Corentin : Que pourrait il bien se passer si nous partions en vacances à Fukushima ? A Medellin, là où Pablo Escobar et sa bande ont tués des milliers de personnes ? Ce sont des destinations considérées comme du dark tourisme, le sujet du jour d’Angèle Chatelier !
Angèle : Ils sont aujourd’hui nombreux à partir en vacances dans des lieux où se sont produits catastrophes, meurtres et souffrance en tout genre. Le journaliste néo zélandais David Farrier est parti dans une dizaine de destinations à travers le monde considérées comme étant du tourisme noir et maussade. De ça en est sortie une série documentaire sur Netflix, Dark Tourist, sortie en juillet dernier (EXTRAIT 1)
Le journaliste a parcouru le monde entier découvrir les endroits du Globe les plus glauques qui existent.
C : L’Amérique latine, tout d’abord
A : À Medellin plus précisément, ville en Colombie qui détient encore l’âme et le fantôme de la vie du narcotrafiquant Pablo Escobar (EXTRAIT 2 Narcos)
David Farrer emprunte un véritable parcours touristique dans la peau d’un collègue d’Escobar. Il a été créé par des locaux qui veulent se faire un peu d’argent sur son histoire. Mais tout bascule lorsqu’il rencontre le véritable Popeye, bras droit du narcotrafiquants. À son actif : 250 meurtres et 22 ans de prison. Se disant aujourd’hui repenti, il a une chaîne Youtube, appelée sobrement “Popeye Le Repenti” où l’homme de main de Pablo Escobar met en scène des choses qu’il a probablement vécu.
C : Aux Etats Unis, Il part sur les traces de Jeffrey Dahmer, aussi appelé le cannibale de Milwaukee
A : Et c’est flippant. Cet homme a tout de même tué 17 hommes entre 1978 et 1991. Il violait, démembrait et manger ses victimes. Le journaliste, accompagné d’une fan de ce meurtrier, participent à un parcours organisé qui passe devant les lieux qui ont fait la vie du tueur. Il rencontre aussi l’avocate qui l’a défendu, qui possède avec elle les plus grandes preuves de la folie de cet homme.
C : Le croquis d’un autel qu’il souhaitait faire avec des membres de ses victimes, par exemple.
A : Ou encore des enregistrements de ses aveux, très très crus. Dans Dark Tourist, la mort est bien présente. Elle l’est aussi au Japon, autre destination où se trouve une forêt. Endroit tristement mis en lumière au grand public par un certain YouTubeur
C : Logan Paul…
A : Le YouTubeur s’était rendu dans la forêt d’Aokigahara, près du mont Fuji, au Japon. Une forêt autrement appelée la forêt des suicides. La vidéo du YouTubeur, se baladant dans cette forêt avait fait polémique : on y voyait un corps pendu. Il avait donc fait le choix éditorial de le montrer.
Cette forêt, magnifique au premier abord, est pour beaucoup rempli d’esprits maléfiques. Ils sont nombreux à y aller pour s’ôter la vie. Le plus glauque ? Un panneau à l’entrée qui dit que votre famille pense à vous et que la vie vaut la peine d’être vécue.
C : Mais les destinations probablement les plus dangereuses où s’est rendu le journaliste pour le documentaire concernent celles qui sont radioactives
A : David Farrer est allé voir les vestiges de Fukushima, quelques années après le violent tsunami qui avait fait exploser sa centrale nucléaire. Et dans le bus, il n’est pas le seul : des dizaines d’Occidentaux sont curieux, comme lui, de voir à quel point la radioactivité à enlever toute perspective de vie dans ces zones éminemment dangereuses. (EXTRAIT 3)
C : Même si le gouvernement japonais veut faire revenir les habitants dans ces villes meurtries par le tsunami, elles sont encore totalement inhabitables.
A : C’est frappant de constater qu’à certains endroits, les touristes flippent. Leur petit bip permettant de mesurer le taux de radioactivité dans la zone atteint parfois les 9.7 millisievert. Pour vous donner une idée, selon l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, on préconise une mise à l’abri des populations à partir de 10mSv. Le journaliste se rend aussi au Kazakhstan, là où il y a trente ans étaient réalisés les essais nucléaires russes. Il se baigne même dans un lac formé à cause d’une bombe nucléaire souterraine.
C : Mais pourquoi le dark tourisme semble t il avoir autant de succès ?
A : Cette question revient à expliquer pourquoi nous pouvons avoir un attrait pour le morbide.
Pour la psychologie, c’est simple : je ressens un plaisir à savoir et à voir que je suis privilégié. Ce qui est arrivé n’est pas mon malheur à moi. Je peux alors faire preuve d’empathie.
C’est ce que cherche à dire le psychologue Thierry Jandrok dans son ouvrage « Tueurs en série, les labyrinthes de la chair : entre réalité, imaginaire et psychanalyse ». Il dit que « les malheurs des autres ont une fonction rassurante pour tout à chacun ». Ralentir sur l’autoroute pour voir l’accident qui vient de s’y produire permet, en somme, de jouir d’être encore en vie. Les adeptes du dark tourisme ressentent peu ou prou la même chose : aller au plus près d’évènements catastrophiques et synonymes de morts permet de se rappeler que nous sommes mortels - angoisse principale de toute homme, doit-on le rappeler. S’y intéresser et être au coeur du lieu où cela s’est produit permet donc de rassurer son existence.
C : Mais il a de quoi susciter la controverse
A : Que doivent penser les familles des victimes de Jeffrey Dahmer à l’idée que des adeptes du jeune meurtriers viennent presque se repentir, que cela soit de la fascination morbide ou non ? Est-ce normal que quelqu’un comme Popeye, bras droit de Pablo Escobar ayant tué plus de 200 personnes et même sa petite amie, se fasse aujourd’hui de l’argent la-dessus ?
Le journaliste néo-zélandais est d’ailleurs lui-même décontenancé face à Popeye. Il le trouve sympathique, mais quoi de pire que de trouver charmant un tueur ?
Les dark touristes peuvent aller être considérés aussi bien comme des voyeuristes que comme des personnes qui veulent simplement rassurer leur existence.
A ce sujet, je vous laisse juge.
C : Merci Angèle Chatelier, en ce qui me concerne, je vais me la jouer plus soft et aller me recueillir à Hiroshima, à defaut de Fukushima. C’est quand même plus soft. A très vite en tout cas !
Le « dark tourism » ou comment faire des lieux au passé tragique un lieu de vacances
Vous voulez partir en vacances ? Laissez tomber les grandes capitales européennes ou les excursions dans la nature. Non ! Pour être la mode, il faut aller à Fukushima, ou dans les anciens locaux détenus par l’ex-narcotrafiquant Pablo Escobar ! On décrypte cette tendance lugubre avec Angèle Chatelier.
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