Vous l’avez vu dans tous les films policiers, il y a le bad cop et le good cop, celui qui rudoie et celui qui assouplit. Cette fois, les cops étaient tous les deux bad, really bad. À gauche, le sénateur Jean-Pierre Sueur, dit « l’Étrangleur de l’Élysée ». À droite, la sénatrice Muriel Jourda, dite « la Sulfateuse de la République ». Et au milieu, leur chef, Philippe Bas, very bad cop, dit « l’Atomiseur de Benalla ». La commission d’enquête qu’il préside a rendu son rapport ce mercredi, sobrement intitulé « “Affaire Benalla”, rapport d’enquête de la commission des lois du Sénat » mais nous, on a trouvé un meilleur titre : le Sénat se parfume à la dynamite.
La thèse de la faute de l’homme isolé s’est annulée.
Car c’est, à chacune ou presque des 160 pages qui le composent, un minutieux, précis, documenté, implacable cassage de gueule dont l’épaisse moquette de la chambre haute ne peut assourdir les coups. Moquée en « affaire d’été » par l’ex-chargé de mission en personne, la saga Benalla – mais qui en doutait ? – est bel et bien une affaire d’État, l’État que préside Emmanuel Macron. « La thèse de la faute de l’homme isolé s’est annulée », assène Muriel Jourda depuis la tribune où elle présente le rapport. « La présidence de la République a péché par manque de précaution », dénonce Jean-Pierre Sueur. « Cela fait tout de même beaucoup », euphémise un Philippe Bas qu’on sent à deux doigts d’enfiler un gilet jaune pour aller défoncer l’Élysée au transpalette. Les manières sont cauteleuses, l’approche onctueuse mais ça n’en souligne que plus les imparables conclusions du rapport d’enquête.

Il faut dire que, en sept mois de commission d’enquête et 34 auditions, certains ont pris les sénateurs pour des jambons en leur racontant des craques – pour paraphraser le vocabulaire suranné de l’homme de 41 ans à peine qui fait office de président de la République. Les sénateurs, dans leur rapport et sur sept pages, ont joué à « Ils ont dit/Ils ont menti » et ce sont Alexandre Benalla et son acolyte Vincent Crase qui gagnent. Le gros lot du jeu, c’est 75 000 euros d’amende et cinq ans de prison, voire 100 000 euros et sept ans de zonzon en cas de circonstances aggravantes : il est défendu de mentir devant la commission d’enquête du Sénat, l’un comme l’autre le savent, ils ont levé la main droite et dit : « Je le jure » (lire l’épisode 23, « Gorille dans la brume »). Et après, ils ont menti comme des arracheurs de dents, ou plutôt, comme disent ces petits punks de sénateurs, ils ont produit de « faux témoignages ».