Corentin : Et si nos ancêtres du paléolithique et du Néolithique en savaient beaucoup plus sur l’astronomie que nous le pensions. Et si les peintures d’animaux de Lascaux ou de Chauvet étaient en réalité un plan du ciel et des étoiles ? C’est ce que va vous expliquer Laura Aupiais, Bonjour Laura…
L : Bonjour Corentin, bonjour à tous. Cette théorie n’est pas nouvelle. Elle avait été exposé par l’archéoastronome Chantal Jègues-Wolkiewiez il y a de ça dix ans. Et aujourd’hui, cette théorie est remise au goût du jour par Alistair Coombs de l’université du Kent et le docteur Martin Sweatman de l’université d’Edimbourg.
Grâce à un important travail d’enquête, ils arrivent à la conclusion que les représentations d’animaux dans les grottes de Lascaux, de Chauvet et de Göbekli Tepe en Turquie sont en fait, des constellations.
Corentin : Que nous disent-ils d’autre ?
L : Dans leur article publié dans la revue Athens Journal of history, les auteurs exposent l’hypothèse selon laquelle cette pratique, qu’on appelle l’art pariétal, avait un rapport avec le ciel, les constellations, les saisons et qu’elle était transmise de générations en générations.
Ils l’étendent même à l’Europe arguant que certaines oeuvres font écho à des événements cosmiques.
Corentin : Comment ces deux chercheurs ont procédé pour arriver à cette conclusion ?
L : A l’aide de Stellarium, qui est un logiciel de planétarium libre et gratuit, ils ont comparé la position des étoiles avec les datations des représentations d’animaux rencontrées.
Ils ont examiné plusieurs oeuvres d’art pariétal de Turquie, d’Allemagne, d’Espagne et de France qui datent des premières migrations de sapiens en Europe jusqu’au début de l’agriculture et de la sédentarisation. C’est-à-dire entre 40 000 et 7500 ans.
Corentin : Et que cela signifie ?
L : Cela signifie que nos ancêtres du paléolithique avaient des repères dans le temps comme le cycle des saisons mais qu’ils avaient aussi conscience de la précession de l’équinoxe.
La précession de l’équinoxe, c’est le lent changement de l’axe de rotation de la Terre qui se déroule sur une période de 25 760 ans, à peu près. Ce qui est tout à fait remarquable, car on attribue cette découverte au grec Hipparque au IIe siècle avant J-C.
Corentin : Qu’engendre la précession des équinoxes ?
L : Ca fait que l’étoile polaire n’est pas toujours la même, et qu’au fil des siècles, les solstices ne se produisent pas toujours dans les mêmes constellations du Zodiaque.
Mais au delà de la précession des équinoxes, des solstices, etc, nos deux chercheurs affirment que ces représentations d’animaux sauvages sont la figuration d’événements spectaculaires comme les chutes de comètes par exemple. Ce qui validerait la théorie selon laquelle le développement humain aurait connus de multiples impacts de comètes.
Corentin : Tu as des exemples ?
L : A Göbekli Tepe, par exemple, les bas-reliefs d’animaux gravés sur des piliers du plus ancien temple connu au monde feraient référence à une catastrophe de grande ampleur d’origine cosmique.
Un désastre qui aurait été responsable du petit âge glaciaire survenu il y a 12 500 ans et qui aurait duré 1200 ans. On a d’ailleurs retrouvé dans des carottes de glace en Arctique des preuve de cet événement.
Ensuite, il se pourrait qu’un événement semblable se soit produit vers 15 200 avant JC et qui aurait inspiré la scène du puit à Lascaux.
Corentin : La scène du puit ?
L : Il s’agit d’un dessin d’un homme à tête d’oiseau avec le sexe en érection qui semble tomber à la renverse, peut-être à cause du bison éventré par une lance dessiné en face de lui. Sur la gauche de cette scène on voit un rhinocéros qui s’éloigne. Et entre l’homme et le rhinocéros, il y a trois paires de ponctuations, qui peuvent faire penser à des étoiles.
Et selon les chercheurs, le bison pourrait être la constellation du Capricorne qui marquait le solstice d’été. Et justement, c’est de sa direction que survenaient les Taurides, autrement dit les étoiles filantes, à cette époque lointaine d’après leurs reconstitutions du ciel de Lascaux. Cette grotte est fascinante à bien des égards.
Corentin : ????
L : Il y a un autre exemple, pour ceux qui n’ont jamais vu la grotte de Lascaux, et pour bien se figurer à quoi ça ressemble, on va entendre une description de cette salle par une guide-conférencière au micro de France Bleu à l’occasion du premier anniversaire du Centre International d’Art Pariétal Montignac - Lascaux.
[ SON 1 - Description Salle des Taureaux - 25s ]
Dans cette salle donc, il y a un Auroch peint de profil avec ses 2 cornes et à côté de lui, au dessus même, figurent 5 points noirs.
Cet auroch serait alors une représentation de la constellation du Taureau et que le groupe de points noirs au-dessus de l’animal est l’amas des Pléiades qui brille dans la constellation du Taureau.
Si vous souhaitez en savoir plus notamment sur Göbekli Tepe, je vous invite à lire leur article sur athensjournal.gr.
Ces recherches sont très intéressantes, elles étayent de précédents travaux qui lient l’art rupestre à l’astronomie. Entre Lascaux et Chauvet, il y a 15 000 ans d’écart, et les représentations d’animaux sont sensiblement les mêmes. Donc cela témoigne d’une longue tradition d’observation du ciel en fait.
D’ailleurs, ça peut se comprendre car cela permettait à nos ancêtres de déterminer quand arriveraient les jours froids et quand reviendraient les jours meilleurs.
Et puis, imaginez le ciel sans pollution lumineuse…
Corentin : Ah c’est sûr que si les auteurs des peintures rupestres avaient dû dessiner sur la base de ce qu’on voit dans le ciel en pleine ville, là, pour le coup, ils se seraient peut-être rabattus sur de simples scènes avec des animaux. Merci Laura pour cette fascinante explication ! À très vite.
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