Avec Maniac, Netflix sert une de ses meilleures séries, où l’émotion psychédélique se prend à l’état pur
Morgane : Aujourd’hui Corentin, on va parler d’une série sortie fin septembre sur Netflix. Si vous ne l’avez pas encore regardée, il est temps de vous y mettre. Un indice chez vous :
EXTRAIT 1
“Maniac”
Corentin : Euh, c’est une série sur … la danse ?
M : Alors pas du tout. Il s’agit de Maniac, mini-série de 10 épisodes de 50 minutes chacun, réalisée par Cary Joji Fukunaga, dont je reparlerai un peu plus tard. Au casting, un trio de tête de choc : Emma Stone (faut-il encore la présenter, elle a été notamment la star de La La Land il y deux ans), Jonah Hill - connu avec la comédie pour ados Supergrave, il s’illustre depuis dans des rôles adultes et déjantés, comme dans Le Loup de Wall-Street) et Justin Théroux, notamment remarqué ces dernières années dans l’incroyable série The Leftovers.
C : Et ça parle de quoi alors, Maniac ?
M : Adaptée d’une version originale norvégienne, la série s’intéresse à un laboratoire pharmaceutique expérimentant un médicament censé guérir des traumatismes. Annie Landbergh, aka Emma Stone, et Owen Milgrim, aka Jonah Hill, sont deux cobayes venant de milieux complètement différents. Annie est addict à une substance contenue dans ce médicament. Owen est un schizophrène paranoïaque qui ne trouve pas sa place dans famille de bourgeois blonds très angoissante.
C : Et comment ça marche, Jamy ?
M : On prend une pilule différente pour chacune des trois étapes, qui font à chaque fois plonger dans le sommeil. La première fait revivre son pire souvenir, la seconde vous balade dans des rêves étranges et la troisième doit vous amener au dénouement. Pilotée par une intelligence artificielle, l’expérience vire rapidement au bad trip.
EXTRAIT 2
C : Ça m’a l’air très perché ton histoire.
M : Et ça l’est ! La dystopie saupoudrée de science-fiction angoissante est l’un des domaines de prédilection de Netflix. Et quand on regarde Maniac, on a d’ailleurs l’impression de voir un long épisode de Black Mirror, où le futur rime quasiment toujours avec l’horreur. Owen et Annie vivent dans un New York qu’on a du mal à situer dans le temps. Il y a des bâtiments et néons façon Blade Runner, mais des ordinateurs très datés rappelant le Minitel. Owen habite dans un minuscule studio qui a plus l’air d’un placard aménagé, occupe un poste de bureau sans but ni intérêt. De son côté, Annie vivote et se tient le plus à l’écart possible des autres. La solution à la solitude ? Louer un ami.
C : Effectivement, ça ne fait pas rêver. Le pari de Maniac, c’est de balader ces deux personnages dans différents mondes et époques.
M : Lorsqu’ils prennent le deuxième médicament, Owen et Annie sont plongés dans un profond sommeil hallucinatoire, censé être thérapeutique. Dans ces rêves artificiels, générés par une machine, ils deviennent d’autres personnes avec une autre personnalité et surtout, ils n’ont pas conscience d’être dans un rêve. Dans l’un d’eux, ils forment un couple kitsch des années 80, essayant de récupérer un lémurien volé par un magasin de fourrure. Dans un autre, on les retrouve dans une fête guindée des années 30 qui rappelle Gatsby le Magnifique. Les rêves d’Annie la transportent même jusque dans un univers d’heroic-fantasy.
EXTRAIT 3
C : Sauf que ces deux beta-testeurs oniriques se retrouvent dans les mêmes rêves, ce qui n’est pas censé arriver.
M : À cause de sa paranoïa, Owen est persuadé qu’il s’agit d’un signe du destin. À la base réticente, Annie finit par être troublée de ces rêves communs, que l’équipe en charge de l’étude n’arrive pas à empêcher. Ce processus a été inventé en partie par le megalo Dr. James K. Mantleray, joué par Justin Théroux, ridicule avec sa moumoute grossière. Il est assisté du Dr. Azumi Fujita, jeune scientifique à l’éthique forte, jouée par Sonoya Mizuno. Avec sa diction ultra rapide et ses cigarettes fumées au kilomètre, elle est magnétique.
C : Mais est-ce qu’on ne se perd pas un peu dans tout ça ?
M : Par moment, oui. Pas pendant la première phase du test, qui fait rapidement la lumière sur ce qui les a amenés à participer. Je ne dirais rien pour ne pas spoiler, mais dans les deux cas, c’est tragique. Par contre, on est perdu face aux rêves délirants d’Owen et Allie, parce qu’on n’en comprend pas de suite l’intérêt. Mais petit à petit, on se rend compte que chaque rêve, chaque nouveau personnage, est une pièce d’un puzzle qui dépasse Owen et Annie. ll ne faut donc pas se décourager, et la regarder jusqu’au bout. D’autant que plus on avance, plus on se prend d’empathie pour les deux cobayes et les histoires affreuses qu’ils essaient de laisser derrière eux.
C : Si comme ça, l’histoire vous paraît quand même trop perchée pour donner sa chance à Maniac, laissez-vous séduire par son réalisateur, Cary Joji Fukunaga.
M : C’est à cet Américain d’origine japonaise de 41 ans que l’on doit la première saison de True Detective, la série policière la plus inventive des dix dernières années. Elle s’est distinguée par son storytelling et une photographie superbe. Dans Maniac, on retrouve ce sens de l’esthétique poussé jusque dans le détail, avec un croisement entre Blade Runner et Twin Peaks. C’est par ailleurs Cary Joji Fukunaga qui réalisera le prochain James Bond, en salles le 14 février 2020.
C : Maniac offre une lecture d’un thème compliqué : la gestion du traumatisme.
M : Comment s’en remettre pour faire la paix avec soi-même et enfin, retourner à la réalité ? Mais d’ailleurs, faut-il s’en débarasser ? Ici, la solution proposée est médicamenteuse et technologique. C’est une utopie, un peu comme celle proposée dans le film Eternal Sunshine of the Spotless Mind, où l’on peut faire effacer des souvenirs. S’il n’est pas question d’oublier dans Maniac, la conclusion est la même : nos angoisses et erreurs sont aussi ce qui nous rend profondément humains.
C : Maniac est disponible sur Netflix. Merci Morgane Giuliani et à très vite !
Avec « Maniac », l’émotion psychédélique se prend à l’état pur
Dans la mini-série « Maniac », Emma Stone et Jonah Hill se shootent, mais c’est pour la science. Cela donne un patchwork délirant d’univers psychologiques et oniriques. Et ce n’est pas pour déplaire à Morgane Giuliani de « Marieclaire.fr ».
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