Corentin : (Bruitage) vous n’avez peut-être pas reconnu mais là, je tente de reproduire le son que fait une intelligence artificielle qui s’improvise musicienne. Les recherches dans ce domaine ne viennent pas de débuter mais, alors que l’exposition Artistes & Robots a ouverte au Grand Palais et qu’un album fait d’artistes et d’intelligence artificielle vient de sortir, Angèle Chatelier s’interroge : l’IA va-t-elle bientôt remplacer les musiciens ?
Angèle : Je tiens déjà à saluer ta tentative de bruitage du son que peut faire une IA… Ce que je vous propose, c’est d’écouter, effectivement, l’un des tout premiers titres généré par un ordinateur, c’était en 1958 (EXTRAIT 1)
Ce titre a été produit par deux américains : Lejaren Hiller et Leonard Isaacson. Ils se sont inspirés du répertoire de Bach pour créer via un ordinateur cette suite d’instruments à cordes, dénommée la Suite Illiac.
Peu de temps après lui, il y a eu Pierre Barbaud, le premier Français à utiliser l’intelligence artificielle pour la production musicale. A l’époque, ça donnait ça (EXTRAIT 2)
C : L’homme a aussi cofondé le groupe de musique algorithmique de Paris.
A : Un truc de dingue. Le premier concert de musique algorithmique a été fait grâce à cet homme.
Mais celui qui nous intéresse aussi, c’est François Pachet. Il travaille depuis 1997 sur la musique et l’intelligence artificielle, notamment en ses qualités de chercheur et d’ancien directeur de Sony CSL.
En 2015, c’est grâce à lui que les recherches sur l’IA et musique ont commencé à intéresser bien au-delà des aficionadios. Nous découvrions alors ceci : (EXTRAIT 3)
Daddy’s Car, un titre entièrement créé par une intelligence artificielle. Vous l’entendez, ça ressemble un peu au Beatles. C’est normal, François Pachet a dit à son ordinateur que c’était son souhait. Les chercheurs ont mis en place une base de données de 13 000 « lead sheet ». Ce sont des partitions qui représentent de manière synthétique tout ce qui fait un morceau : les harmonies, les voix, le tempo, etc..
Si dans Daddy’s Car, les paroles ont été écrite par un être humain, Benoit Carré, tout le reste n’est qu’un amas de codes informatiques qui ont été assemblés par des humains pour créer un titre. Ce projet s’appelle Flow Machine.
C : L’intelligence artificielle peut-elle donc remplacer un musicien ?
A : Oui… et non. Déjà, ce n’est pas parce qu’on fait de la musique que l’on est musicien, pour reprendre une jolie phrase du livre de Pascal Quignard, Tous les matins du monde.
Il faut plutôt se demander, qu’est ce que l’intelligence artificielle peut apporter à un musicien ?
C’est là que François Pachet, Benoit Carré et Flow Machine reviennent.
En décembre dernier, un étrange album a fait son apparition dans les charts : Hello World. C’est le tout premier opus accessible, mainstream, créé AVEC de l’intelligence artificielle. Je dis bien, avec.
Un morceau a notamment été co-composé avec Stromae (EXTRAIT 4)
Dans Hello World, l’intelligence artificielle n’est qu’un moyen.
Un autre musicien, finalement.
Elle est capable de créer plusieurs morceaux mais un être humain y apporte toujours sa patte, ça a toujours été au moins lui qui a entré les données en machine.
C : L’IA est donc un musicien à part entière. Enfin pour le projet Flow Machine, tout du moins…
A : Oui, la technologie fait peur et le fait qu’une intelligence artificielle puisse remplacer de dignes musiciens a son lot d’angoisses. D’autant que certaines start-up surfent sur la tendance : Jukedeck et Amper Music par exemple, proposent - grâce à l’intelligence artificielle - de créer des jingles pour les radios ou des spots pubs… le tout sans aucun musicien.
Ça oui, ça peut être flippant.
À l’été 2017, François Pachet a intégré le tout fraîchement créé, Creator Technology Research Lab de la plateforme de streaming Spotify, à Paris. Son but, je cite : « développer des outils pour aider les artistes dans leur processus créatif ».
C’est d’ailleurs chez eux qu’a été composé l’album Hello World.
Sauf que. Se pose là un problème politique.
C : Et oui : quid des droits d’auteurs ?
A : La réutilisation d’un titre créé par et/ou avec l’intelligence artificielle rapporte plus à l’ordinateur qu’à celui qui a intégré les données ? Peut-on stipuler en tant que tel que de l’argent doit revenir au producteur d’un titre fait par IA s’il est réutilisé par un tiers ? Étant donné que l’intelligence artificielle n’est pas reconnue comme une musicienne au sens propre du terme.
En ce sens, il serait donc possible pour les plateformes de streaming par exemple de produire leurs propres sons par intelligence artificielle, de les publier et ainsi, de toucher des droits d’auteurs dessus. Sur Spotify, plus un titre est écouté, plus il rapporte. Le site Music Business World Wide a accusé la plateforme d’avoir fait cela. Créer ses propres titres faits rapidement par une IA, de les mettre en avant sur ses propres playlists et ainsi, toucher de l’argent dessus.
Spotify a cependant démenti avoir eu recours à un tel procédé.
C : Si l’intelligence artificielle ne va pas dominer la musique, il y a encore pas mal de jurisprudence, donc.
A : Moralité, oui : l’intelligence artificielle doit être utilisée à bon escient. C’est le cas pour l’instant, à priori. Les artistes composent avec elle et cela permet d’être une augmentation d’eux-mêmes.
Si le sujet vous intéresse, je vous conseille de vous rendre au Grand Palais, à Paris, découvrir l’exposition Artistes & Robots. De multiples performances vont d’ailleurs être visibles, notamment une avec le beatmaker Français, Superpoze. Il présentera une pièce de musique qu’il a composé pour des instruments automates. Il vous suffit de réserver votre place pour ces représentations sur le site du Grand Palais.
C : Merci Angèle d’avoir fait la lumière sur les liens entre Intelligence artificielle et musique. Je le rappelle aussi, vous avez jusqu’au 9 juillet pour découvrir cette exposition. À très bientôt !
L’intelligence artificielle va-t-elle bientôt remplacer les musiciens ?
Et si les intelligences artificielles étaient capables de créer les prochains tubes à la mode ? Angèle Chatelier nous parlera de ces logiciels capables, avec ou sans les humains, de composer la musique de demain.
0:00
5:57
Vous êtes sur une page de podcast. En cas de difficulté pour écouter ce document sonore, vous pouvez consulter sa retranscription rapide ci-dessous.