« Leaving Neverland » : les victimes présumées de Michael Jackson prennent la parole

THOMAS : Depuis quelques semaines, le nom de Michael Jackson revient régulièrement dans les discussions, dans les médias donc, mais aussi particulièrement sur les réseaux sociaux. Une raison à cela : la sortie d’un documentaire qui remet en avant des accusations de pédophilie à l’égard de la pop-star. Bonjour Xavier, alors, est-ce que tu peux nous expliquer de quoi il en retourne ?
XAVIER : Bonjour Thomas, bonjour à toutes et à tous ! C’est un sujet...complexe, à bien des égards. Tout d’abord, revenons au commencement : comme tu l’as dit, il est question ici d’un documentaire, intitulé “leaving neverland”. En deux parties, il a été diffusé sur la chaîne câblée américaine HBO les trois et quatre mars 2019, ainsi qu’en France le 21 mars.
[LEAVING NEVERLAND]
T : Comme l’indique le titre, qui fait référence à Neverland, le nom du ranch de Michael Jackson, on peut s’attendre à ce que le documentaire porte sur le king of pop.
X : Absolument Thomas. En fait ce documentaire revient sur les accusations de pédophilie à l’encontre de Michael Jackson, et se focalise sur le témoignage de deux personnes, Jimmy Safechuck et Wade Robson, qui affirment avoir été victimes du chanteur, décédé en 2009. Ils étaient très proches de ce dernier dans les années 90, et ils avaient été invités par la star elle-même à passer plusieurs jours à Neverland, sa propriété/parc d’attraction.
T : si je me souviens bien, déjà à l’époque il y avait eu plusieurs accusations à l’encontre de Michael Jackson à ce sujet ?
X : Tout à fait Thomas. En 1993 tout d’abord, Jordan Chandler, un jeune garçon qui côtoyait Michael Jackson, a accusé celui-ci de l’avoir abusé sexuellement. Une enquête a été ouverte, mais les poursuites ont été abandonnées. Quelques années plus tard, un procès s’est tenu.
Une enquête est ouverte en 2003, après la diffusion d’un documentaire sur la star. On y voit Michael Jackson tenant la main d’un garçon, et discutant d’arrangements pour dormir avec lui. Jackson déclare d’ailleurs dans le documentaire qu’il ne voit rien de mal à dormir avec des garçons. La famille du jeune garçon filmé avait expliqué aux enquêteurs que le chanteur avait eu des comportements extrêmement problématiques. Un procès voit donc le jour en 2005. Mais au final, Michael Jackson est acquitté de tous les chefs d’accusation
T : Donc ce nouveau documentaire relance un peu l’affaire, quelque part ?
X : oui on peut dire cela. Jimmy Safechuck et Wade Robson expliquent en détail la manière dont Michael Jackson les aurait abusés sexuellement et manipulé pendant plusieurs années. Le documentaire utilise beaucoup d’images d’archives et aborde les faits de manière chronologique. C’est parfois très dur, et je vais être transparent ici : je n’ai pas réussi à regarder l’intégralité du film, quatre heures quand même, car il y a des tas de choses très perturbantes qui sont dites et montrées. Donc, oui, ce documentaire remet en avant cette partie de la vie de Michael Jackson.
T : Mais les accusations de Jimmy Safechuck et Wade Robson sont inédites, leur parole n’a jamais été entendue auparavant ?
X : C’est, encore une fois, un peu complexe. Par le passé, tous deux ont témoigné en faveur de Michael Jackson, plaidant qu’ils n’avaient jamais été victimes de quoi que ce soit de sa part. Cependant, au début des années 2010, Safechuck et Robson ont approché la justice et accusé Michael Jackson de les avoir violés, manipulés. Wade Robson a même évoqué publiquement cette affaire sur le plateau de Today, émission de la chaîne américaine NBC, en 2013. Aujourd’hui, Jimmy Safechuck et Wade Robson sont tous deux représentés par le même avocat et leur procédure est en appel.
T : Mais du coup, quelle est la position de la famille de Michael Jackson sur ce documentaire, ces accusations ?
X : Eh bien… Interviewés par la journaliste Gayle King pour la chaîne CBS dans un segment diffusé le 27 février, donc avant que le documentaire ne passe sur HBO, les frères de Michael Jackson ont pris sa défense, en expliquant que celui-ci n’avait rien fait, qu’ils le connaissaient, qu’ils n’avaient pas besoin de voir le film et qu’aucune preuve ne corroborent les dires des deux personnes qui accusent le chanteur.
[ITW CBS]
Mais ce n’est pas très étonnant, car Michael Jackson a quasi constamment et unilatéralement été défendu par sa famille sur ce sujet.
T : Ce documentaire a beaucoup fait parler, que ce soit dans la presse ou à la télévision. Mais quels rôles ont joué les réseaux sociaux que j’ai évoqué en début de chronique ?
X : Eh bien ils sont le terrain d’activité de choix des fans de Michael Jackson qui souhaitent à tout prix défendre leur idole, quitte à accuser Jimmy Safechuck et Wade Robson d’être des menteurs. Comme tu le sais, de nombreuses popstars ont des cohortes de fans prêts à les défendre sur internet : il y a les beliebers pour Justin Bieber, les swifties pour Taylor Swift, la beyhive pour Beyoncé, les barbz de Nicki Minaj, les Viennoisos pour les Croissants etc. Ce sont des communautés parfaitement organisées sur internet, qui ont des comptes référents sur les réseaux et des codes définis ainsi que...
T : *coupe xavier* attends tu veux dire qu’il y a la même chose pour Michael Jackson, même 10 ans après sa mort ?
X : C’est ça ! Comme l’explique Joe Coscarelli dans un article du New York Times paru le quatre mars et intitulé Michael Jackson Fans Are Tenacious. ‘Leaving Neverland’ Has Them Poised for Battle, le chanteur peut compter sur des groupes très structurés prêt à tout pour le défendre, que ce soit par des vagues de tweets et de mails parfois terriblement violents, mais aussi des campagnes de publicité numériques et même physiques. Et la famille de Michael Jackson sait qu’elle peut compter sur cette communauté.
T : C’est quand même très troublant cette histoire.
X : Je dois dire que je me pose pas mal de questions, sur mon rapport à la musique de Michael Jackson, que j’aime de tout mon coeur, mais aussi sur ces affaires, qui m’ont toujours grandement perturbé. Et ça ne s’est pas arrangé avec le documentaire. On dit souvent : “il faut faire la distinction entre l’artiste et l’homme”, mais j’ai de plus en plus de mal avec ça. On fait tous comme on peut, mais personnellement je dois dire que j’ai beaucoup, beaucoup de difficulté à écouter la musique de Michael Jackson comme avant. Et après tout ce que je vous ai dit, je pense que ça ne va pas forcément aller en s’améliorant.
T : Et on comprend bien ta peine. En attendant, il reste la myriade d’artistes qui ne sont pas accusé·e·s de pédophilie sur lesquels on peut se rabattre. Merci Xavier, et à bientôt.