[EXTRAIT - IDIOCRACY - 0’25 > 0’35 - 10s]
Corentin : Le film Idiocracy l’avait prophétisé. Le QI des personnes nées après 1975 serait en baisse. C’est en tout cas ce qu’affirme une étude norvégienne parue en juin dans la revue PNAS (pi-ène-Hey-S // Proceeding of the National Academy of sciences of the United States of America)) et ses auteurs attribuent cette baisse à des facteurs environnementaux. Laura Aupiais vous explique tout. Bonjour Laura...
Laura : Bonjour Corentin, bonjour à tous. Les deux auteurs de cette étude ont estimé que l’explication la plus plausible quant à la baisse de QI était dûe à un environnement culturel moins favorable pour les jeunes générations.
Corentin : Ca va contenter les partisans du “c’était mieux avant” ça.
L : Oui et pourtant quotient intellectuel n’a rien à voir avec l’intelligence à proprement parler. Qu’est-ce que l’intelligence par ailleurs ?
Corentin : Vous avez 4 heures…
L : Haha ! Il va falloir plus que 4 heures puisque même la communauté scientifique est divisée sur la définition de l’intelligence.
Corentin : Enfin bref, retour à l’étude.
L : Oui, l’étude ! Vous le savez, le quotient intellectuel est un score obtenu par un test standardisé aux paramètres multiples et dont la valeur est une indication de l’intelligence du sujet.
Si le QI moyen de la population est autour de 100, les sujets au QI supérieur à 135 sont considérés comme « à haut potentiel », tandis que ceux dont le QI est en-dessous de 60 sont considérés comme présentant des déficiences. Et ce test est souvent réalisé par les psychologues et les psychiatres.
Donc les deux auteurs, deux économistes Bernt Bratsberg et Ole Rogeberg se sont basé sur « l’effet Flynn » et plus spécifiquement sur la régression de l’effet flynn amorcée dans plusieurs études récentes.
Corentin : En quoi consiste l’effet Flynn ?
L : L’effet Flynn porte le nom de celui qui l’a découvert à savoir James Flynn, un professeur en sciences politiques Néo-Zélandais qui a étudié le niveau d’intelligence des populations. Et d’après lui, le score au test de QI aurait augmenté d’un peu plus de trois point par décennie entre les années 30 et les années 80.
Et ce qui fait qu’il s’agit là d’un fait établi et admis, c’est que cette tendance s’est retrouvé dans une trentaine de pays sur tous les continents.
Corentin : Et donc la régression de l’effet Flynn résiderait dans l’inversion de cette tendance à la hausse.
L : Tout à fait. Les deux chercheurs norvégiens, se sont penchés sur les performances intellectuelles des jeunes hommes Norvégiens nés entre 1962 et 1991 et testés à l’occasion du service militaire obligatoire.
L’idée est de comparer entre eux les QI de frères, sous entendu des personnes issues d’un milieu social strictement identique et aux gènes proches.
Puisque les deux principales théories pour expliquer l’effet Flynn sont la fertilité dysgénique en d’autres termes le concept que les femmes au QI bas font plus d’enfants eux-mêmes dotés d’un QI plus bas que les femmes au QI élevé.
Et l’autre théorie pour expliquer l’effet Flynn c’est le mélange avec des populations immigrées, issues de système éducatifs potentiellement moins performants que le nôtre.
Corentin : Et que dit concrètement l’étude ?
L : Sur plus de 700 000 observations, les auteurs ont confirmé la regression de l’effet Flynn. Par exemple, chez ces frères, le QI s’est en effet élevé de 0,20 point par an entre le groupe né en 1962 et celui né en 1975. Puis il a baissé de 0,33 point par an entre celui né en 1975 et celui né en 1991.
Corentin : Et en ce qui concerne les femmes qui n’ont pas fait de service militaire ?
L : Pour les femmes, ils ont examiné les résultats scolaires et ils ont trouvé la même tendance.
Corentin : Qu’en concluent les auteurs de l’étude ?
L : Bernt Bratsberg et Ole Rogeberg pensent que ces changements sont causés par la qualité de l’éducation, l’exposition changeante aux médias, la dégradation de la nutrition, de la santé et les retombées sociales d’une immigration accrue.
Corentin : L’immigration ?
L : Oui, on est d’accord. Que sont les retombées sociales d’une immigration ? C’est en plus très étrange d’affirmer ça alors qu’aucun immigré n’a été compris dans l’étude.
Et c’est aussi là que l’étude montre ses limites. Comme la plupart des études sur ce sujet d’ailleurs.
C’est pour cela qu’il faut être particulièrement sensibles et vigilent à la taille d’un échantillon, à la méthodologie de l’étude et à sa résonnance dans la communauté scientifique.
Par exemple, Edward Dutton et Richard Lynn ont publié dans la revue Intelligence en 2015, une étude selon laquelle il existerait une baisse du QI moyen en France passant de 101,1 en 1999 à 97,3 en 2009 et portant la faute sur l’immigration. Il s’est avéré qu’ils ont eu recours d’une part à des tests non validés et à un effectif limité et d’autre part, à des raccourcis racistes.
Au delà de ça, il faudrait aussi se méfier de toutes les études qui se basent sur les résultats aux tests de Q.I.
Corentin : Ca ne suffit pas à définir l’intelligence d’une personne...
L : Exactement. On en revient à la question de départ. Que fait-on du quotient émotionnel, de nos facultés cognitives, de la créativité, ou bien encore de l’originalité des idées d’une personne ?
Une baisse de Q.I. généralisée ne fait pas de nous une société comme dans le film Idiocracy. Des scientifiques reconnus n’ont pas un Q.I de 120.
Todd Lubart, professeur de psychologie à l’Université Sorbonne nous dit aussi, qu’il est “absurde de dire qu’avec un QI de 120, on est « deux fois plus » intelligent qu’avec un QI de 60”.
De plus, les résultats d’une évaluation intellectuelle sont susceptibles de varier chez une même personne selon le test utilisé.
Corentin : Nos manières de vivre ont évolué également entre 1975 et 2000. Je pense à l’arrivé d’internet, des smartphones qui ont profondément changé nos habitudes de vies….
L : Oui et d’ailleurs, certains chercheurs pensent que le test est inadapté par rapport à ces changements. Le professeur Emmanuel de Becker, chef de service de pédiatrie infanto-juvénile aux cliniques universitaires de Saint-Luc.
[SON 2 - RTBF - QI 34s]
Et enfin, le score n’a, à lui seul, aucune signification, puisqu’il doit ensuite être confronté aux autres informations fournies par l’examen psychologique approfondi comme les observations qualitatives et cliniques, conditions de vie familiale, culturelle et éducative de l’enfant, investigations complémentaires, ou encore le fonctionnement de la personnalité.
Donc que le QI ait baissé ou augmenté d’une génération à l’autre, nous ne sommes pas moins bêtes. Nous utilisons juste notre cerveau d’une différente manière.
Corentin : Et finalement, concluons en disant que le fait d’avoir un haut QI démontre surtout… qu’on est bons au tests de QI. Voilà ! Moi personnellement, je ne sais pas pour les tests de QI, mais je me débrouille très bien à Mario Kart. En tout cas merci Laura pour ces précisions. On se retrouve très vite !
Baisse de l’intelligence : devient-on vraiment QI du cerveau ?
On les voit, ces études parues dans la presse s’alarmant de la baisse du QI des nouvelles générations. Mais doit-on vraiment s’arrêter à ce simple test pour déterminer si l’intelligence est vraiment en recul ? Comme on le verra avec Laura Aupiais, tout cela n’est peut-être pas aussi simple.
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