Corentin : Ah… le futur… les voitures qui volent, les voyages interstellaires, les vêtements dingues qui sèchent tout seuls…...attends Xavier, je comprends pas, il y a écrit quoi après “futur” sur ton conducteur ? Futur….jazz ? Qu’est-ce que c’est que le futur jazz ? Tu vas nous refaire un exposé comme avec l’ambient et le sludge ? ATTENTION HEIN.
XAVIER : Chers auditeurs, comme vous l’entendez, je suis réprimé dans ma créativité au sein des croissants. Tu n’aimes pas le futur Corentin ?! Tu n’aimes pas le jazz ?! Et puis je vais pas vous parler du “future jazz”, c’est même pas un vrai genre, juste vous parler d’un album qu’on pourrait qualifier de tel ! Calmos !
C : bon ok ok, je me calme *inspire fort* faut me comprendre, c’est pas facile tous les jours. Donc ton album c’est…”hex” ? H-E-X ?
X : eh bien oui Corentin, et plus précisémen : “toshio matsuura presents hex”, soit donc “Toshio Matsuura présente Hex”. Toshio Matsuura, c’est un pianiste, dj et producteur japonais, qui a fondé le groupe United Future Organization dans les années 90.
[UFO LM]
Là c’était un extrait de “Loud Minority”, issu de l’album “Jazzin’” de United Future Organization, que je vous recommande d’écouter. Toshio Matsuura quitte le groupe dans les années 2000 et vaque à ses propres occupations de DJing et de production à droite à gauche. Et puis il a fait Hex. Et Hex, c’est un album magnétique, qui joue beaucoup sur le mystère et les mélanges.
C : il joue beaucoup sur le mystère et les mélanges, c’est à dire ? Faut faire des phrases plus claires mon vieux, là on comprend pas ce que tu veux dire, y a pas d’infos, on est totalement perdus !
X : une fois n’est pas coutume, je vais vous raconter ma vie ! Il y a quelques semaines, je suis passé dans la boutique des balades sonores, qui se trouve à Paris. Je regarde un peu partout, et je tombe sur cette pochette, avec une grande photo en noir et blanc, qui montre une étendue d’eau très perturbée avec des tas de vaguelettes, de remous, de mouvements. Et en bas à droite, écrit en lettre d’or, je vois écrit “hex”. Et au début je me suis dit “ah ouais c’est du métal ça, ou alors de l’ambient”. Je le mets sur la platine, pour pouvoir l’écouter, et… eh bien j’ai été un peu bouleversé, parce que je n’avais jamais entendu ça de ma vie.
C : A ce point-là ? bouleversé? t’exagérerait pas un peu là ?
X : bah pas du tout ! Bouleversé! Absolument mon vieux ! Bouleversé ! Je pèse mes mots !
C : eh bah explique alors ! olala c’est pas croyable ça.
X : En huit morceaux Toshio Matsuura, qui a donc là un rôle de producteur, propose des visions d’un jazz futuriste. On y revient, future jazz, ça ne veut pas dire grand chose, ok, mais en fait c’est tout de même assez approprié pour expliquer ce qui se passe là. On part d’une formation très simple constituée de pianos et d’orgues, électriques ou non, de batteries, de contrebasses, de saxophone, etc. A cela, Toshio Matsuura ajoute quelques boîtes à rythme et adopte des structures de morceaux originales. Ainsi, la musique de Hex est menée vers ce que l’on peut parfois avoir en musique électronique, mais avec une sensation très organique, chaleureuse. Tout ça ouvre la voie à des tas de fusions sonores. J’en veux pour preuve Jazzstep, le morceau d’introduction.
[JAZZSTEP]
C : c’est déroutant en effet, on dirait un peu de l’électro, de la house, enfin de la musique sur laquelle on pourrait glander ou se dandiner tranquillement ! Je le dis ! Se dandiner !
X : Absolument ! Et c’est une impression qui se diffuse sur tout le disque.C’est un peu comme si Toshio Matsuura parlait une langue que l’on connaîtrait mais en changeant quelques règles subtilement, en modifiant le vocabulaire, la grammaire et la conjugaison sans trop nous avertir. Donc c’est déroutant, mais au final c’est tout aussi bien, compréhensible et c’est même peut-être plus plaisant comme ça ! Comme en témoigne cet extrait de “Uncensored Love Transmission”, troisième titre de Hex, qui mêle électro plutôt minimale, basses enveloppantes, voix éthérées et piano effacé, quasi fantomatique.
[UNCENSORED]
C : Oui je vois ce que tu veux dire, il prend les codes que l’on peut connaître du jazz, même inconsciemment, et il les tord, les mélange, pour emmener tous ces instruments et ces musiciens vers quelque chose d’autre, ce qui est en effet assez surprenant ! Mais du coup, ce n’est pas uniquement instrumental, comme on vient de l’entendre dans l’extrait précédent ?
X : Absolument Corentin ! Dans “The Osaka Blues”, probablement l’une de mes chansons préférées de cet album, la chanteuse Yoshie Nakano offre une super prestation. Là on est très clairement en terrain jazz et moins électro, mais il se passe beaucoup de choses entre le piano et le chant, l’irruption des cuivres d’un coup et le retour au calme progressif
[Osaka Blues]
C : je vais peut-être dire une bêtise Xavier, mais j’ai l’impression que tu as franchement apprécié, enfin je sais pas hein !
X : non non tu ne te trompes pas ! C’est un album que je vous recommande d’écouter, au moins une fois, même si vous n’êtes pas trop dans le jazz d’ordinaire. Je crois sincèrement que tout le monde peut y trouver quelque chose d’intéressant, parce qu’il touche à de nombreux autres genres, plutôt dans l’électro, que ce soit la house, le breakbeat ou même la jungle. J’aurais pu vous passer l’album en entier mais la chronique aurait duré deux heures, et personne ne veut ça. S’il est déroutant lorsqu’on le lance la première fois, Hex n’en finit pas de gagner en profondeur au fil des écoutes, on découvre de nouvelles choses à chaque fois. C’est un disque riche, qui ne vous mène jamais trop là où vous pensiez aller. On est assez loin des expérimentations ambient que j’ai pu vous recommander par le passé, ici il y a du bon groove, comme on le fera peut-être en l’an 3000, si la terre n’a pas encore explosé d’ici là.
C : écoute, je vais te le dire franchement Xavier, en toute franchise : j’aimerais bien écouter cet album, où puis-je le trouver ?
X : Corentin, tu as de la chance, car il est disponible en streaming, en tout cas sur deezer et spotify. Alors pour le trouver, il faut taper “toshio matsuura presents hex”, ou juste “presents hex”, parce que le nom du producteur est parfois écrit en caractères japonais, notamment sur Spotify. Il est aussi disponible à l’achat sur iTunes. Et si vous voulez une copie physique, l’album est originellement sorti en 2013 en CD au Japon, trouvable sur le web. Pour le vinyle, il faut regarder du côté des balades sonores, la boutique dont j’ai parlé tout à l’heure, qui a l’exclusivité des copies, pressées en octobre 2018, et qui sont au nombre de 500 !
C : Parfait Xavier. Arigato gozaimashita et à la prochaine !
« Toshio Matsuura Presents HEX » : dans le futur, on se chauffe au jazz
Producteur, DJ, pianiste, Toshio Matsuura a réinventé le jazz à sa façon. La réédition vinyle récente de son album « Toshio Matsuura Presents HEX » permet à Xavier Eutrope de prendre sa plus belle voix ténébreuse pour nous parler de cet artiste japonais et de son « futur jazz ».
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