« I Think You Should Leave » : là où il y a de la gêne, il y a plein de plaisir

I Think You Should Leave : du lol à gogo sur Netflix (121 – 13/05/2019)
[EXTRAIT ITYSL]
C : Bonjour Benjamin, je te reconnais bien sur cet extrait sonore. Aujourd’hui, tu vas nous parler de comédie américaine, et pas n’importe laquelle. On va occulter la scène pour un format plus télévisuel.
B : Comme souvent, je suis venu avec un produit Netflix dans ma besace. Vite vite, il faut s’abonner à Netflix. C’est très important.
C : Mais c’est une chronique sponso ou bien ? Où est ton éthique journalistique, Benjamin ?
B : Ah mais moi je dis ça parce que le site ne donne jamais le moindre chiffre, et vu la montagne de thunasses qu’ils mobilisent pour produire des trucs moyens à la chaîne, j’ai peur qu’ils ne soient déficitaires. Mais aucune inquiétudes. J’ai trouvé, rien que pour vos yeux, un truc très rigolo sur Netflix qui n’a pas beaucoup de promotion derrière lui, parce que c’est Netflix et surtout parce que c’est un format très américain.
C : C’est amusant, parce que tu en as parlé récemment dans ta chronique sur Us. Tu avais défini la cringe comedy.
B : Je vais y revenir un peu alors. La cringe comedy, codifiée par des séries comme The Office, est un genre de comédie très axée sur le comique de personnages, de timing et surtout de situation. Elle va prendre une situation du quotidien et la monter en épingle de manière ultra absurde. Généralement, le schéma, c’est d’insérer un personnage au troisième degré dans un groupe de personnages normaux, et de les voir interagir. Bon, sauf dans The Office, où ils étaient tous zinzins. Je le répète, n’hésitez pas à regarder des vidéos du genre Key & Peele ou Tim & Eric.
C : Mais en l’occurrence, I Think You Should Leave est une série à sketches, qui se binge facilement, dans la pure tradition Netflix donc.
B : Six épisodes de dix-sept minutes, où on trouve à chaque fois quatre ou cinq petits sketches sans aucun rapport les uns des autres. Ca a un côté fragmenté qui fait passer l’ensemble très vite, et si vous adhérez à ce type d’humour, vous aurez beaucoup de mal à ne pas tout regarder en une fois. Damnation, Netflix ! Tu as encore gagné.
[EXTRAIT 2]
C’est fait par Tim Robinson, un participant pas bien connu du Saturday Night Live, le vénérable show américain du week-end où on a vu évoluer toutes les jeunes pousses… et les moins jeunes pousses de la comédie américaine. Il était auteur de 2012 à 2014, il a joué dans la série Detroiters en 2017 et 2018, et I Think You Should Leave est son œuvre comique séminale, en tout cas ça devrait être son moyen de percer à l’international. D’ailleurs, I Think You Should Leave voit apparaître quelques-un de ses collègues en guest star, dont Will Forte et Andy Samberg, que vous connaissez peut-être pour The Lonely Island ou Brooklyn 99.
C : Alors, comment ça marche ? Tu avais parlé d’un aspect très fragmenté au show.
B : C’est, littéralement, le Wario Ware de la comédie. Ou le zapping de la comédie. Pas comme le fait Robot Chicken, les sketchs sont plus longs, mais c’est un peu l’idée. Un épisode égal quatre sketches parfois un peu inégaux, les meilleurs épisodes sont le premier, le second, et le sixième.
Ca en fait une petite vingtaine au total. On y trouve une multitude de situations cocassee du quotidien : un cadeau qu’on a du mal à faire semblant d’apprécier, un cabinet d’avocat qui règle des soucis légaux super spécifiques, le fait de toujours devoir se déprécier un petit peu quand on fait un selfie sur Instagram… certains d’entre eux partent comme des sketches de stand up un peu plus neuneus, et vont juste faire décoller l’absurde jusqu’à atteindre des sommets.
C : Mais certains d’entre eux font un peu plus appel à la way of life américaine.
B : Oui, c’est vrai, mais ça ne demande pas de bagage culturel, pour ainsi dire. On y trouve une parodie d’un concours de bébés, comme ceux des mini miss. On y fait une intervention dans une maison à la décoration particulière… tu as peut-être vu ça dans d’autres série, c’est le fait de piéger un ami alcoolique pour le mettre au pied du mur. On y trouve aussi des parodies de publicités, de jeux télé… ça tape un peu partout.
C : Je me sens obligé de poser une question fatidique : est-ce que c’est drôle ?
B : Oui ! J’aime I Think You Should Leave, car c’est drôle. Et être drôle, c’est l’humour. C’est très niché mais il y a un petit coté You Don’t Know Jack. Et j’aime l’humour, car cela me fait rire. C’est un peu particulier, parce que ça cultive cet équilibre entre quinzième degré et humour plutôt sage. Vous ne verrez pas grand-chose d’irréverentieux, sinon… des petits zizis de chevaux en 3D. Oui je sais que sans contexte c’est bizarre, mais c’est la série qui veut ça. Il y a juste quelques petits running gag langagiers, comme le néologisme « mudpie » qui revient de temps en temps, vous comprendrez vite pourquoi. Sinon, tous ces sketches se reposent sur les performances d’acteur, et Tim Robinson fait toujours le taf et crêve l’écran dans les segments où il apparaît. Ne vous limitez pas au tout premier sketch qui est très basique, même si je vois bien pourquoi il a été positionné ainsi.
C : C’est même parfois un peu déconcentré.
B : Oui, par exemple cette histoire de bébé commence dans la parodie, puis on vire vers l’absurde, puis un peu de trash, puis un peu de morbide, puis de nouveau de l’absurde, et un bon guest star fait une chanson au début. C’est un peu le bazar, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, mais ça démontre son efficacité dans l’écriture et c’est, je peux l’attester pour vous, assez rigolo. I Think You Should Leave est le truc le plus rigolo que je connaisse sur Netflix. Donc attendez-vous à ce que Gad Elmaleh copie tout ça. Et je n’ai pas encore maté Tuca et Bertie, et vous savez à quel point j’adore Bojack Horseman. Bon, voilà, c’était la quatrième chronique à réécouter sur le brunch pour vous. Et si vous voulez voir la même chose avec un registre plus costaud, je recommande la chaîne Youtube Lasagna Cat.
C : I Think You Should Leave, c’est six épisodes de 17 minutes sur Netflix, et vous l’aurez compris, c’est pour les adultes. Fanas d’absurde et de cringe comedy, allez-y gaiement. Benjamin, tu as un truc qui pourrait me faire grincer des dents pour conclure cette chronique ?
B : Mmmmh non.
[JINGLE DE TRANSITION]