Pieds de caméra, micros et casques s’entrechoquent en file indienne au second sous-sol de l’Assemblée nationale. L’armada de journalistes venue assister à l’audition du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, en est pour ses frais : la salle de la commission des lois, transformée pour un mois en commission d’enquête à la faveur de l’affaire Benalla, offre à peine un siège à tous les députés présents, alignés en trois rangs d’oignons, tous bords confondus, au pied de la tribune où trônent la présidente, la députée LREM (La République en marche) Yaël Braun-Pivet, et le corapporteur LR (Les Républicains) Guillaume Larrivé. À l’arrivée du ministre, la nuée de caméras se déverse entre les rangées, pour s’agglutiner devant le premier flic de France, premier aussi à être « invité » à s’expliquer – une convocation à une commission d’enquête parlementaire ne se refuse pas. À peine entrés, déjà poussés vers la sortie. Il n’y a pas de place pour les journalistes dans la petite salle, dédiée aux travaux quotidiens de la commission des lois. Ils sont sommés de retourner d’où ils sont venus – du couloir. « Pourquoi on n’est pas en salle Lamartine ? », s’indigne quelqu’un dans la bousculade. « On est venus pour rien », tranche un photographe. « De toutes manières, c’est retransmis partout », fait remarquer une attachée de presse qui agace tout le monde, désignant un téléviseur installé au mur. Ou comment tenir la presse à bonne distance des débats, par écran interposé.
On revient de loin. Trois jours auparavant, la publicité des auditions n’était même pas acquise. Sous la pression des partis d’opposition, la majorité LREM a fini par céder. La plus grosse crise du quinquennat est aussi la première pour bon nombre de néodéputés macronistes. Ils ont été élus sur une promesse de renouvellement et d’exemplarité. Difficile d’ignorer la cascade de révélations de la presse sur les activités du garde du corps omniprésent d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla donc, désormais traqué sur toutes les apparitions publiques du chef de l’État. Dans la foulée de la vidéo le montrant frappant un homme à terre lors de la manifestation du 1er mai à la Contrescarpe, à Paris, révélée par Le Monde, les travaux de l’Assemblée nationale ont été paralysés. De suspensions de séance en rappel au règlement, les débats sur la réforme constitutionnelle ont même fini par être suspendus à l’initiative de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet.