C : Début mai 2019, Netflix, comme à son habitude, publiait une nouvelle série : Dead To Me. Malgré son titre accrocheur qui ferait pâlir les amateurs de films d’horreurs un peu nanars, cette série cache une problématique intéressante : celle de la culpabilité. Angèle Chatelier vous présente ce nouveau feuilleton sur un fond philosophique, vous l’aurez compris.
A : Comment réagir lorsque l’on a tué quelqu’un par accident ? Cette question, que l’on n’aimerait jamais se poser, est au cœur de la nouvelle série Netflix, Dead To Me
(EXTRAIT 1)
Dedans, Jen Harding, interprétée par Christina Applegate perd son mari subitement dans un accident de voiture. Lors d’une séance de thérapie groupée du deuil, elle rencontre Judy Hale. Une femme bohème, bien sous tout rapport. Très vite, les deux jeunes femmes deviennent amies, se soutiennent dans le deuil. Mais très vite, on s’aperçoit que Judy n’est autre que la conductrice de la voiture qui a tué le mari de Jen.
C : Ce qu’elle ignore, évidemment
A : Evidemment. Au-delà de cette série qui se regarde sans trop de difficulté, sans être un chef-d’œuvre pour autant, se cache une réflexion intéressante : celle qui peut naitre autour de la culpabilité. Car Judy se sent coupable. Et puisqu’elle se sent coupable, elle se rapproche de la famille à qui elle a fait des torts. Je me suis donc interrogée à la philosophie du pardon, du deuil et de la culpabilité.
C : Le coupable est celui prisonnier de sa faute
A : Et la culpabilité, c’est ce qui nous pourri la vie : « Ai-je bien agi ? Aurais-je pu faire mieux, autrement ? ». On culpabilise de son action, mais aussi et surtout des conséquences sur Autrui. Quitter quelqu’un, lui faire du mal. Avoir un mot de trop, être agressif sans raison. La culpabilité fait aussi de nous des êtres-humains doués de sensibilités, de sensations. Mais encore faut-il distinguer culpabilité de responsabilité avec une question simple : si l’on est l’auteur d’une action dommageable pour autrui, cela en fait-il de moi nécessairement le responsable ?
C : Par essence oui, non ?
A : Responsable, oui, mais pas nécessairement coupable. Je n’ai pas nécessairement choisi de ne plus aimer l’autre, mais je lui fais du mal quand même. Car entre l’intention et le résultat, un fossé peut se creuser. Dans cette série, le problème n’est pas tant l’accident qu’a causé Judy. Son intention n’était pas de le tuer. Mais se rapprocher de la famille de l’homme qui est passé sous ses roues pour contrer sa culpabilité, c’est son choix. Elle n’est pas nécessairement responsable du tort causé, mais elle est coupable de s’être rapproché de Jen. Vous voyez ?
C : En philosophie, c’est le concept de bonne conscience
A : Une idée reprise par la grande philosophe du XXème siècle, Hannah Arendt. Dans son ouvrage « Eichmann à Jérusalem », elle parle du rapport à la banalité du mal. Juive ayant fui le régime nazi, Hannah Arendt décortique, pousse la réflexion autour du procès d’Eichmann, haut fonctionnaire du 3ème Reich et membre du parti nazi. Très sommairement résumé, elle dépeint un homme, pas un monstre, un homme qui s’est exonéré de toute considération quant aux conséquences de ses actes. Le bon soldat, en somme. Poussé par son parti, ses ordres, Eichmann ne faisait que répondre à ce qu’on lui demandait. En son for intérieur, il ne serait pas coupable.
C : En ce sens, je ne suis pas coupable si je tue quelqu’un parce qu’on me la demandé ?
A : Coupable, je ne sais pas, responsable, oui. C’est là toute la nuance.
Il faut donc maintenant partir de ce concept même de responsabilité. Ne faut-il pas avant tout se sentir responsable pour être libre ?
(EXTRAIT 2)
C : La liberté revient souvent dans tes chroniques
A : Forcément. C’est la base même en philosophie et le cœur de toutes les théories. Ici, il convient de se demander si cesser de se culpabiliser, en s’estimant responsable, ce n’est pas la clé. Ne plus être emprisonné dans sa propre culpabilité, c’est ça être libre.
C : C’est un peu le principe du Mea Culpa
A : Tout à fait. Au lieu de s’entourer des personnes à qui elle a fait du mal, Judy aurait pu faire son mea culpa : se rendre, ou au moins dire qu’elle est responsable de cet acte.
C : Cela implique d’accepter ses actes
A : Et oui… Et c’est pour cela que la lâcheté et fortement présente, même en amour ! Car parfois, aussi, la culpabilité est bien trop lourde à porter. Alors on part du principe que c’est la faute de l’autre, que l’on n’est pas responsable. Qu’on nous a poussés à faire, à ressentir et que nous, pauvres petites choses, nous n’avons pas eu notre mot à dire. Or, comme je l’ai évoqué, souligné, se sentir responsable, c’est avant tout se sentir plus libre. Car être responsable ne veut pas dire que l’on est coupable, plutôt que l’on assume ses actes. Par respect pour l’autre, même, cela tient !
Avec « Dead To Me » on parle d’un acte gravissime mais si vous portez toutes ces réflexions sur l’amour par exemple. Assumer que l’on n’aime plus l’autre plutôt que de rester avec par culpabilité ou pour ne pas lui faire du mal, ne serait-ce pas encore pire, et même, rester enfermé dans sa propre culpabilité, dans sa non-liberté ?
Faire son Mea Culpa permet de sortir de ce sentiment et cela a des bienfaits pour soi, comme pour l’autre. D’ici à ce que nous arrivions à le faire, ce qui n’est pas toujours simple j’en conçois, Dead To Me se regarde comme on boit du petit lait et est disponible dès maintenant sur Netflix.
C : Merci Angèle Chatelier pour ces réflexions. A très vite !
« Dead to Me » : la fête des remords
Début mai 2019, Netflix a commencé la diffusion de « Dead to Me » sur sa plateforme. Cette série aborde sur le ton de la comédie sombre la question de la culpabilité. Il n’en faut pas plus pour qu’Angèle Chatelier enfile son costume de professeure de philosophie ! Alors : êtes-vous plutôt du genre responsable mais pas coupable, ou bien avez-vous tendance à faire votre mea culpa ?
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