Corentin : Après les frelons asiatiques, les punaises de lit, voici venu, dans nos contrées françaises métropolitaines et ultramarines, un nouvel envahisseur : un ver à la tête (en forme) de marteau.
Venus d’Asie, ils ont la particularité de se nourrir de vers de terre. Qui sont-ils ? Quels sont leurs réseau ? La face cachée de ces vers expliquée par Laura Aupiais. Bonjour...
Laura : Bonjour Corentin, bonjour à tous. En réalité, ces vers fréquentent nos campagnes depuis presque 20 ans. Ils nous viennent d’Asie comme tu viens de le dire. Ce sont des plathelminthes, de la famille des Bipaliidae ou bipaliinés et répondent aux noms barbares de Bipalium Kewense et Diversibipalium multilineatum.
Le premier cas recensé remonte à 1999 et les chercheurs viennent tout juste de se pencher sur le sujet.
Corentin : Ah ouais depuis le temps aucun scientifique ou institution ne s’est interrogé sur se ver-ci ?
L : Oui et c’est ce que déplore Jean-Lou Justine professeur à l’institut de systématique, évolution et biodiversité.
Il a, avec une équipe de chercheurs franco-australienne, publié une étude dans le journal Peerj. Il regrette que l’invasion d’un pays développé en Europe par des animaux aussi spectaculaires et bien visibles et potentiellement dangereux pour la biodiversité n’ait attiré l’attention d’aucun scientifique ou institutions étatiques.
Selon lui, ces bipalium et diversibipalium correspondent à la définition européenne des espèces exotiques envahissantes (EEE).
Corentin : En quoi sont-ils dangereux ? Quelles sont les caractéristiques de ces vers qui alarment ce chercheur ?
L : Leurs recherches se sont basées sur la science participative. C’est-à-dire qu’ils ont demandé aux citoyens français des quatre coins du globe, de photographier des vers répondant aux caractéristiques suivantes :
Le ver est assez grand entre 20cm et 40cm voire 1m pour les plus grands.
Il a une tête en forme de marteau.
Il est de couleur marron et jaune
il se nourrit de vers de terre et possiblement d’escargot
La particularité de ces bipaliinés est de sécréter une toxine, la tetrodotoxine. Elle est également présente chez le fugu, vous savez le fameux poisson japonais.
L’autre singularité est qu’il se développe par scissiparité. Ici, pas de reproduction sexuée. Un bout de la queue se détache et devient après quelques temps un ver.
C’est tout simplement du clonage.
Et ce qui effraye Jean-Lou Justine, par ailleurs, c’est que ces vers n’ont pas de prédateurs. Il aurait mauvais goût pour les oiseaux.
Corentin : Comment sont-ils parvenus jusqu’ici ?
L : Ces bipaliinés et les espèces exotiques envahissantes, en règle générale arrivent par l’importation d’espèces animales ou végétales exogènes. Cela s’amplifie avec le développement des moyens de transports.
Mais ça tu le savais déjà. Alors pour répondre spécifiquement à ta question, on peut écouter cette vidéo de la chaîne Youtube “art le pouvoir des plantes”. Ils ont une théorie sur la question depuis 2016 :
[SON 1 - Jardinage: Les vers tueurs de lombrics: (Alerte au Plathelminthe) catastrophe écologique majeure - 2’15 > 2’41]
Il faut noter que dans la vidéo qu’on vient d’entendre, ils ont en fait affaire à une espèce de bipalium qui se nomme Obama nungara. Il ne faut pas y voir une référence à l’ancien président américain mais cela vient d’une langue indienne indigène du Brésil. Oba signifie feuille et ma veut dire animal car le ver est de forme aplatie.
Corentin : Pour en revenir à la situation préoccupante décrite par le chercheur, à savoir qu’il mange nos lombrics et qu’il ne dispose pas de prédateurs. Cela signifie que 80% de la biomasse de nos sols est menacée ainsi que notre écosystème souterrain.
L : Exactement. Vous le savez. Le ver terre permet l’aération des sols et favorise sa fertilité. L’étude nous apprend également qu’une centaine de bipaliinés ont été recensé un peu partout en France, surtout dans les Pyrénées-Atlantique et les Alpes Maritimes mais également aux Antilles, à la réunion et Mayotte.
A l’heure actuelle et faute d’une étude d’impact impossible de mesurer l’ampleur de la menace. Car si ces vers perturbent l’équilibre écologique en décimant les lombrics, c’est toute la chaîne alimentaire qui serait déstabilisée.
Corentin : Ne sont-ils pas non plus une menace en Asie ?
L : Cela porte moins à conséquence dans la mesure où dans leurs milieux naturels asiatiques les vers de terre locaux bougent très vite et parviennent à s’échapper. Mais ça, c’est grâce à une cohabitation de plusieurs millions d’années.
Et rien de tel pour nous pauvres vers de terre qui ne bougent pas devant cette menace d’un genre nouveau. Une menace qu’ils ne comprennent pas.
Corentin : Comment s’y prend-il d’ailleurs pour manger les vers de terre.
L : Il va se jeter sur sa proie puis il va introduire sa neurotoxine de sorte à paralyser le ver. Et il va ensuite le manger entièrement puisqu’il est capable de manger des proies beaucoup plus grosses que lui.
Si vous taper bipalium worm dans votre moteur de recherche, vous allez tomber sur une vidéo qui date avril 2012 et où l’on voit comment il procède. C’est assez impressionnant.
Corentin : Quelle est donc la marche à suivre pour lutter contre cette invasion ?
L : L’étude parue il y a peu sous la direction de Jean-Lou Justine se voulait sensibilisante afin de prévenir les autorités et le public du potentiel danger que représente ces vers asiatiques.
Il préconise également d’inscrire ces espèces au niveau national mais surtout européen parmis les espèces exotiques envahissantes. Et en France cela peut se faire par arrêté ministériel.
Et de cette catégorisation découlent tout un tas de stratégies d’action visant à protéger la biodiversité, ça va de la surveillance, à l’implantation d’un prédateur, ou le droit à l’extermination entre guillemet.
Mais si vous désirez aller plus loin, vous pouvez visionner une conférence qui date de mars 2018 publiée par le muséum d’histoire naturel de Paris sur sa chaîne. Une conférence orchestrée par Jessica Thévenot, l’une des auteur.e.s de l’étude, avec pour problématique “Quelles actions pour quels objectifs ?”.
Corentin : La vigilance est donc de mise pour ces vers envahisseurs. Merci Laura pour le résumé. On se retrouve très vite.
Venu d’Asie pour manger les lombrics, gare au ver déter !
Vous ne le voyez pas et pourtant, il est déjà parmi nous depuis vingt ans et fait de nombreux ravages. Le ver de terre asiatique est en train de bouffer nos bons vieux lombrics et c’est un vrai problème ! On creuse le sujet de cette véritable guerre souterraine avec Laura Aupiais.
0:00
7:29
Vous êtes sur une page de podcast. En cas de difficulté pour écouter ce document sonore, vous pouvez consulter sa retranscription rapide ci-dessous.