Élections européennes : haro sur les institutions !

C : Il reste quelques jours encore avant les élections européennes, alors pour vraiment que vous soyez préparé le jour J, pour que le 26 mai prochain vous sachiez quel papier mettre dans l’urne, on continue, avec Tatiana, de disséquer les programmes des partis candidats. Aujourd’hui Tatiana, place à une question plus insidieuse, la question des institutions.
T : Les institutions européennes, il y en a plein. Mais les plus connues, ce sont le Conseil européen, la Commission européenne et le Parlement européen. En fait, ce sont les plus connues, parce que ce sont les plus importantes quand il s’agit de prendre des décisions politiques. Sinon, on a aussi la Banque centrale européenne, qui est quand même assez importante aussi, la Cour européenne des droits de l’homme, dont on entend souvent parler, et j’en passe. Mais celles qui cristallisent les tensions, ce sont les instances exécutives et législatives.
C : Oui, parce que clairement, le Parlement ou la Commission, c’est vrai qu’on en entend pas toujours parler en bien. Souvent, quand on dit que quelque chose ne va pas en Europe, c’est la faute du Parlement.
T : Exactement, le Parlement c’est un peu le bouc émissaire, la cause de tous les maux, alors que c’est justement pour ça, pour les parlementaires qu’on vote le 26 mai prochain.
C : Paradoxe, quand tu nous tiens. Bon, alors, qui veut faire quoi avec les institutions.
T : Pour faire simple : tout le monde veut les réformer. Il y a juste deux partis qui ne veulent rien faire de particulier avec les institutions, c’est Debout la France et les Patriotes, donc respectivement Nicolas Dupont-Aignan et Florian Philippot. Ils ne veulent rien faire de particulier, parce que tout simplement, eux ils veulent sortir de l’Europe, donc bon, les institutions, une fois qu’il y a Frexit, ça n’a plus d’importance.
C : Mais du coup, c’est pareil pour le Rassemblement national ? Eux aussi ils veulent un Frexit ?
T : Non, c’est une des grandes nouveautés de ce scrutin par rapport aux autres années. Pas de Frexit pour Le Rassemblement national et pas de sortie non plus de la zone euro. En fait, c’est un peu lié au fait que Florian Philippot a quitté le parti politique, et c’est lui qui tenait cette ligne très radicale de sortie de l’Europe. Donc maintenant, plus de Frexit, mais une réforme totale de l’Europe. Le chef de file du RN l’a expliqué au micro de France Inter
[SON Elections européennes institutions - Jordan Bardella - France Inter]
T : On l’a compris, chacun doit être plus libre dans l’Union européenne, plus libre d’appliquer la politique nationale qui lui chante.
Dans le détail ensuite, le RN fait une proposition radicale concernant les institutions : le parti d’extrême droite veut supprimer la Commission européenne, tout simplement. Pour eux, on ne devrait garder que le Parlement, et le Conseil européen. Et c’est le Conseil justement qui récupérerait les fonctions législatives qui pour l’instant sont assurées par la Commission.
C : Oui, car on le rappelle, la Commission européenne, c’est elle qui propose les lois, et elle a le monopole là dessus. Et ensuite seulement, le Conseil et le Parlement adaptent et discutent de ces lois.
Ok, pour le parti de Marine Le Pen, c’est donc assez clair, que disent les autres sur la Commission ?
T : Personne d’autre ne propose de la supprimer, vraiment personne.
Par contre, ils sont nombreux à vouloir réduire le rôle et le poids de la Commission.
On peut prendre l’exemple de la République en Marche. Je prends cet exemple là, car c’est assez surprenant de leur part, eux qui ont toujours défendu l’Europe. Le parti mené par Nathalie Loiseau veut donc diminuer le pouvoir de la Commission européenne, en supprimant, comme le RN, le monopole qu’a la Commission sur le volet législatif. Les Marcheurs souhaitent que le Parlement puisse lui aussi proposer des lois, et non plus seulement la Commission.
C : Donc deux instances législatives, la Commission et le Parlement.
T : Oui, exactement.
La République en Marche veut aussi réduire le nombre de commissaires européens. Là, on est toujours dans l’idée de diminuer un peu le pouvoir de la Commission.
Et puis concernant les parlementaires cette fois, LREM veut qu’il soit possible de mieux contrôler les frais des députés, et plafonner leur rémunération.
C : Ca, c’est pour répondre aux nombreuses critiques dont on parlait tout à l’heure vis-à-vis du Parlement. La République en Marche n’est d’ailleurs pas la seule à vouloir un peu redorer l’image des parlementaires, le PS aussi, non ?
T : Oui, le PS aussi propose de mieux contrôler la vie des élus, enfin en tout cas, qu’il y ait plus de transparence. L’alliance menée par Raphaël Glücksmann souhaite que soit mis en place une Haute autorité européenne pour la transparence de la vie publique. C’est en gros le même principe que ce qu’on a au niveau national, en France, l’Autorité pour la transparence, qui oblige les élus à déclarer leur patrimoine, etc.
Pour autant, il ne faut pas voir ça comme une attaque envers le Parlement européen, au contraire, le PS et Place publique aiment le Parlement, ils veulent lui donner plus de pouvoir. C’est écrit noir sur blanc dans leur programme “renforcer le rôle du Parlement face au Conseil de l’Europe et à la Commission européenne. Par contre, il n’est pas fait mention d’un pouvoir législatif du Parlement, pas de possibilité de proposer des lois.
C : Si je ne m’abuse, c’est très similaire au programme d’Europe Ecologie les Verts.
T : Tu ne t’abuses pas Corentin, c’est très très similaire. Chez les Verts aussi on veut une Haute autorité de la transparence. Et chez les Verts aussi, on veut renforcer le pouvoir du Parlement européen. Le parti mené par Yannick Jadot propose par exemple d’élargir les compétences des parlementaires pour qu’ils puissent traiter de plus de sujet, comme l’éducation par exemple, pour mettre en place un baccalauréat européen.
Mais en vrai, il y a une grosse différence quand même entre les Verts et le PS, c’est que les Verts, ils vont plus loin, ils veulent une nouvelle Constitution européenne. Cette constitution, elle devrait voir le jour au plus tard en 2024, et elle aurait deux fonctions : d’une, acter le renforcement du pouvoir du Parlement. C’est pour ça que je dis que les Verts vont plus loin. De deux, cette constituante européenne, elle permettrait de redéfinir les fondamentaux de l’Europe, et pour EELV, il faut qu’il y ait comme socles, les droits civiques, sociaux et environnementaux.
C : Tiens, tiens, constituante européenne, ça me dit vraiment quelque chose, mais pour le coup, je ne l’aurais pas associé aux Verts, mais à la France insoumise. Une nouvelle constitution, c’est ce que voulait Jean-Luc Mélenchon pour la France non, lors de l’élection présidentielle ?
T : Oui, tout fait, mais pour les européennes, c’est un peu plus compliqué. Les insoumis ne proposent pas une nouvelle constitution européenne, mais par contre, ils veulent sortir des traités. Cette phrase, on l’entend très souvent, “sortir des traités”, en fait ça veut dire sortir des traités fondateurs de l’Union européenne. C’est un peu ambigu comme point de vue, et Manon Aubry a donc tenté de l’expliquer sur Europe 1.
[SON Elections européennes institutions - Manon Aubry - Europe 1]
C : Donc si j’ai bien compris, soit on modifie les traités européens, les traités fondateurs de l’Union, soit on autorise les Etats à ne pas respecter les règles édictées par l’Europe.
T : Oui, si on aime pas la règle, bah on l’applique pas, c’est simple.
Ensuite, concernant les institutions, on va retrouver une proposition qu’on a déjà pas mal vu chez d’autres partis : renforcer le pouvoir du Parlement, en permettant aux parlementaires de proposer des lois. Donc toujours cette idée que la Commission ne doit pas être la seule à détenir le pouvoir législatif.
C : Faisons un tour un peu plus à gauche encore, vers le Parti communiste, avant de conclure avec les Républicains.
T : Le PC est aussi pour un renforcement du pouvoir du Parlement européen. Pour eux, c’est une manière de renforcer l’implication des citoyens dans les décisions européennes, puisque les Parlementaires sont les seuls élus par les citoyens.
Mais le vrai cheval de bataille du parti de Ian Brossat, c’est en réalité la BCE, la Banque centrale européenne. C’est d’ailleurs quasiment tout leur paragraphe numéro 2 : “reprendre le contrôle des moyens financiers”. Ils veulent que la BCE soit plus démocratique et qu’elle se concentre sur le développement des pays, et non sur la dette.
C : On termine donc par le parti des Républicains.
LR : Là aussi, on parle de sous avec les Républicains, mais pas du tout au niveau de la BCE, ça, le parti n’en parle pas particulièrement. Non, eux, c’est le coût de fonctionnement de l’Europe qui ne leur convient pas, ils veulent que ce soit plus rentable.
Et sinon, au niveau des institutions, et bien en fait, le parti mené par François Xavier Bellamy ne veut pas changer grand chose. Jean Jacques Bourdin l’a d’ailleurs interrogé sur point, sur RMC
[SON Elections européennes institutions - François Xavier Bellamy - RMC]
T : Globalement, on ne change donc pas grand chose, le parlement fonctionne bien comme il est.
Par contre, les Républicains veulent quand même accélérer le processus de décision de l’UE. Ils veulent aussi que les Etats aient plus de flexibilité, qu’il y ait un peu moins de normes européennes. L’idée c’est qu’on arrête d’avoir des normes qui se superposent, comme par exemple tu sais ces normes sur les tomates, catégorie 1, 2, etc.
C : Et bien merci Tatiana pour cette nouvelle chronique sur les programmes des élections européennes. Pour rappel, vous avez dans le brunch, deux autres chroniques qui dissèquent les programmes des européennes, l’une sur l’immigration, et l’autre sur l’écologie !