C : Si on arrive un petit peu après la bataille, on tenait quand même à vous parler de The Haunting of Hill House, série originale Netflix sortie début octobre, lors de leur mois spécial horreur. Si vous l’avez déjà dévorée, alors peut-être qu’on va vous apprendre certaines choses que vous n’aviez pas remarquées. Si vous ne l’avez pas encore vue, peut-être qu’on vous décidera à vous rattraper dans les semaines qui viennent. C’est Morgane Giuliani qui va s’en charger pour nous, bonjour Morgane !
M : Bonjour Corentin ! Je sais, on arrive dangereusement vers Noël et là, vous avez peut-être juste envie de vous glisser sous un plaid à regarder des films de Noël. Mais si vous avez envie d’être ému, tournez-vous plutôt vers The Haunting of Hill House. Cette série de 10 épisodes de 55 minutes chacun est inspirée d’un roman, intitulé La Maison hantée en français - tout simplement - de Shirley Jackson, sorti en 1959, devenu une référence. On y suit deux parents et leurs cinq enfants - Steve, Shirley, Theo, et les jumeaux Luke et Nell. Il s’agit de la famille Crain, qui s’est déchirée après avoir vécu un été affreux dans une maison hantée. L’intrigue se déroule sur deux époques : le présent, situé en octobre 2018, et le passé, à l’été fatidique de 1992, où ils arrivent à Hill House, énorme bâtisse victorienne, qu’ils souhaitent retaper avant de la revendre. Mais c’était sans compter les nombreux fantômes qui hantent la demeure, et dont une mystérieuse pièce, la Red Room, semble impossible à ouvrir.
EXTRAIT 1
C : C’est notamment la mère de la famille, Olivia, qui est la plus réceptive à ces entités ectoplasmiques.
M : Elle a une sorte de sixième sens, une hypersensibilité. Ses enfants, aussi, mais pas trop l’aîné, Steve. Heureusement pour lui car les fantômes sont terrifiants dans Hill House. L’un d’eux, la “dame au cou tordu”, comme l’appellent les enfants, est particulièrement effrayante. Ces fantômes ne sont pas des draps avec des trous dessinés au niveau des yeux. Ils ressemblent à des zombies, la peau en lambeaux, d’un gris qui tend vers le bleu. Ce sont des personnes âgées, des enfants, des femmes élégantes, des créatures qui n’ont plus rien d’humain, ou semblent sortir d’un conte horrifique. Ils n’apparaissent pas qu’à la nuit tombée, on les décèle aussi le jour. D’ailleurs, je vous invite à être attentifs aux arrière-plans, car de nombreux fantômes y sont tapis en silence.
C : Le premier épisode nous montre un aperçu de ce qui s’est passé la nuit où la famille a dû fuir la maison.
M : Rien que d’y repenser, j’ai des frissons. On comprend assez vite que la mère n’a pas pu partir avec eux, et qu’elle est morte dans la maison. Mais il faut arriver très loin dans la série pour savoir, et comprendre, ce qu’il s’est passé. The Haunting of Hill House est une merveille à tous points de vue, aussi bien sur le fond que la forme. Sur la forme, le montage et la mise en scène sont incroyables. Tout au long des épisodes, le passé et le présent s’imbriquent, de même que le passé se reconstruit sous nos yeux effarés. Les scènes de leur dernière nuit à Hill House se dévoilent peu à peu, dans des plans différents qui apportent de nouveaux éléments de réponse. L’épisode 6 est ce que vous verrez de mieux cette année en terme de mise en scène dans une série, avec 5 plans-séquences fabuleux qui lient le présent et le passé. Le travail du réalisateur, Mike Flanagan, spécialiste de l’horreur, a été encensé par le maître de l’horreur lui-même, Stephen King.
EXTRAIT 2
C : Dans Hill House, le présent est le résultat direct du passé.
M : Les membres de la famille Crain sont ressortis traumatisés de Hill House. L’aîné Steve ne croit pas aux fantômes car il n’en pas vus lui-même, et pourtant, il est devenu un écrivain célèbre en racontant leur dernière nuit d’horreur dans un roman autobiographique, ce qui a mis en rage ses frères et soeurs, qui l’accusent d’avoir exploité le traumatisme familial. Shirley dirige à présent une morgue, d’une main de fer. Theo exerce en tant que pédopsychologue, mais porte des gants pour ressentir le moins de choses possibles, et fuit les relations. L’adorable Luke est devenu un addict dépressif, tandis que Nell, sa jumelle, est victime de terreurs nocturnes qui lui pourrissent la vie. Tout cela est lié à Hill House. Leur père vit loin d’eux, quelque peu retranché, et les voit rarement. Les enfants ne s’entendent plus si bien, se disputent régulièrement.
C : Le lien familial est brisé, car chacun s’est isolé dans sa manière de gérer ce qu’il a vécu à Hill House, et a du mal à comprendre le point de vue des autres.
M : Mais une nouvelle tragédie les oblige à se retrouver. Sur Internet, les théories géniales foisonnent sur cette série, preuve s’il en est qu’elle est fascinante. L’une d’elles veut que chacun des enfants représente une étape du deuil : le déni - Steve, qui ne croit pas aux fantômes -, la colère - Shirley et son caractère en acier trempé - la négociation - Théo la pédopsychologue - la dépression - Luke - et enfin, l’acceptation - Nell, celle qui est la plus hantée par Hill House.
EXTRAIT 3
C : Si la série fait tout le temps des ponts entre le présent et le passé, c’est parce qu’elle offre une réflexion sur ce qui peut nous hanter tout au long de notre vie.
M : Dans cette série, le passé rejoint le présent à travers des fantômes. Mais sont-ils réellement des fantômes, ou des stigmates de traumatismes, ou encore, des attentes que l’on fuit ? “Un fantôme n’est qu’un voeu” répète sans cesse le sceptique Steve. L’horreur n’est pas vaine. C’est un prisme pour disséquer la famille comme étant à la fois un lien puissant entre des individus forcés à bien s’entendre, justement parce qu’ils sont liés par la sang ; mais aussi, comme étant un étau, étouffant, dans lequel on se débat pour avoir sa propre identité, et ensuite, s’échapper pour mener sa propre vie. Hill House devient une analogie de la famille : un organisme qui peut vous avaler tout entier si vous vous laissez faire.
C : La série établit aussi une analogie entre horreur et maladie mentale.
M : Un grand classique du genre. Dans un monde rationnel, peut-on sérieusement envisager de “voir” des fantômes ? Ne s’agit-il pas plutôt de schizophrénie, de paranoïa ? Ou bien, au contraire, réduire le paranormal à la maladie mentale n’est-il pas du déni ? The Haunting of Hill House délivre une réflexion bouleversante sur la famille, la fraternité, le traumatisme, la résilience. On en ressort avec des questionnements existentiels. Bien plus que ce à quoi on pourrait s’attendre d’une série d’horreur.
C : The Haunting of Hill House est disponible sur Netflix. Une saison 2 pourrait bien voir le jour, mais sans la famille Crain. Merci beaucoup Morgane Giuliani et à très vite !
« The Haunting of Hill House » : l’épouvante au service de la réflexion
Quand le concept de la maison hantée ne sert pas qu’à provoquer des sensations fortes chez le spectateur : ça donne « The Haunting of Hill House ». Une série sur Netflix qui incite à la réflexion sur la famille. Morgane Giuliani de « Marieclaire.fr » a adoré !
0:00
7:01
Vous êtes sur une page de podcast. En cas de difficulté pour écouter ce document sonore, vous pouvez consulter sa retranscription rapide ci-dessous.