe des musiques parfois très différentes qui ont pour point commun de développer une ambiance et l’atmosphère, par des nappes de son, généralement sans rythme marqué. On pourrait faire remonter tout ça à Erik Satie mais la musique ambient telle qu’on la connaît trouve ses racines dans les années 70.
C : Oui tu nous avais parlé de la réédition de “Plight & Premonition” et “Flux & Mutability” par David Sylvian et Holger Czukay. Donc C’est ce que fait Maria W Horn, de l’ambient ?
X : Alors, oui, effectivement, on peut le dire. Mais il y a aussi tout un aspect bruitiste, avec une manipulation de sons parfois très durs. Il y a aussi dans cet album une grosse composante drone.
C : Drone, comme les appareils commandés à distance qui lâchent des bombes ?
X : Alors, oui, mais en fait non. En gros, c’est un genre de musique très lent, qui utilise à profusion des notes très longues, avec peu de variations. On retrouve ça dans de nombreuses cultures musicales à travers le monde et à des époques très diverses. Je vais vous donner un exemple avec le morceau Atropa, qui ouvre Kontrapoetik.
[ATROPA]
C : oui je vois, effectivement il y a une ambiance, mais ce n’est pas la même chose que les albums dont tu nous avais parlé, c’est tout aussi planant mais aussi bien plus inquiétant.
X : Au fil de l’album, qui comprend six morceaux, Maria W Horn, développe plusieurs ambiances, des propositions assez différentes les unes des autres. On sent que les appareils utilisés ne sont pas les mêmes, et même que les réflexions derrière la production diffèrent. Exemple avec Stramonium, qui suit Atropa.
[STRAMONIUM]
C : C’est étonnant, on dirait presque que l’on est à une sorte d’office religieux, presque la suite logique des cloches du premier morceau.
X : pas faux Corentin ! C’est intéressant que tu dises ça, car une église figure sur la couverture de l’album. D’une certaine façon, l’artiste joue un peu avec le folklore suédois donc, mais aussi chrétien. En fait, le disque a été construit autour du morceau le plus long, Ångermanländska Bilder, d’une durée de dix minutes, que Maria W Horn a composé pour un musée en Suède, qui se trouve dans la région où elle a grandit.
C : en l’occurrence il s’agit d’une pièce audiovisuelle, avec des films des années 30-40 où l’on voit des rivières et des bâtiment au bord de l’eau.
X : Et que je vous conseille de regarder, par pure curiosité. Elle a expliqué dans une interview donnée pour le site straylandings.co.uk que lors de ses recherches pour ce morceau, elle a pris conscience des tourments économiques, sociaux et politiques qui ont touché la région. Cet album est pour elle une sorte de commentaire sur tous ces soucis, l’effacement de la mémoire régionale des plus démunis, les pluies toxiques après l’incident de Tchernobyl, de chasses aux sorcières. Et même, plus actuellement, le regain de puissance de l’extrême droite dans la région.
[Ångermanländska Bilder]
C : C’est…. pas très joyeux ! C’est même un peu sinistre ! Mais, étrangement, assez beau, enfin il y a quelque chose qui se dégage de ce morceau.
X : C’est à mon sens toute la puissance de cet album de Maria W Horn, il y a quelque chose de presque romantique dans cette musique. C’est triste, sombre, mais une beauté s’échappe de ces nappes inquiétantes, de ces synthèses tordues, de ces samples torturés. Sans même connaître le background de la composition des morceaux, on peut sentir qu’ils racontent des événements tragiques. La musicienne réussit à construire des ambiances très différentes les unes des autres, mais unifiées par des inspirations qu’on peut imaginer très sombres.
C : ah oui effectivement sombre tu l’as dit, personnellement j’ai un petit coup de mou. Mais donc, toi, j’imagine, si tu nous en as parlé aujourd’hui, que tu as aimé ?
X : Alors, je vais te dire Corentin, j’ai même adoré, et c’est même l’un de mes albums préférés de 2018. C’est un disque profond, sombre, mais pas forcément triste pour autant. On sent des tonnes d’influences, de l’ambient et du drone donc, mais aussi de la musique religieuse. Je pense que c’est son projet le plus abordable, et si Kontrapoetik vous a plu, je vous encourage à écouter la cassette qu’elle a fait avec Mats Erlandson (que vous pouvez trouver sans problème sur YouTube). Bon, tu m’excuses Corentin, mais je vais redémarrer mes synthés, j’ai des morceaux à composer.
« Kontrapoetik » : des nappes sombres, mais magnifiques
J’espère que vous aviez aimé la première chronique sur le sujet, car Xavier Eutrope revient pour vous remettre une couche d’ambient ! Cette fois-ci, les influences sont drones et bruitistes. Il s’agit de l’album « Kontrapoetik » par Maria w Horn et vous entendrez que ses morceaux sont à la fois sombres et engagés.
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