C : L’hexagone commence à être l’un des nouveaux terrains de Netflix. Sa première série originale française a été Marseille, qui a reçu des critiques très... contrastées. Pour sa nouvelle réalisation, le géant du streaming mise cette fois sur une comédie romantique se déroulant à Paris, avec Plan Coeur, disponible le 7 décembre. Morgane Giuliani l’a regardée pour nous, bonjour Morgane !
M : Bonjour Corentin, et bonjour à toutes et à tous ! Plan Coeur, c’est une première saison de 8 épisodes de 25 minutes chacun, et ça se regarde sans voir le temps passer. Et pourtant, il y avait de quoi s’inquiéter face au four des comédies romantiques originales que Netflix a lancées en France en 2018. Plan Coeur vient réhausser la barre. Le pitch : Elsa, l’héroïne principale, est terrifiée depuis qu’elle s’est fait larguer assez salement deux ans plus tôt, mais reste une inépuisable romantique. Ses deux meilleures amies, Émilie et Charlotte, désespèrent de la voir seule. Émilie décide alors, en secret, de lui payer un prostitué, ou un pute, comme on dit dans la série, pour la draguer, coucher avec elle, bref, lui redonner confiance en elle. Bien sûr, c’est le début des problèmes lorsque Charlotte est mise dans la combine, et que les sentiments viennent s’en mêler.
EXTRAIT 1
C : Plan Coeur a été scénarisé et co-réalisé par Noémie Saglio, co-créatrice de la pastille Connasse.
M : On vous en a déjà parlé plusieurs fois de cette fameuse pastille tournée en caméra cachée, diffusée sur Canal Plus il y a quelques années. Elle a permis de changer, moderniser, la représentation du cliché de la femme parisienne sur le petit écran, et de révéler Camille Cottin, aussi vache qu’hilarante en connasse qui se permet tout. L’idée de Plan Coeur vient de Chris Lang, auteur et scénariste britannique. Noémie Sagliot et Julen Teisseire n’en ont gardé que l’essentiel : deux amies qui paient un prostitué à leur copine. Noémie Saglio a ensuite puisé en grande partie dans son vécu, et celui de ses amies, pour façonner Elsa, Émilie et Charlotte, trois héroïnes dans l’air du temps.
C : Elles n’ont pas du tout la même vision de l’amour.
M : Ça offre un spectre assez large et représentatif des quelques plus courantes “cases” dans lesquelles on peut ranger les trentenaires d’aujourd’hui. Elsa, c’est celle qui est perdue face à une consommation de l’amour à haute vitesse, et continue de rêver de LA grande rencontre qui changera sa vie. Mais en même temps, elle ne peut s’empêcher de stalker son ex et sa nouvelle copine, pour laquelle il l’a quittée, sur les réseaux sociaux. Émilie est en couple avec Antoine depuis à peu près la nuit des temps, et est enceinte de lui. Le couple est une période de flou où se pose la question : que faire maintenant ? Faut-il se marier, par exemple ? Charlotte, de son côté, est allergique à la notion d’engagement, et préfère les histoires sans attaches. Entre ces deux amies aux opinions radicalement différentes, Elsa est perdue. Emilie, pourtant casée depuis des lustres, estime qu’elle n’a pas besoin d’un mec pour réussir sa vie, tandis que Charlotte, la célibataire épanouie, pense qu’il lui faut plus de rapports sans lendemain. Un joli paradoxe, qui renvoie chacune à ses propres peurs.
C : Devant ces trois meufs, on voit une belle tentative de représenter une certaine frange des “Parisiennes d’aujourd’hui”. Les créateurs revendiquent d’ailleurs la tentative de faire une série générationnelle.
M : Et c’est réussi. Branchées, débrouillardes, indépendantes, passionnées, qui ont de la gouaille et n’ont pas peur de l’affrontement : Elsa, Charlotte et Emilie vous rappelleront forcément des femmes de votre entourage. On le doit aussi à un casting de haute volée : Zita Henriot, César de la révélation féminine pour Fatima, incarne une Elsa aussi à côté de la plaque qu’attachante. Émilie est jouée par la comédienne et humoriste Joséphine Draï, que l’on découvre dans un registre beaucoup plus cinglant, et ça lui va très bien. Enfin, c’est la solaire Sabrina Ouazani qui donne vie au tourbillon Charlotte. Révélée en 2004 dans L’Esquive, d’Abdellatif Kechiche, elle s’est depuis spécialisée en comédie, et ça lui réussit. L’alchimie entre les trois actrices donne tout son sel à Plan Coeur. Quand elles se marrent, et encore plus, quand elles s’engueulent, on y croit, et on s’y voit.
EXTRAIT 2
C : Cependant, il serait caricatural de résumer Elsa à une Bridget Jones.
M : L’analogie est tentante, mais beaucoup trop réductrice. Et je dis ça avec toute l’affection du monde pour ce personnage culte. Si Bridget Jones est complexée à certains égards, notamment par son “poids” (un bon vieux ressort comique des années 90-2000 qu’on traîne encore un peu dans la popculture), elle sait, tout de même, qu’elle plait aux hommes, et quoi faire pour leur plaire. C’est une dragueuse qui n’a pas peur d’y aller franco. Elsa, de son côté, est non seulement complexée, mais aussi, très réservée. Elle vit chez son père depuis qu’elle s’est faite larguer, et n’ose plus draguer, ni même, se faire draguer. Elle ne se voit pas comme une “célibatante”, un autre type de personnage déjà vu maintes fois, mais comme une jeune femme sensible, qui veut du sens, de la grandeur, et se sent tétanisée par les déceptions qu’elle a connues. Mais sa vie ne se résume pas non plus à ses amours. Elle est tout aussi frustrée par son travail à la Mairie de Paris, où elle ne se sent pas assez utile, et complexe face à sa soeur, qui semble mieux réussir sa vie.
C : Jules, le gigolo embauché pour lui “redonner confiance en elle”, perd tous ses repères face à cette jeune femme imprévisible et anxieuse.
M : Jules sait séduire, combler. Il sait quels mots avoir, quel regard porter, pour donner l’illusion. Il sait laquelle de ses clientes a plutôt besoin de sexe, ou de discussion. Bref, il excelle dans son job. Mais face à la candeur et l’humour souvent hors-propos d’Elsa, il est désarçonné. La jeune femme, mal dans sa peau et prompte à la dérision, ne s’en laisse pas facilement compter, et il lui faut sortir des sentiers battus pour lui plaire.
EXTRAIT 3
C : Si les trois héroïnes principales sont réussies, le personnage de Jules apporte de son côté une nouvelle approche de la masculinité.
M : Jules est un gigolo. Le risque, alors, était d’en faire un personnage séducteur à outrance, sûr de lui au point d’en être insupportable, qui manipulerait Elsa pour se la mettre dans la poche. Eh bien pas du tout. Pas une once de masculinité toxique ne sort des pores parfaits de Jules, joué par Marc Ruchmann, qui parvient à être à la fois doux et charismatique. D’ailleurs, le fait de l’appeler “un pute” pendant la série offre un renversement de paradigme sur ce mot, “pute”, employé à tort et à travers, la plupart du temps de manière péjorative.
C : Si je te comprends bien, on regarde Plan Coeur ?
M : Oui ! Surtout si vous cherchez un peu de nouveauté en cette fin d’année. C’est drôle, mais pas naïf. C’est bienveillant, parfois cruel. Ce n’est pas cliché (il n’y a pas de baiser avec la Tour Eiffel qui scintille en arrière-plan). C’est très juste, c’est un très joli début. On espère juste, pour la suite, que des personnages LGBT+ se rajoutent au casting.
C : Plan Coeur débarque le 7 décembre sur Netflix. Merci Morgane Giuliani et à très vite !
Avec sa nouvelle série française, Netflix vise en « Plan Cœur »
Après la très critiquée série « Marseille », Netflix retente sa chance avec une nouvelle production française ! Ça s’appelle « Plan Cœur », c’est une comédie romantique et c’est un grand « oui » pour Morgane Giuliani de « Marieclaire.fr ».
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