«Tout à l’Élysée est basé sur ce que l’on peut vous prêter en termes de proximité avec le chef de l’État. » A-t-on déjà lu déclaration plus cruelle et plus subtile sur Emmanuel Macron et son fonctionnement ? C’est piquant, elle est l’œuvre d’un des plus fidèles du président de la République : Alexandre Benalla en personne. Le jeune chargé de mission de l’Élysée, enfin l’ex, a parlé pour la première fois depuis qu’il a fait sauter la Macronie il y a une semaine et c’est dans Le Monde. Il y fait montre d’un aplomb dingue : son tabassage du 1er mai est à peine « une grosse bêtise », ses victimes sont « hystériques », son badge d’accès à l’Assemblée, c’est pour profiter de la « salle de sport », etc.
En matière de toupet, seul Emmanuel Macron peut lui en remontrer. Après sa sortie mardi devant les députés La République en marche (LREM), où, plein de morgue et les yeux fous, il mettait au défi de mystérieux « ils » : « S’ils veulent un responsable, il est devant vous ! Qu’ils viennent le chercher », il a remis ça dans les Pyrénées puis en Espagne, où il était en goguette cette fin de semaine. Son nouveau mantra : « C’est une tempête dans un verre d’eau. » On résume : la presse fait rien qu’à dire des mensonges ; Benella a fait une faute, il a été sanctionné : fin de l’histoire. D’ailleurs les gens s’en foutent (figurez-vous qu’ils « parlent du vélo », selon Macron), ça n’intéresse que les journalistes parisiens qui ont « envie de voir du sang et des larmes dans le tournant de l’été ». Zou : tout le monde retourne gentiment sur sa serviette de plage, tout va bien se passer.
Sauf que non, tout ne se passe pas bien. Et quand les deux héros du Benallagate s’expriment, ça remet dix balles dans le jukebox aussi sec. Oui, le Benallagate : depuis le scandale du Watergate qui a abouti en 1974 à la démission du président américain Richard Nixon, il est devenu d’usage, sitôt qu’une carambouille sort de la coulisse, d’y accoler le suffixe « gate ». L’affaire Benalla ne fait pas exception à la règle, mais elle a cette particularité de les accumuler, les « gates », comme autant de tiroirs, au fil des révélations (telle cette nouvelle interpellation à laquelle a participé Benalla, dévoilée par Libération), des contradictions, des rectifications, des nouvelles versions : le moindre aspect de cette affaire, qu’on dirait écrite par des scénaristes sous acide, crée son propre « gate ». Qui enfle et s’infecte à chaque nouvelle déclaration.