Corentin : Aujourd’hui, dans vos croissants nous allons aborder le délicat sujet de la transplantation fécale. Les bactéries qui peuplent nos intestins sont en effet capables de remettre sur pied les organismes les plus affaiblis. Que se passe-il dans nos intestins ? Quel est le pouvoir de nos selles ? Des questions qui auront des réponses avec Laura Aupiais...Bonjour…
L : Bonjour Corentin, bonjour auditeurs et auditrices des Croissants. C’est un sujet peu appétissant aujourd’hui mais un sujet important pour la médecine. Car elle fonde beaucoup d’espoir dans les transplantations fécales. Les dernières études sur le sujet l’ont également démontré.
Corentin : Avant d’entrer dans le vif du sujet, en quoi consiste une transplantation fécale ?
L : Le principe de la transplantation fécale est assez simple, il s’agit de remplacer le microbiote que l’on pense anormal d’un patient atteint d’une maladie par le microbiote d’une personne saine.
Corentin : Et c’est quoi un microbiote ?
L : Alors voilà une bonne question car elle va nous permettre de bien comprendre les exploits que fait notre corps.
Donc un microbiote, est l’ensemble des micro organismes vivants dans un environnement spécifique chez un hôte ou une matière.
Concernant la transplantation fécale, on va aller voir le microbiote intestinal.
[SON 1 - Le microbiote intestinal INSERM - 22s]
Dans cette vidéo publiée par l’INSERM sur sa chaîne youtube, on apprend également qu’avant la naissance, le tube digestif du foetus est stérile. Ainsi, lors de l’accouchement, le nouveau né ingère des micro-organismes présents chez la mère et qui permet donc la colonisation de son tube digestif par des bactéries fécales et vaginales.
Corentin : Comment se construit le microbiote ?
L : La composition d’un microbiote évolue entre autre, en fonction du mode d’alimentation du nourrisson, l’allaitement ou le le lait de substitution. Sachant que le lait maternel permet l’implantation précoce de certaines souches bactériennes.
Et puis la composition du microbiote se complexifie avec le temps jusqu’à se figer plus ou moins aux alentours de 3 ans.
Et elle comprend de très nombreuses espèces de bactéries, de champignons microscopiques et des virus non pathogènes. A noter aussi que chacun possède un microbiote qui lui est propre en terme de combinaison d’espèces.
Corentin : A quoi ça sert concrètement ?
L : Alors, on peut considérer le microbiote comme un organe à part entière dans la mesure où il est en étroite interaction avec notre intestin. Il exerce des fonctions métaboliques essentielles à la digestion. Et en plus de ça, cette communauté intestinale assure également un rôle de barrière contre l’invasion de micro-organismes pathogènes responsables de diverses maladies.
Sans oublier que l’intestin représente le premier réservoir de cellules immunitaires de l’organisme.
Corentin : Qu’est-ce qui peut influencer la composition du microbiote ?
L : Le stress, la fatigue, une alimentation déséquilibrée et des antibiotiques peuvent réduire la variété des micro-organismes présents et donc nos défenses immunitaires.
Mais revenons donc à notre sujet principal : grâce à la transplantation fécale, on peut restaurer le microbiote.
Corentin : Comment ça ?
L : L’administration se fait par les voies naturelles de préférences par l’anus lors d’une coloscopie ou d’un lavement. Il est également possible de le faire par le nez grâce à une sonde qui descend sous l’estomac et qui vient déposer les 50 grammes de matières fécales dont on a besoin pour restaurer le microbiote intestinal.
Et cette technique a prouvé son utilité pour des malades atteints d’un cancer.
Corentin : Ah oui, le cancer carrément !
L : Une biotech française a récemment testé ce procédé sur 25 patients atteints d’une leucémie aigüe.
Parce que le traitement de routine dans ces cas-là consiste en une très forte chimiothérapie suivie d’une prise d’antibiotiques puis d’une nouvelle série de chimios. Par conséquent, Ce traitement abîme énormément la flore intestinale. Le microbiote s’appauvrit, les patients maigrissent et sont vite à bout de forces.
Corentin : Et ce n’est plus le cas avec la transplantation ?
L : Tout à fait. Le patient est soigné avec sa propre flore intestinale. Elle est prélevée avant la chimio et réimplantée quelques jours après. Et on constate que le patient résiste effectivement mieux à la suite du traitement, et un an après, les patients affichent 84% de survie.
Et Il existe une autre prouesse de cette méthode. Elle pourrait contribuer à « guérir » l’autisme également.
Corentin : *stupéfait*
L : Il y a de plus en plus d’études qui démontrent que corriger la flore intestinale permet non seulement d’améliorer les symptômes digestifs mais aussi de diminuer les symptômes autistiques.
Ce qu’on entend par symptômes autistiques sont les troubles du comportement comme l’irritabilité, l’anxiété ou les stéréotypies, autrement dit les répétitions sans but de mots ou gestes.
Corentin : En quoi soigner des troubles digestifs permet de soigner l’autisme ?
L : Tout simplement, parce qu’on commence à réaliser aujourd’hui que plus de la moitié des autistes souffrent de symptômes gastro-intestinaux.
Et en 2017, des chercheurs américains de l’université de l’Arizona sur une vingtaine d’enfants autistes ont réalisé une transplantation fécale
Tous les enfants ont vu leurs problèmes intestinaux diminuer de l’ordre de 80 % et leurs syndromes autistiques ont également été réduits d’un quart.
Corentin : Comment cela est-il possible ?
L : Il semblerait que le microbiote intestinal influence le développement et les comportements du cerveau à travers les systèmes nerveux neuroendocrinien, neuro-immune et autonome (la partie du système nerveux responsable des fonctions non soumises au contrôle volontaire comme la digestion, la vascularisation, la sudation…).
Tout ce que j’ai vous ai dit, c’est un condensé des études qui ont été mené sur le sujet. On commence tout juste à s’y intéresser, notre microbiote nous a pas encore révélé tous ses secrets mais il semblerait que pour être en bonne santé, il faut vivre bien avec son microbiote. Un peu comme les Goa’uld.
Corentin : Houla, ça commence à faire des références à Stargate, c’est qu’il est temps de mettre un terme à cette chronique ! Merci Laura en tout cas de nous avoir parlés de cet atout extraordinaire qu’est notre microbiote, et à une prochaine fois !
Quand la transplantation fécale nous remet en selles
On connait les bénéfices d’une transplantation d’organe, mais connaissez-vous les bienfaits d’une transplantation… fécale ? Eh oui ! Nous vivons avec une véritable faune qui s’épanouit dans nos selles et les chercheurs réalisent de plus en plus son importance. Tels des Christophe Colomb de l’intestin, partons à la découverte de notre microbiote, avec Laura Aupiais.
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