[*Bruits de moustique *]
Laura : Reconnais-tu ce bruit, Corentin ?
Corentin : Quelque chose que je n’aime pas du tout ! Saletés de moustiques !
L : Et bien peut-être qu’un jour, tu ne l’entendras plus du tout. Car peut-être qu’un jour, on aura mis en place une technique permettant de modifier directement l’ADN du moustique pour le rendre stérile et ainsi éradiquer l’espèce. Ca serait beau n’est-ce pas ?
C : J’ai un peu de compassion pour ces pauvres grenouilles qui perdront une de leurs proies, mais c’est vrai que c’est bien enquiquinant.
L : Alors sache que ce jour-là, on va peut-être le voir arriver.
Il existe depuis quelques années, 2012 à peu près, une technique qui s’appelle le CRISPR/CAS 9 élaboré par un duo franco-américain composé d’Emmanuelle Charpentier et de Jennifer Doudna. Toute deux micro-biologiste.
C : CRISPR/CAS9, tu parles d’un nom… Et donc ça consiste en quoi exactement ?
L : En fait, il s‘agit d’un outil qui permet de modifier rapidement et simplement l’ADN. Pour faire simple, on peut, grâce à ça, modifier ou supprimer un gène « défectueux » sur des micro-organismes, des champignons, les animaux, les hommes ou encore des plantes.
C’est en quelque sorte une paire de ciseaux moléculaire ou un copier/coller sur un document word par exemple.
C : Ça a l’air presque trop beau pour être vrai, dit comme ça...
L : Pourtant dans la réalité, c’est une technique qui est énormément utilisée en laboratoire et ce, à travers toute la planète. Et tout récemment grâce au CRISPR/cAS 9, des chercheurs ont pu éditer, façonner génétiquement des cellules cardiaques humaines responsables de la myopathie de Duchenne.
La myopathie de Duchenne, c’est une maladie rare qui touche notamment 2500 personnes en France et qui provoque une dégénérescence des muscles squelettiques, lisses et cardiaques.
Et à terme on estime à 60%, le nombre de personnes pouvant être soignées. Dans le cas de la myopathie de Duchenne, la modification génétique est particulièrement difficile puisqu’il existe 3000 mutations possibles du gène responsable de la maladie.
Autre exemple, en août dernier, aux Etats-Unis, des chercheurs ont réussi à supprimer dans un embryon un gène responsable d’une maladie cardiaque héréditaire.
[Extrait Bande Annonce Gattaca]
C : Oui mais alors je vois déjà les effets pervers de la procédure ! On se dirige pas dans une sorte de dystopie à la “Bienvenue à gattaca”, avec de l’eugénisme à tout va ?
L : On peut penser qu’on tend vers ça en effet. Mais c’est plus complexe que ça.
Déjà, il faut penser ou repenser toute les lois sur la bioéthique puisque la méthode CRISPR/CAS9 permet la manipulation génétique des embryons au premier stade de leur développement.
Je le rappelle mais l’utilisation des embryons à des fins de recherches est interdite en Europe et aux Etats-Unis. Et à cause de cette législation, les scientifiques n’ont pas l’opportunité d’étudier l’origine des maladies et le développement des embryons.
C : Autre souci : où met-on la limite entre ce qui est du traitement de maladies et l’eugénisme ?
L : Je pense que tout le monde est d’accord pour dire que si l’on empêche la transmission d’une maladie génétique grave, c’est une bonne chose.
C’est une ligne par ailleurs déjà franchie par la Chine. Ils ont déjà pratiqué des modifications génétiques sur 86 patients atteints de cancer et sur des embryons humains grâce à une législation plus permissive.
Mais que faire en cas de maladie génétique légère ? Est-ce qu’on doit créer un être humain amélioré plus grand plus fort plus rapide ?
Que faire ?
C’est justement à toutes ces questions que vous auditeurs, toi corentin et moi-même sommes invités à répondre, car en ce moment même se déroule les états généraux de la bioéthique depuis janvier et jusqu’au juillet de cette année.
Cette consultation nationale est organisé par le comité national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
Vous pouvez vous rendre sur etatsgenerauxdelabioethique.fr pour connaître toutes les prochaines rencontres ou débats ; ça se déroule sur tout le territoire français.
On est tous concernés par ces problématiques alors il serait bon que chacun et chacune y réfléchisse. À quoi bon savoir guérir, si on ne peut pas agir.
C : Merci Laura pour ce point complet sur ce qui risque bien d’être la prochaine révolution en matière de biomédecine. À la prochaine !
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