En France, le loup est de moins en moins aux abois

[SON 1 - Hurlement du loup 5s]
Corentin : Selon le bulletin estival de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage rendu public le 6 décembre dernier, le seuil de viabilité du loup serait en passe d’être atteint : 500 loups à la sortie de l’hiver en 2019. Pourtant ce seuil est contesté à bien des égards. On voit ça avec Laura Aupiais. Bonjour Laura...
Laura : Bonjour Corentin… Alors voici un sujet pour le moins controversé et délicat, car le loup gris, n’en déplaisent à nos éleveurs, est une espèce protégée par les traités internationaux signés par la France, notamment la Convention de Berne, en 1990, et la Directive Habitats Faune Flore en 1992.
Corentin : Pourquoi est-ce une espèce protégée ?
L : A la fin du XVIIIe siècle, le territoire français abritait entre 15 000 et 20 000 Canis Lupus, dit le loup gris ou le loup commun. Et avec la révolution industrielle, la mécanisation de l’agriculture et la forte pénétration des population dans les zones rurales et montagnardes vont oeuvrer sa disparition.
Par conséquent, dans les années 40, le loup disparaît totalement de France avant de revenir spontanément par l’Italie dans les années 90. Et aujourd’hui, il est présent notamment dans les Alpes, en provence, les Vosges, le Jura, et l’Aveyron.
Corentin : Alors à quoi correspond ce chiffre ? 500 loups et qu’est-ce que le seuil de viabilité d’une espèce ?
L : Le seuil de viabilité d’une espèce est la somme des forces d’extinction : chasse, destruction de l’habitat etc. Et si cette somme est grande, plus les chances de survie d’une population sont faibles par conséquent plus grand nombre d’individus d’une même espèce est nécessaire pour assurer sa survie.
Corentin : Et pourquoi 500 alors ?
L : Là, il s’agit d’une loi générale, approuvée par certains biologistes. Ils parlent de seuil des 50/500.
C’est-à-dire :
- 50 individus suffiraient à éviter la dépression consanguine. Soit le nombre minimum avant qu’apparaisse la consanguinité.
- 500 suffiraient à conserver un potentiel évolutif.
Sous la barre d’un total de 500 individus, la population est considérée comme ne pouvant survivre dans la nature sauf si elle bénéficie de mesures proactives de protection avec par exemple reproduction en captivité ou en milieu protégé.
Attention, toutefois, cette loi qui sort un peu de nulle part n’a pas de valeur prédictive car il arrive qu’en l’absence de leurs prédateurs naturels, des espèces introduites peuvent pulluler à partir d’un très petit nombre d’individus.
Corentin : 500, ça ne paraît pas énorme…
L : Evidemment, et c’est ce que nous disent certains généticiens dans un rapport publié en 2017 et réalisé conjointement par l’ONCFS et le muséum d’histoire naturelle.
Pour eux, 500 est une sous-estimation qui ne suffit pas pas à préserver le potentiel évolutif et de réduire suffisamment les problèmes de dépression de consanguinité. Ils recommandent des tailles de l’ordre de 1000 ou 5000.
Et ils ajoutent une précision sur le fait que les loups doivent être sexuellement matures. Donc dans cette estimation ne sont pas compté les louveteaux.
Corentin : 1000 ou 5000 ? Cela ne va pas ravire les éleveurs…
L : Le loup, effectivement oblige les éleveurs à éloigner parfois leurs animaux de leur habitat naturel. Et c’est ce que nous dit Alain Baudouin, éleveur sur les plateaux du vercors dans une interview réalisée par Benoît Jourdain, journaliste au Figaro.
[SON 2 - ALAIN - 16 ou 29s]
Corentin : Comment font les éleveurs d’ailleurs pour protéger leur troupeau ?
L : Soit ils font appel à des chiens de protection, ou bien ils repensent leur infrastructure au détriment parfois du bien-être de leur troupeau. La préfecture d’Auvergne Rhône Alpes, qui gère le plan loup sur le territoire national, autorise aussi ce qu’on appelle des « tirs de défense » et des « tirs de prélèvement ».
Les tirs de prélèvement c’est tout simplement l’abattage de loup. A noter qu’en octobre 2018, a autorisé le prélèvement de 8 loups supplémentaires jusqu’au 31 décembre 2018. Sachant que le quota d’autorisation d’abattage de loups est passé de 43 à 51 animaux pour l’année 2018.
Corentin : Est-ce que cela change quelque chose ?
L : Et bien non, l’association Férus, qui défend et accompagne le retour des grands prédateurs en France argumente en rappelant que «36 loups ont été tués en 2015 et 2016 et 40 en 2016-2017 et dans le même temps, « la prédation attribuée à un loup n’a cessé d’augmenter : 8577 victimes indemnisées en 2014, 8964 en 2015 et 9788 en 2016 »
Corentin : Pourquoi ? Quelles en sont les causes ?
L : L’éthologue Pierre Jouventin, spécialiste des comportement d’animaux nous dit qu’en fait, ce sont souvent sur les loups les plus gros que se concentrent les tirs. Or, comme il s’agit de loups dominants, les tuer fait exploser les meutes et les loups se dispersent alors davantage.
Baptiste Morizot dans son livre Les Diplomates, consacré à la relation entre l’homme et le loup, « il a été montré que ce sont surtout les loups solitaires qui attaquent les troupeaux domestiques, par facilité ».
Il ajoute également que « Tuer un membre du couple reproducteur fait courir des risques de fragmentation de la meute et donc de multiplication de chasses individuelles sur les troupeaux de jeunes errants ».
Corentin : Comment vivre de manière « harmonieuse » avec le loup ?
L : L’association Férus prône un renforcement des moyens de protection, d’autres pensent qu’il faut redonner au loup la peur de l’homme. Car le loup est un animal intelligent qui ne se laissera pas prendre deux fois. Si l’attaque du bétail devient douloureuse, effarouchante, traumatisante, il attaquera le gibier sauvage, plus fatigant mais plus sûr.
Corentin : Très bien ! Merci de nous avoir donné des nouvelles du loup en France, Laura. À la prochaine !