Corentin : C’est un Thomas tout resplendissant que j’accueille aujourd’hui dans les studios. Bah alors, Thomas, qu’est-ce qui te rend aussi rayonnant ?
Thomas : Salut Corentin. La raison de ce teint rose et frais très radiophonique est simple : Wednesday Campanella, aussi appelé WedCamp par les intimes, ou Suiyoubi no Campanella au Japanistan, a sorti un nouveau maxi, accompagné d’une série documentaire disponible sur Youtube Premium.
[01 - east.wav]
Corentin : Alors OK… C’est très joli ta musique là, mais c’est qui Wednesday Campanella ?
Thomas : Alors c’est pas un c’est qui, mais plutôt un c’est quoi, au juste, Wednesday Campanella. Et en fait, il s’agit de ton groupe de musique japonaise préféré, mais tu ne le sais pas encore. Ca faisait un bon moment que je voulais en parler ici, et la sortie de ces deux choses m’en donne une bonne occasion.
Wednesday Campanella est un trio, composé de Dir.F, le directeur artistique du groupe, Hidefumi Kenmochi, le producteur, et KOM_I, la chanteuse qui fait également de figure de proue du groupe. Lors des concerts de WedCamp, elle est seule sur scène, elle l’incarne littéralement.
Le groupe s’est formé en 2011, après la catastrophe du Tohoku du 11 mars de la même année, qui a combiné séisme, tsunami et accident nucléaire. Désespéré face à cette situation, Kenmochi et Dir.F se disent qu’il faut monter un projet artistique positif, quelque chose qui a du sens, pour redonner le sourire aux gens. C’est ainsi que naît Wednesday Campanella, qui au départ se voit comme une sorte de “Perfume”, mais en plus proche de la nature.
Corentin : Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur Perfume, tu avais fait une chronique sur elles. A retrouver évidemment dans le brunch.
Thomas : Voilà. Et alors qu’ils sont à la recherche d’un trio féminin, les deux compères rencontrent l’exubérante KOM_I lors d’une soirée en 2012. Bien vite, elle rejoint l’aventure et devient la chanteuse du groupe, délaissant de facto l’idée d’un groupe féminin pour une performance en solo.
Corentin : OK, c’est bon pour le casting. Et pourquoi ça devrait être mon groupe japonais préféré ? Parce que bon, moi, en musique japonaise, j’aime plutôt [compléter ici]
Thomas : Pas d’inquiétude, mon bon Corentin, parce que la musique de Wednesday Campanella brasse large dans la pop actuelle. Avant de créer le groupe, Hidefumi Kenmochi, le producteur, a travaillé au sein de Hydeout Production, le label fondé par le regretté Nujabes, ce qui est généralement plutôt bon signe.
Corentin : Ah oui quand même. Pour rappel, Nujabes est surtout connu chez nous pour sa participation à la bande son de l’animé Samurai Champloo. Je vois mieux en quoi c’est un gage de qualité pour le groupe, la présence de ce gars !
Thomas : Oui. Et outre une pâte rythmique lo-fi un peu jazzy, il apporte pas mal d’éléments acoustiques à la musique de WedCamp. On a donc au départ une électro pop sympatoche. Mais bien vite, constatant que KOM_I est plus à l’aise avec le rap plutôt qu’avec le chant, le son du groupe évolue et se mâtine de hip-hop, puis de future bass. Avec le temps, Wednesday Campanella va explorer les tendances musicales japonaises du moment, qu’il s’agisse de la house, de la vaporwave, de la city pop et évidemment de la vague disco-funk qui touche le Japon depuis la deuxième moitié des années 2010, comme on peut l’entendre dans leur tube Ikkyu-san.
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Corentin : Ah oui, c’est sympa, ça groove bien tout ça !
Thomas : Oui, c’est assez représentatif de ce que faisait Wednesday Campanella entre 2015 et 2017, notamment sur leur génial album Superman. Car depuis l’année dernière, le groupe est entré dans une nouvelle phase, comme on peut l’entendre sur Galapagos, sorti en 2018, et encore plus sur Yakushima Treasure, sorti début avril de cette année, que j’évoquais en début de chronique.
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Corentin : Alors c’est très joli ça aussi, mais excuse-moi si je me trompe, c’est pas du rap ça. Et elle est où ma future bass ? Tu m’as menti, en fait !
Thomas : Zéro mensonge ! J’ai bien dit que le groupe était entré dans une nouvelle phase, qui est plus expérimentale, et également plus organique. Ce morceau, Kaguya-hime, est tiré de l’album Galapagos. Et on sent bien que WedCamp veut brouiller les pistes, ne pas s’enfermer dans un style en particulier. KOM_I a pris des cours de chants, et Kenmochi poursuit ses explorations musicales, s’intéressant tant à la house sud-africaine qu’à la musique traditionnelle des Ainous, ce peuple indigène d’Hokkaido, l’île au nord du Japon.
Cette impression d’expérimentation est encore plus vraie avec Yakushima Treasure, puisque le projet a été porté quasiment uniquement par KOM_I. Il tire son nom de Yakushima, une île située elle au sud du Japon, qui est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Là, KOM_I a communié avec la nature, a découvert l’histoire géologique de l’île et a appris les traditions locales. Tout ça est mis en musique par le producteur Oorutaichi, qui transforme les battements de coeur d’une grenouille en rythme et les chants de grands-mères du coin en choeurs.
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Thomas : En 6 titres, Wednesday Campanella sort est sentiers battus et créent une carte postale musicale de ce joyau naturel. Je n’y ai jamais mis les pieds, mais après une première écoute, j’avais l’impression d’y avoir passé une partie de ma vie.
Corentin : Oui mais moi ce que je veux, c’est de la pétulance, des trucs sur lesquels danser ! C’est pas que j’aime pas la musique de hippies, hein, mais j’ai besoin de bouger mon corps !
Thomas : Et tu as bien raison ! Car si Wednesday Campanella est très bien en audio, c’est encore mieux en vidéo ! Le groupe s’est aussi fait connaître au Japon et à l’étranger grâce à des clips très originaux, plein de vie et d’expérimentations. Si vous ne connaissez pas, allez faire un tour sur Youtube, vous en prendrez plein les mirettes.
Et si c’est très très bien en vidéo, c’est encore mieux en live ! C’est sur scène que KOM_I laisse libre cours à sa créativité et à sa personnalité le mieux. Aux débuts du groupe, il lui arrivait de découper des cerfs sur scène pour enseigner au public les bienfaits de la viande de gibier. Maintenant, c’est un peu moins… carnassier, mais tout aussi original : KOM_I slamme dans une bulle géante en plastique, elle se balade dans le public, elle grimpe sur des escabeaux ou des structures de support des lumières (au grand dam des membres de la sécurité)... C’est délicieusement barré et poétique, on en prend plein les yeux et plein les oreilles, donc allez absolument les voir en concert si vous en avez l’occasion.
Ce qui me permet de dire que fin mai et début juin, WedCamp fera quelques apparitions dans des festivals européens, notamment au Primavera Festival à Barcelone, et à This is not a Love Song à Nîmes. Y’aurait des milliers de choses à dire sur ce groupe, depuis leur engagement politique jusque dans le choix des titres qu’ils donnent à leurs chansons et leurs disques, en passant par leurs featurings, mais le temps nous manque. Aussi, je propose que l’on se quitte sur Audrey, une chanson en hommage à Audrey Hepburn, et aussi mon morceau préféré de Wednesday Campanella.
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Corentin : Eh bien ton enthousiasme est communicatif, mon cher Thomas ! En tout cas, on l’aura compris, que vous soyez hip-hop, électro, folk ou pop, il y en a pour presque tous les goûts dans Wednesday Campanella !
Wednesday Campanella, une vague de fraîcheur dans la musique japonaise
Avec une musique originale brassant large et surtout un univers visuel détonnant et dynamique, Wednesday Campanella pourrait bien devenir le groupe japonais le plus en vue à l’international. Thomas Hajdukowicz, qui s’est autoproclamé meilleur spécialiste français de ce trio, nous le présente à l’occasion de la sortie de leur EP « Yakushima Treasure ».
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