*Ambiance hopital*
Benjamin : poussez-vous ! Cet homme est blessé ! Il a déjà perdu 5k de sangs ! Apportez le chariot de trachéo, préparez un bloc, et souquez les artimuzs ! Hissez la grand voile !
Corentin : Oh, c’est le docteur Benjamin Benoit, le meilleur docteur-chroniqueur de tout Seattle. Il paraît que ses introductions sont particulièrement fameuses. Docteur, aujourd’hui je dois le dire... je me languis de vous depuis que vous êtes revenus d’Irak !
B : Hélas, notre amour est impossible... je suis enceinte, j’ai quinze tumeurs, et l’hôpital est en feu ! C’est n’importe quoi la sécurité ici !
C : ... voilà. Ca c’est grosso modo le résumé de Grey’s Anatomy. Et je sais que tu es particulièrement accro à cette série, tu pourrais nous dire pourquoi ? Ca commence à durer cette histoire.
B : Yé. Grey’s Anatomy est le dernier reliquat de cette fameuse saison 2004-2005 de la chaîne ABC, la série a très largement survécu aux trois autres fictions de cette rentrée dantesque qui a vu naître et mourir Lost, Desperate Housewives et Docteur House. Et à cette rentrée, à l’automne 2018, Grey’s Anatomy va entamer sa quinzième saison. Selon toute vraisemblance, et surtout selon la fameuse productrice Shonda Rimes, cette quinzième mouture sera l’avant-dernière ou l’antépultième.
C : Ca ne s’arrêtera donc jamais ? Urgences c’était beaucoup moins long.
B : Eh ben calmez votre impatience, monsieur, parce que je vous ferait remarquer qu’Urgences a été diffusé de 94 à 2009, soit 15 saisons. La série a 331 épisode, soit actuellement 15 de plus que Grey’s Anatomy. Et que je sache, Urgences (ou The ER) a toujours été une série respectable et respectée. On peut commencer en disant que Grey’s Anatomy ben c’est le nouveau Urgences et oui, moi aussi je suis étonné d’apprendre que les deux ont cohabité pendant 5 ans.
[EXTRAIT SONORE 1]
C : Ce qui appelle une question évidente : qu’est-ce qui fait autant durer ces séries médicales ?
B : Des mécaniques sérielles toutes simples. On va revenir en 2004, dans un pilote diffusé une belle soirée d’été 2006 sur TF1. Meredith Grey, fille de la talentueuse Ellis Greys, rentre en première année d’interne de chirurgie. Elle fait la connaissance d’autres internes, de Christina, Alex, Georges et Izzie. Hey, si on en fait un acrostiche, ça fait MAGIC ! Et là il se passe plein plein plein plein PLEIN de trucs. Quatorze ans plus tard, seulement Alex et Meredith sont toujours là et toujours en vie, et 80% du casting a changé. C’est ça le secret de longévité de Grey’s Anatomy. Comme Urgences, son casting change et évolue au fil des ans.
C : Ca ne devrait pas être une surprise pour personne d’ailleurs. Parce que chaque année, vers mars, on sait toujours quels contrats d’acteurs s’arrêtent ou qui va quitter la série.
B : Oui il y a une culture du spoiler très bizarre autour de cette série. On apprend toujours les gros évènements de fin de saison sur Allociné avant de les voir dans la série et tout le monde accepte ça tacitement, c’est très bizarre. Contrairement à Urgences, qui malgré cette histoire d’hélicoptère est toujours resté très soft - le Seattle Grace Hospital devient le pire hopital du monde quand la fin de saison s’approche.
C : Je me souviens vaguement d’une fusillade, d’un incendie...
B : D’un accident d’avion, d’une bombe, de plusieurs pannes d’électricité, bref certains personnages ont été évacués d’une manière un peu improbable. J’ai toujours une pensée pour Bambi, les fans de la série me comprendront. Aujourd’hui, Ellen Pompeo, l’interprète de Meredith, a 48 ans. Elle a six ans de plus que le personnage. Et le personnage, aujourd’hui elle possède l’hopital, a gagné le Prix Nobel local, mais son mari le docteur Mamour est au cieux depuis quelques saisons déjà... par contre, Patrick Dempsey, l’acteur, vient de gagner les 24 heures du mans coté amateurs. THE MORE YOU KNOW.
C : Effectivement. Je me sens tout de suite plus instruit. Mais peux-tu nous dire pourquoi c’est bien, Grey’s Anatomy, du coup ?
B : Ahbahçaavecplaisir. Si je t’ai parlé de ces séries d’ABC, c’est aussi parce qu’elles incarnaient toutes une forme de fraîcheur et qu’elles veillissent toujours bien. Regardez un Lost aujourd’hui, même un des débuts... ça passera toujours plutot bien ! Grey’s Anatomy c’est pareil. La formule est très simple. Des patients arrivent, leurs cas raisonnent avec l’éternel drama qui occupe les personnages, si c’est personnel : les patients meurent, c’est aussi simple que ça. Ils couchent tous entre eux, ils se mettent ensemble, ils se séparent, ils se remettent ensemble selon les désirs sadiques des scénaristes. Eeeeet... il y a quand même une certaine rigueur derrière. La série a eu ses hauts, ses bas, ses re-hauts, ses-rebas. Et la saison 14 vient de finir sa diffusion sur TF1, le season finale livré deux semaines après sa version américaine, ce qui est foufou pour les standards TF1. Cette saison 14 était particulièrement... bonne. Le pire ennemi de Grey’s Anatomy, c’est...
C : Ah moi je sais ! Les effets spéciaux et les fonds verts. Tu râles toujours dessus.
B : Ils sont particulièrement abominables, mais le pire ennemi de Grey’s Anatomy c’est le premier degré et demi... autrement dit, quand la série devient neuneu. Les speechs de Meredith en début et fin d’épisodes ont la subtilité d’une enclume, et c’est souvent ce qui carctérise les personnages quand ils sont en situation de crise émotionnelle. Quand Grey’s Anatomy est mal écrit, c’est vraiment pas bien écrit. C’est une minorité, cependant, et les dialogues de cette 14è saison sont cools et plutot subtils. Je recommande fort la VO, d’ailleurs... et il y a une touche de progressisme dans cette saison. Elle aborde la transidentité, les violences policières, y’a une nouvelle interne qui porte un voile et ça ne rend pas Pascal Praud maboule, tu vois le genre. A un moment elle sauve un patient en faisant un garrot avec et ça ne nous est pas lancé au visage, et ça ne fait pas une zumba médiatique d’une semaine à Seattle.
[EXTRAIT 2]
C : Je vois. Disons que la série n’est pas très constante, mais maintient un niveau d’ensemble correct et des mécaniques sérielles efficaces. J’ai bon ?
B : Oui, et les personnages sont attachants. Le casting et ses acteurs très capricieux des débuts est évacués depuis longtemps, et on y voit toujours des visages biens connus. Kevin McKidd, Kim Raver, Geena Davis. Et surtout, surtout, la playlist. Quelque part, à la production, existe quelqu’un qui a un pouvoir en or : cette personne peut décider de rendre célèbre tel ou tel morceau, voir tel ou tel groupe. Je pense notamment à Snow Patrol qui doit sa popularité hors des états-unis à la seule série. La playlist de Grey’s Anatomy, c’est une petite institution de l’alternative musicale américaine.
C : Musique ! Personnages ! Longévités ! Des exclamations qui font de Grey’s Anatomy un incontournable de la fiction hospitalière !
B : Tu l’as dit bouffi, et la concurrence et pas folle. Shonda Rhimes a lancé plusieurs spin-offs pas intéressants. Private Practice, et plus récemment Station 19, sur des pompiers. C’est pas très bien. Donc embrassez l’ethos et la pathos, embrassez les plaisirs simples mais néanmoins agréables, embrassez le drama et les larmes un peu faciles - matez donc Grey’s Anatomy, j’aime bien. C’est même pas un plaisir coupable. Et chaque épisode porte le nom d’une chanson. C’est pas beau ça ?
C : C’est ça, c’est ça. Allez, à la prochaine. T’es un peu fleur bleue, secrètement, non ?
B : Non, non...
C : Allez...
B : Ca m’arrive. Le dis à personne, hein.
C : T’inquiète, on est entre nous !
« Grey’s Anatomy », 13 ans et toutes ses dents
Alors que la quatorzième saison de « Grey’s Anatomy » vient d’achever sa diffusion en France, Benjamin Benoit nous raconte comment cette série parvient avec un certain talent à conserver une longévité remarquable, treize ans après sa création.
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