Corentin : On a un peu tendance à l’oublier parce que Netflix sort de nouveaux contenus à tour de bras, mais Amazon, en plus d’être le premier site de vente en ligne du monde, est également producteur de contenus audiovisuels. Parmi les programmes conçus ou diffusés exclusivement par la plateforme Prime Video, on trouve les séries Madame Maisel, femme fabuleuse, Bosch ou encore Mac Mafia. Et c’est d’un des programmes distribués en exclusivité sur cette plateforme que tu viens nous parler aujourd’hui, Thomas.
Thomas : Salut Corentin. Effectivement, aujourd’hui, je vous parle d’une série diffusée dans le monde par Amazon, à l’exception des Etats-Unis où c’est la chaîne Starz qui s’occupe de la distribution. Il s’agit d’American Gods, dont la deuxième saison a commencé à être diffusée en mars 2019.
Corentin : Donc à l’heure où nous enregistrons cette chronique cette nouvelle saison est encore toute fraîche. Bon, comme d’habitude, on va commencer par le plus évident : de quoi ça parle, American Gods ?
Thomas : Il s’agit de l’adaptation du roman fantastique éponyme, best-seller de l’auteur britannique Neil Gaiman, initialement publié en 2001 et disponible en français au Diable Vauvert.
Le pitch de départ est simple : Ombre, joué par Ricky Whittle, ancien prisonnier, est libéré avec quelques jours d’avance de la peine qu’il purgeait pour assister aux funérailles de son épouse, Laura, interprétée par Emily Browning.
Corentin : Ah oui, tragique.
Thomas : Ah, c’est sûr, j’ai pas dit que c’était franchement rigolo. Alors qu’il se rend sur le lieu de la sépulture, Ombre fait la rencontre d’un homme mystérieux qui se fait appeler Voyageur, joué par le très charismatique Ian McShane. Ce dernier lui propose ni plus ni moins de devenir son homme de main. Ombre, d’abord hésitant, va finalement accepter de suivre cet étrange personnage. Une quête mystique étrange va conduire les deux hommes à travers les Etats-Unis. Peu à peu, Voyageur va révéler à Ombre son grand projet.
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Qu’est-ce qu’un dieu ? Pouvons-nous affirmer qu’ils existent ? Les hommes croient en quelque chose. Ce qui veut dire qu’ils sont réels ! Mais qu’est-ce qui a existé en premier : les dieux ou les hommes qui croient en eux ?
Corentin : Houlà. C’est quand même un peu ésotérique, ton histoire. Qu’est-ce que les dieux ont à faire dans tout ça ? Parce que si le son qu’on vient de diffuser en parle, ton pitch n’évoque rien sur cette question.
Thomas : Oui, au départ, c’est pas clair, mais c’est fait exprès. Car Voyageur veut conserver Ombre - et au passage le lectorat - dans le flou. Mais au fur et à mesure, on comprend qu’Ombre va devenir la pièce maîtresse d’une guerre secrète entre les anciens et les nouveaux dieux.
Corentin : Les anciens et nouveaux dieux ? Peux-tu être plus explicite ?
Thomas : Bien sûr ! D’un côté, il y a les anciens dieux : Bilquis, Anubis, Vulcain… qui sont arrivés en Amérique au fil des millénaires, via les différentes vagues de migrations que ce territoire a connu.
Corentin : Attends, Anubis, c’est bien le dieu égyptien associé aux rites funéraires, non ? Comment est-ce qu’il se retrouve aux Etats-Unis ?
Thomas : Ah mais tu ne connais pas les théories, plus ou moins fumeuses, qui attestent de voyages vers le nouveau monde bien avant les Vikings ? Je t’invite à lire Les Cartes de Christophe Colomb, une des nombreuses aventures de Picsou écrites et dessinées par Keno Don Rosa pour en découvrir certaines. Et, oui, quelques personnes affirment que des anciens égyptiens sont allés en Amérique. Et ces anciens égyptiens auraient également emmené leurs dieux, qui sont depuis restés sur place. L’arrivée de nouveaux dieux est d’ailleurs représentée dans des séquences intitulées “Il était une fois en Amérique”, où l’on suit des Vikings en 813, des esclaves ouest-africains en 1697 ou encore une jeune irlandaise au XVIIIe siècle.
Corentin : OK, ça c’est pour les anciens dieux, mais quid des nouveaux ?
Thomas : Les nouveaux dieux sont ceux vers quoi les humains se sont tournés au fil du temps, à mesure que les croyances anciennes perdaient de leur puissance et que la science l’a emporté sur la religion. Parmi ces nouveaux dieux, on a Monsieur Monde, qui représente la mondialisation, interprété un Crispin Glover terrifiant, ou encore Media, habitée par la fantastique Gillian Anderson dans la première saison, et qui est remplacée par Kahyun Kim dans la deuxième.
Et donc les anciens dieux déliquescents, menés par Voyageur, se préparent tout au long de la première saison à affronter les nouveaux dieux. C’est très bien représenté par le superbe générique qui ouvre la série, utilisant des iconographies religieuses et mythologiques classiques, avec un ménorah, un crucifix ou une tête de Gorgone, le tout mêlé d’éléments à la gloire de l’aéronautique, des drogues ou de la robotique.
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Au milieu de tout ça, le pauvre Ombre essaye de relier les points. Ah, et aussi, Laura, l’épouse défunte d’Ombre, est revenue d’entres les morts, et cherche à retrouver son mari.
Corentin : Oui, donc mon opinion initiale n’a pas changé : c’est un sacré bazar cette série.
Thomas : Oui mais c’est ça qui est bien. La série réalise le défi pourtant pas gagné d’adapter plutôt fidèlement un roman gigogne avec une multitude d’intrigues plus ou moins rattachées entre elles. D’autant plus que la série a connu plusieurs development hells depuis son annonce en 2011, à savoir des périodes de grosse incertitude, où le projet change de mains, et où les équipes changent sans cesse. Mais bon an mal an, une première saison est livrée en 2017, et une seconde aujourd’hui.
Corentin : Et est-ce que ça vaut le coup ?
Thomas : Un peu mon neveu. Outre une histoire fantastique - certains diront même gothique - prenante, American Gods pose une multitude de questions de société. Par exemple, à quoi croient les étatsuniens, dont la culture domine le monde depuis plus de 60 ans ? Comment les Etats-Unis, pays neuf par rapport à ce que l’on appelle le vieux monde, se construit une histoire au gré de ses migrations ? Pourquoi est-ce nous, en tant qu’êtres humains, avons-nous besoin de croire en quelque chose, qu’il s’agisse de dieux ou de la science, par exemple ? Comment est-ce qu’une culture construit son histoire ? Ou encore comment le processus d’acculturation peut amener à des résistances, comme le décrit ici Anansi, un dieu originaire d’Afrique de l’ouest :
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Nous nous sommes battus depuis que les Portugais ont envahi la Côte de l’Or du Ghana. On est restés en guerre. Et ce n’est pas parce que nous sommes peu et qu’ils sont nombreux que ça veut dire que nous sommes perdus.
Si les différents jeux d’acteurs sont vraiment très bons et que les histoires tiennent la route, on pourra cependant reprocher parfois des choix esthétiques parfois douteux, à la limite du psychédélisme, ainsi qu’une violence exacerbée. Je pense à une scène où un type a son squelette littéralement éjecté de son corps, laissant place à une pluie de sang et de chair tout à fait délicieuse.
Corentin : Oui, mais bon, après tout, on parle de violence divine, c’est compréhensible. Ils ne vont pas se contenter de pichenettes sur le front. Bon, du coup, que faut-il attendre de cette deuxième saison ?
Thomas : Si la première saison posait les bases et nous faisait entrer peu à peu dans un monde fantastique, cette deuxième phase devrait voir l’affrontement plus direct entre anciens et nouveaux dieux. Voyageur réunit ses troupes, et Monsieur Monde ne veut pas lui laisser l’occasion de se rebeller. Donc de la bagarre, toujours plus de mystique, et aussi l’introduction d’un personnage du livre que l’on attend tous : Sam, une jeune femme qui va accompagner Ombre à travers l’Illinois.
Après, je dois te l’avouer, je vais regarder cette nouvelle saison avec un oeil particulièrement attentif, puisque dès le début de sa production, les créateurs originels sont partis, alors qu’ils n’avaient écrit que la moitié du scénario. Et on regrette que Gillian Anderson et Kristin Chenoweth ne fassent plus partie du casting. On va bien voir si leurs successeurs ont été à la hauteur de la première saison.
Corentin : Dans tous les cas, on le rappelle : la saison 2 d’American Gods a débuté le 11 mars, sur Prime Video si vous vivez en dehors des Etats-Unis. Un nouvel épisode sort tous les lundis. Il y aura combien d’épisodes en tout ?
Thomas : Il y en aura 8. Et j’ignore si c’est la dernière saison ou s’il y en aura une troisième qui servira de conclusion. J’imagine que tout dépendra de la réception des spectateurs.
Corentin : C’est bien noté. Merci Thomas, et à bientôt !
Thomas : A bientôt !
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