Le rappeur Eddy de Pretto sort « Cure », un premier album intime et engagé

C : Au détour d’une recommandation Youtube, d’une radio, ou d’un plateau TV, vous avez peut-être croisé le chemin d’Eddy de Pretto. Le chanteur de 24 ans a été l’une des révélations de l’année 2017. Il était d’ailleurs nommé aux Victoires de la musique dans la catégorie révélation scène en février dernier. Le 2 mars, il sort Cure, son premier album, sur le label Initial Artist Services. Bonjour Morgane Giuliani !
M : Bonjour Corentin ! Aujourd’hui on va parler de Cure, le premier disque d’Eddy de Pretto, l’un des plus attendus à l’approche du printemps. Car Eddy de Pretto, c’est plusieurs millions d’écoutes, aussi bien sur Youtube qu’en streaming, pour ses deux premiers singles, Fête de trop et Kid. La première fois que j’ai écouté Fête de Trop, j’avais l’impression de me faire engueuler par ce jeune homme, qui mélange rap et chanson française.
EXTRAIT 1 Fête de trop baisser le volume après 8 secondes
https://www.youtube.com/watch?v=iA5UBqaJiVQ
C : Effectivement, il a un style de chant très affirmé.
M : Il m’a fallu y retourner plusieurs fois pour passer outre ma première impression. Eddy de Pretto a un phrasé précis, un flow implacable, une diction solennelle et un vocabulaire riche. Chanter en français est difficile mais Eddy de Pretto se débrouille très bien. Il joue avec les mots, via des anaphores par exemple. Surtout, il incarne véritablement ce qu’il chante, et c’est important pour faire passer ses messages. On s’en rend encore plus compte quand on regarde le clip de Fête de trop. Eddy de Pretto se filme au smartphone dans les toilettes d’un club, l’oeil hagard.
EXTRAIT Fête de trop remonter le volume vers 43 secondes puis rebaisser vers 50 secondes
C : C’est avec ce single, Fête de trop, qu’il a percé.
M : Ce single est sorti en juin 2017. En 2016, Eddy de Pretto a remporté des tremplins de jeunes talents : les Inouïs du Printemps de Bourges et les Inrocks Lab. Auparavant, il était étudiant à l’Institut supérieur des arts de la scène, et a pris des cours de musique et de théâtre dès l’adolescence. Mais remontons encore un peu plus en arrière : Eddy de Pretto est né à Créteil, en banlieue parisienne, en 1993. Dans les Inrocks, il expliquait récemment avoir emménagé dans une maison là-bas. L’occasion pour lui de célébrer sa ville d’origine dans le très beau single Beaulieu
EXTRAIT 2 baisser après 8 secondes
https://www.youtube.com/watch?v=bUh8d3lXVOI
C : Après avoir été remarqué dans plusieurs festivals, il a sorti son premier EP, Kid, en octobre 2017. Il revient donc avec son premier album, Cure. Qu’est-ce que ça donne ?
M : C’est un disque long, de 15 titres. En terme de production, le chanteur a fait appel à Angelo Foley (qui a bossé avec le rappeur Georgio et Marvin Jouno) et le tandem Kyu Steed & Haze, qui ont de leur côté travaillé avec PNL et Booba. En gros, certains des plus gros noms du rap français, anciens ou récents. Concrètement, le piano et la boîte à rythme sont omniprésents. Mais les productions ne sont jamais trop rentre-dedans, et souvent, sans surprise une fois les bases du morceau posées. Il y a même une volonté de faire danser sur certains titres, comme Random, jolie chanson sur un coeur fatigué :
EXTRAIT 3 Random baisser après 8 secondes
C : Que raconte Eddy de Pretto sur ce premier album ?
M : Le jeune homme se livre sans fards, et c’est, dans l’ensemble, joliment fait. On sent que le succès qu’il connaît depuis 2 ans lui fait du bien, le libère, mais l’effraie aussi. Sur Desmurs, il évoque sa pudeur, sa propension à être méfiant. C’est l’un des plus beaux morceaux du disque : “Moi je ne quitte jamais mon masque/Il me donne un peu de poids”, dit-il. Dans Ego, il chante sa peur de prendre la grosse tête :
EXTRAIT 4 Ego baisser après 9 secondes
M : Eddy de Pretto, à n’en pas douter, sera l’un des chanteurs marquants de ce que l’on nomme la génération Y, née entre 85 et 95. Il fait partie d’une nouvelle scène francophone, auprès de Thérapie Taxi, Angèle et Roméo Elvis, qui décloisonne les frontières entre rap et chanson française. À l’image des millennials, la musique d’Eddy de Pretto fait bouger les lignes, questionne le sexisme et l’homophobie ordinaires. Le jeune homme est gay, et évoque ses histoires d’amour à travers des titres forts comme Honey. Par contre, il ne se voit pas comme un activiste, et dit vouloir simplement chanter son vécu. Mais rien que le fait de ne pas se cacher derrière un voile d’hétéronormativité, comme beaucoup de chanteurs gays l’ont fait et le font encore pour certains, c’est une forme d’activisme, de modernité. D’autant qu’Eddy de Pretto évoque les clichés sur la virilité et l’homosexualité dans les titres Normal, Genre et Kid.
EXTRAIT 5 Kid baisser après 8
https://www.youtube.com/watch?v=XfbM3LD0D9Q
C : On l’a dit au début de la chronique, Eddy de Pretto était nommé dans la catégorie révélation scène aux Victoires de la musique, qui ont eu lieu en février.
M : Il n’a pas gagné mais malgré son jeune âge, et le fait qu’il n’avait même pas encore sorti de 1er album, on peut comprendre qu’il ait été nommé. Eddy de Pretto, c’est aussi une gueule. Ce jeune homme a une tête pas comme les autres, un visage long et oval, une bouche serrée et des yeux bleus perçants. Il est légèrement voûté, a une coupe au bol, avec une petite frange blonde et ne s’habille qu’en street-wear. Mais c’est aussi ça qui le rend singulier, et qui, je pense, participe à son succès. Sur scène, il lance la musique depuis son iPod et est parfois accompagné d’un batteur. Il plie les jambes, se courbe sous le rythme, regarde le public dans les yeux sans ciller, sans sourire. Il a très peu d’expression sur le visage mais dégage une animalité assez hypnotique. Il a déjà tourné de nombreuses sessions live. Je vous conseille de regarder celle réalisée par Le Bruit des Graviers, tournée dans le cadre somptueux de l’Hôtel de Ville de Paris.
C : Cure, le premier album d’Eddy de Pretto est disponible le 2 mars. Ses 3 dates à la Cigale sont complètes, mais il reste encore des places pour son Olympia le 6 novembre 2018, et il se produira un peu partout en France au printemps et à l’été. Merci Morgane et à très vite !