Benjamin : Cette chronique est dédiée à l’un des plus grands mystères de notre temps. Qu’est-ce qui constitue qu’une série soit labellisée « Original Netflix » ou pas ? Je ne comprends pas. Dans la version britannique, le film Divines est Original Netflix. Des séries diffusées à la télé sont original Netflix. Cette chronique est-elle un original Netflix ? N’hésitez pas à répondre... en commentaire !!
Corentin : T’as une absence Benjamin, on est pas sur le web. Enfin, si. Enfin bref. Aujourd’hui, tu vas manifestement nous parler d’une série qu’on va trouver sur Netflix.
B : Quelle clairvoyance ! Et même si j’adorerai vous parler de Bo-Jack Horseman, probablement la meilleure série sur Netflix et le meilleur truc que vous pourrez voir sur Netflix, je vais vous parler d’une boooooonne série. Puisqu’elle est écrite par un booooooon showrunner. Derrière Better Call Saul, il y a un mec qui a prouvé l’ampleur de son talent : Vince Gilligan.
C : Nom d’une pipe en bois ! Ne serait-ce pas aussi le créateur de la série Breaking Bad ?
B : Mais alors là ! Mais... euh c’est tout à fait exact ! Breaking Bad a été l’une des séries emblématiques du tournant des années 2010. Après une première saison en pleine grêve des scénaristes d’il y a dix ans, elle s’est imposée comme le fin du fin du thriller sériel, avec Bryan Cranston dans le rôle titre. Bryan Cranston devenu depuis une star de cinéma pour trouzemille films. Tout Breaking Bad est sur Netflix, et je recommande FORT de mater tout ça avant de vous mettre à Better Call Saul - vous verrez les acteurs vieillir naturellement, et vous choperez toutes les petites références de l’une à l’autre. Et sincèrement, Breaking Bad est juste une excellente série dont il est difficile de s’affranchir. J’adore notamment l’art de la chute de Vince Gilligan, la façon qu’il avait de finir ses épisodes. Mais aujourd’hui, on parle de la... préquelle... de Breaking Bad. Mais ce n’est pas un vrai mot du tout. On peut aussi dire préambule, si on parle français, par exemple. Aujourd’hui... on parle de Better Call Saul.
[EXTRAIT 1]
Better Call Saul démarre en 2003, quelques années avant les évènements de Breaking Bad. Dans la saison deux de cette dernière, l’avocat véreux Saul Goodman explose l’écran et devient un personnage iconique. Dans sa série dédiée, il ne s’appelle encore que Jimmy McGill, et bosse dans l’annexe miteuse d’un salon de manucure.
C : Et il s’en est passé des choses en trois saisons !
B : Résumons les choses ainsi. Jimmy est au coeur de plusieurs arcs. De sa relation avec Kim Wexler, une avocate brillante et bien plus stricte et rangée que lui. De sa relation toxique avec son frère, aussi brillant avocat qui n’a jamais cru en lui, et qui pense souffrir d’un trouble d’hypersensibilité aux ondes magnétiques. Oui oui, c’est une véritable storyline.
Enfin, Jimmy peut voir de loin les cartels de drogues dures du nouveau Mexique se tirer la bourre... et parmi eux, le terrifiant Gus Fring, personnage iconique de Breaking Bad. Mais aussi Mike, le grand-papa stoïque et hypercompétent qui n’a pas peur de se salir les mains. Tout ce beau monde est vivant dans Breaking Bad et donc immunisé par définition, mais l’intérêt de la série réside dans la manière qu’ils ont de glisser vers une arrivée qu’on sait déjà. Par exemple, Breaking Bad n’a jamais parlé de la copine ou du frère de Jimmy. Better Call Saul est donc l’enchassement de trois histoires qui courent à la catastrophe par définition... et la saison 3 se termine sur la fin de l’une d’entre elles, avec une maison qui brûle et un personnage principal à l’intérieur.
C : J’ai ouï dire que les deux séries sont très différentes.
B : Avec Vince Gilligan, c’est deux salles, deux ambiances. Better Call Saul c’est une longue colère froide qui explose après épuisement physique et moral de toute personne impliquée. Les scènes d’action sont rares, et quand elles sont là elles font office de surprise et de décalage de ton. Better Call Saul alterne entre l’humour pince sans rire et l’humour jaune, et pas mal d’intrigues psychologiques pas évidentes à regarder.
C : Il va falloir expliquer, c’est un tout petit flou là.
B : C’est important parce que c’est là que réside le jus de la série. Sa substantifique moëlle. Jimmy Mc Gill est un personnage d’une très grande complexité, tiraillé entre son impossibilité de faire les choses de manière carrée et sa capacité à faire souffrir ses proches. Il est intelligent et il se rend compte de tout ça. Et dans Better Call Saul, chaque combat est perdu d’avance, donc plus dure sera la chute. On suit des mensonges qui grossissent, qui grossisent, et qui explosent à la figure de tout le monde à grand coup de manipulation. C’est une très bonne série, mais c’est un peu éreintant.
[EXTRAIT 2]
Et surtout, Better Call Saul c’est une horrible illustration du syndrome d’imposteur, sur laquelle il est toujours très difficile de se projeter puisque la série est moralement ni blanche ni noire, elle est grise. Griiiiiiise. Grise clignotante, grise à paillettes, 300% moralement grise.
C : Ca fait envie, mais c’est un peu repoussant aussi. Je suis un tout petit peu tiraillé...
B : Faut pas, c’est une série d’excellence. Il y a toujours un bon souci de réalisation et d’écriture. Better Call Saul est portée par ses personnages et leur complexité. La série progresse sans doute un peu lentement, dans le sens où il faudra pas 20 saisons pour arriver à boucler la boucle - mais pour l’instant, cette série est toujours aussi puissante. Vraiment très très pessimiste, mais puissante, qui s’est émancipée de son modèle pour imposer ses codes et sa mythologie. C’est très bien.
C : Better Call Saul saison 4, c’est diffusé sur AMC... et pour nos auditeurs en France, on va supposer que c’est la majorité d’entre vous, c’est un épisode par semaine par Netflix, tous les mardi jusqu’en octobre.
B : A la prochaine les loulous !
[FINAL VAPORWAVE]
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