#25 GoT
Corentin : Bonjour à tous ! Cette ultime saison de Game of Throne est-elle le chant du cygne des séries feuilletonnantes post années 2000 ? Après 8 saisons de rendez-vous télévisuels hebdomadaires, faits d’intrigues et de batailles épiques, la série semble abdiquer sans réel prétendant au trône. Non sans faire le trait d’union entre deux époques télévisuelles et mode de consommation. Mais que restera-t-il de Game of Thrones, on en parle avec Élodie Carcolse de la Réclame.
Élodie : Salut Corentin, “Valar Morghulis” !
Corentin : “Valar dohaerys”.
Élodie : Tout homme doit mourir et toute chose à une fin : la saga Game of Thrones s’est achevée ce dimanche 19 mai après 8 saisons, 73 épisodes, des millions de fans à travers le monde et des milliards de téléchargements illégaux. La série s’est conclue en apothéose en signant la meilleure audience de son histoire, mais aussi celle de HBO avec 19,3 millions de téléspectateurs, rien qu’aux États-Unis.
Corentin : C’est plus que The Big Bang Theory dont le dernier épisode diffusé jeudi 16 mai dernier a rassemblé 18 millions de téléspectateurs.
Élodie : Pour en revenir à Game of Thrones, fichtre que cette conclusion - ou trahison dirons d’autres - fut chahutée. Une pétition draine déjà plus d’un million de signataires pour demander à HBO de réécrire la saison 8. L’émotion suscitée par sa diffusion se comprend aisément puisque Game of Thrones est LA série la plus populaire de l’histoire de la télévision et l’un des plus grands phénomènes culturels de notre époque. Eh oui rien que ça. Combien d’entre nous ont trépigné d’impatience devant ce générique ?
Extrait https://www.youtube.com/watch?v=D3z12372SkI
Élodie : Sur le papier, la série accumule toutes les tares de la série de niches et n’a rien pour satisfaire la culture de masse : adaptation d’une saga littéraire d’heroic fantasy, avec dragons, personnages à la tonne, intrigues politiques et stratégies militaires déployées pendant de longues minutes de dialogue... Et pourtant, depuis son lancement par HBO le 17 avril 2011 et en 8 saisons, Game of Thrones s’est imposée comme un phénomène planétaire sans équivalent sur les deux dernières décennies.
Corentin : Oui, rappelons que Netflix n’arrive en France qu’en septembre 2014. Les plateformes de streaming et de SVOD explosent en même temps que les internautes succombent à un autre mode de consommation en ligne.
Élodie : Exactement. À cette époque pas si lointaine, les dimanches soirs sont des rendez-vous télévisés et Game of Thrones domine tous les aspects des médias sociaux américains, et internationaux. D’après HBO, les épisodes de la saison 7 ont été regardés par plus de 30 millions de personnes, rien qu’aux États-Unis. Autrement dit beaucoup plus. Ses codes, son univers et son langage sont partout… Les gifs, memes et vidéos issues de GoT inondent la toile décuplant la frénésie suscitée par la série-phénomène. Si bien que Game of Thrones aura sa propre convention, une exposition officielle internationale et tous les produits dérivés qui vont avec, faisant d’elle une marque très lucrative.
Corentin : Oui, d’après le New York Times, la franchise rapporte un milliard de dollars par an à HBO, et autant de téléchargements illégaux à la fin de sa diffusion lors de l’été 2017. Et GoT est aussi la série la plus récompensée des Emmy awards, avec trente-huit prix.
Élodie : La série a les moyens de ses ambitions, c’est à dire des moyens inégalés – 15 millions de dollars pour chacun des six épisodes de la saison 8. (L’ensemble de la saison 7 avait déjà coûté 100 millions.) Mais plus encore que les chiffres vertigineux, la série aura fait le trait d’union entre deux ères télévisuelles radicalement différente : celle de l’âge d’or des années 2000 et des séries “à la Lost”, (dont la fin suscita également la polémique), et le Nouveau Monde de Netflix avec sa diffusion par saison et sa culture du binge watching.
Corentin : On imagine mal une chaîne ou une plateforme se lancer dans une telle production aujourd’hui avec la concurrence apportée par les plateformes et leur contenu déversé quasiment en continu.
Élodie : Effectivement. Son mode de diffusion hebdomadaire lui a permis de conserver toute la richesse narrative du feuilleton, de façonner des personnages puissants et atypiques, aux dialogues ciselés et de mûrir des retournements de situations fédérateurs devenus cultes, la mort de Ned Stark ou le fameux épisode Les Noces Pourpres. Pas besoin d’images pour s’en rappeler. Le son suffit…
Extrait : https://www.youtube.com/watch?v=ZnxvUuSzbMI
Dans le même temps, Game of Thrones a préparé le terrain à Netflix & Co. Ce basculement d’un écosystème à l’autre se reflète également dans Game of Thrones. À mesure que les créateurs du show, David Benioff et Daniel Weiss, prenaient la main sur l’évolution de l’histoire, la narration s’est faite plus directive. Comprendre, il va falloir penser à conclure. Les scénarios ont perdu en richesse et cohérence, l’écriture est devenue plus légère, rapide et les rebondissements se sont enchaînés jusqu’à l’absurde.
Corentin : On est passé d’une série qui se savoure sur la durée et dans l’attente, à un objet télévisuel qui doit intégrer autant d’action et de spectacle que possible dans des délais toujours plus courts en somme. Une étape supplémentaire vers notre conversion au binge watching.
Élodie : Exactement. Game of Thrones restait un rendez-vous incontournable à ne pas surtout pas manquer. Celui pour lequel, à l’instar du Super Bowl et autres grands événements populaires, on est prêt à se coucher tard, ou se lever tôt dans mon cas, pour vibrer ensemble. Tout, plutôt que risquer de se faire divulgâcher (dédicace) en ligne ou à la machine à café et ainsi manquer l’émulation collective suscitée par sa diffusion. Il y avait un aspect fédérateur évidemment qui a tendance à se dissoudre.
Corentin : Un aspect fédérateur que l’on retrouve au cinéma avec la sortie des grandes franchises et sagas comme Avengers, Star Wars et Co.
Élodie : En effet. Game of Thrones, c’est la dernière grande messe télévisuelle d’une époque qui tend vers l’individualisation. Des modes de consommation notamment. Netflix en est l’exemple parfait avec son algorithme de recommandation et ses images d’illustration personnalisée pour appâter le chaland devant son écran. GoT a entériné le sacre du petit écran avant la multiplication des plateformes et leur flot ininterrompu de contenus à consommer frénétiquement.
Paradoxalement, avec son succès quasi universel, son influence culturelle majeure et son marketing de génie, Game of Thrones a propulsé la télévision de masse, avant que celle-ci ne la dépasse. À ce titre, la saga est certainement le dernier râle d’HBO. La chaîne câblée a produit parmi les séries les plus emblématiques des années 2000, de The Wire en passant par Les Sopranos ou Sex & The City.
Corentin : Ahlala c’était l’âge d’or de la télévision. Une page se tourne pour la chaîne aussi, non ?
Élodie : Avec l’arrivée de nouveaux acteurs : Hulu, Disney, Apple, etc., le secteur est devenu ultra compétitif, Netflix produit à un rythme effréné et HBO, comme tous les autres, est sommé de suivre la cadence. La chaîne a toujours privilégié la qualité à la quantité et a pris un risque considérable en lançant GoT, considéré comme amoral à sa sortie à cause des nombreuses scènes de violences, notamment sexuelles. Aujourd’hui, qui pourrait reprendre ce flambeau ?
Corentin : Oui que ce soit du côté des plateformes de SVOD ou des chaînes de télévision, aucune autre série n’a l’envergure de Game of Thrones.
Élodie : C’est bien simple, il n’y a aucune relève en vue et il est peu probable qu’elle arrive un jour, le soufflé Westworld est retombé après seulement deux saisons. On mesure l’impact d’une série au vide qu’elle laisse derrière elle une fois terminée. Un grand vide donc. Et pas mal de nostalgie de voir s’éteindre le dernier dinosaure télévisuel de notre époque.
Corentin : Et pour ceux qui auraient déjà le GoT Blues, sachez que pas moins de 5 projets de spin off sont d’ores et déjà lancés et le tournage du pilote de l’un d’eux a déjà commencé. Merci Elodie de nous rappeler ce temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître et à la prochaine !
« Game of Thrones » : la série aux dragons est-elle le dernier dinosaure des feuilletons à l’ancienne ?
Après huit ans, la saga « Game of Thrones » touche à sa fin. À l’heure de Netflix et du « binge watching », est-ce que les séries diffusées une fois par semaine, à heures fixes, ne sont pas derrière nous ? On se pose la question avec Élodie Carcolse de « La Réclame ».
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