Corentin : Au fil des années, la production télévisuelle - et surtout sériphilique - française s’améliore nettement. Avec des titres comme Les Revenants, Engrenages ou Un Village Français, l’hexagone a trouvé sa place sur la carte du monde des séries. Pour aborder deux de ces productions notables, j’accueille Thomas qui vient nous parler… [ton surpris] des Ch’tis contre les Marseillais !!? C’est quoi encore ces saucisses, Thomas ?
Thomas : Salut Corentin ! C’est pas des saucisses, c’est de la fiction politique !
Corentin : Je… Nan mais ça va les bêtises un moment ! Comment est-ce que le show de TV réalité de W9 peut seulement être considéré comme de la fiction politique ? Ca va pas du tout Thomas !
Thomas : Ah mais on va pas parler de ça, t’inquiète pas ! On va plutôt parler des deux séries politiques du moment, Baron Noir, qui se passe entre autres à Dunkerque, et Marseille, qui se passe… ben à Marseille. Les deux séries ont vu leurs deuxièmes saisons diffusées en début d’année.
Corentin : Ah, OK ! T’es un p’tit marrant, toi. Et donc, y’a quoi à dire sur ces séries ?
Thomas : Y’a à dire que, enfin, on a des fictions politiques qui tiennent la route. Enfin, une plus que l’autre - on reviendra là-dessus dans la chronique. Après avoir regardé avec plus ou moins d’envie The West Wing, House of Cards et Borgen, en 2016, les réalisateurs français se sont dit que pourquoi pas eux.
Corentin : D’après toi, pourquoi est-ce qu’on a mis autant de temps avant de sortir une série de ce type en France ?
Thomas : Ben déjà parce que c’est un sujet délicat, la politique. De loin, la vie des cabinets et des campagnes a pas l’air super sexy. Mais avec les tumultes qu’on a connu ces 10 dernières années, entre Manif pour tous, affaire Cahuzac et décomposition des courants politiques historiques, les scénaristes se sont dit qu’il y avait du grain à moudre.
Corentin : Et qui sont nos deux compétiteurs ?
Thomas : Dans le coin rouge, je vous présente Baron Noir, créé par Eric Benzekri, ancien des cabinets Mélenchon et Drey au début des années 2000, et Jean-Baptiste Delafon. Elle a débuté sa diffusion en février 2016, sur Canal+, et met en scène Philippe Rickwaert, député-maire PS de Dunkerque et chef d’orchestre de la campagne présidentielle incarné par un incroyable Kad Merad. Connu pour ses méthodes d’influences peu orthodoxes, il est surnommé le Baron Noir.
Tu veux gouverner, faut une majorité. Tu veux une majorité, faut faire l’union de la gauche. Avec ta candidate, t’es mal barré pour y arriver. Vidal a un programme délirant. Mais il incarne quelque chose ! Et moi j’suis candidat à quoi ? Aux législatives, mais euh… Ben oui, la présidentielle c’est la présidentielle, et les législatives c’est les législatives, ça a aucun rapport.
On vient d’écouter des extraits du premier épisode de la saison 2. Après avoir fait de la prison pour malversations financières, Rickwaert est en libération conditionnelle, à temps pour voir Amélie Dorandeu, interprétée par Anna Mouglalis, devenir présidente de la République face à Lionel Chalon, le candidat Front National (joué par Patrick “Chico” Mille).
Corentin : Ah oui, pas le temps de s’endormir, on rentre directement dans le bain ! On dirait d’ailleurs que, PS toujours au pouvoir mis à part, ça suit pas mal les réalités politiques françaises actuelles.
Thomas : Tout à fait ! François Morel joue le rôle d’un leader de gauche radicale rappelant Jean-Luc Mélenchon, Pascal Elbé se pose en entrepreneur centriste souhaitant rassembler à gauche et à droite pour redresser la France, et le personnage de Cyril Balsan évolue vers quelque chose qui évoque fortement Manuel Valls. On a également des veilleurs, qui s’opposent au droit d’euthanasie que souhaite faire passer la présidente Dorandeu. Les scénaristes ont su s’adapter à l’évolution du paysage politique français de ces 18 derniers mois pour livrer quelque chose de réaliste. C’est vraiment chouette.
Corentin : Bon, on a compris, tu aimes bien. Mais quid de Marseille ?
Thomas : Oui oui oui… Donc dans le coin bleu, on a Marseille, créé par Dan Franck, romancier, essayiste et scénariste. La première saison a été mise en ligne en mai 2016 sur Netflix. Au centre de l’intrigue, on trouve Robert Taro, maire historique de Marseille incarné par notre Gérard Depardieu national. A ses côtés, il y a Lucas Barres, joué par Benoît Magimel, son adjoint qui va devenir son rival politique.
Corentin : Il me semble que cette première saison avait été assez mal reçue, non ?
Thomas : Tu ne crois pas si bien dire. Le scénario était assez bancal, et laissait davantage la part belle à des histoires personnelles gnan gnan, des scènes franchement vulgaires sans intérêt et un jeu d’acteurs poussif et fade. Et aussi, on avait droit à des scènes d’une légèreté rare comme ce superbe moment de grâce :
Vous trouvez pas ça bizarre, qu’on se touche le zob en parlant de Picasso, hein ?
Heureusement, cette saison 2 rectifie le tir largement, rendant Marseille bien plus tolérable. On sent justement l’influence qu’a pu avoir la première saison de Baron Noir. L’intrigue se recentre sur le politique, notamment sur l’arrivée d’un parti d’extrême-droite à la mairie de Marseille, la menace terroriste et le rôle d’un certain club de football dans la vie publique de la cité phocéenne.
Corentin : Et outre la thématique politique, on trouve d’autres points communs à ces séries ?
Thomas : Oui. Déjà, la photographie de Marseille et Baron Noir est superbe. On nous montre des villes pas toujours associées à la photogénie sous un joli jour. Et parallèlement, on nous montre que la politique ne se fait pas qu’à Paris. Enfin, et les deuxièmes saisons de ces deux séries nous l’ont montré, on voit que les scénaristes français peuvent réagir intelligemment à des faits d’actualité. On ne sait pas encore si Marseille bénéficiera d’une saison 3, mais Baron Noir, oui, et j’ai personnellement très hâte.
Corentin : Baron Noir est disponible sur la plateforme My Canal, et Marseille sur Netflix. Et, vous l’aurez compris, Thomas vous recommande davantage la première à la deuxième. Merci et à bientôt !
Thomas : A bientôt !
Du côté des séries politiques françaises, c’est un peu les ch’tis contre les Marseillais
D’un côté, « Baron Noir », de l’autre, « Marseille ». Qui gagnera la bataille de la meilleure série politique en France ? Thomas Hajdukowicz nous expliquera que si la première manche avait largement été remportée par « Baron Noir », la deuxième est bien plus serrée.
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