Si notre métier, aux Jours, n’avait pas été journaliste mais directeur de l’ordre public et de la circulation à la préfecture de police de Paris (j’en vois qui rient), on aurait eu super chaud aux fesses ce jeudi. Mettez-vous deux secondes à la place d’Alain Gibelin. Votre nuit de sommeil a été très moyenne, la faute à la canicule mais surtout à cette audition prévue jeudi à 14 heures devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’affaire Benalla.
C’est votre deuxième audition en quatre jours. La faute à qui ? À vous. Malgré vos explications sur le bug mental dont vous avez été victime lors d’une question de Marine Le Pen (à qui ça n’est jamais arrivé, franchement ?), vous n’avez pas convaincu. Et puis un général, commandant militaire de l’Élysée, un mec bardé de galons bien plus gros que les vôtres, vous a balancé, comme quoi vous saviez bien qu’Alexandre Benalla serait là le 1er mai, sur le terrain en tant qu’« observateur » des forces de l’ordre, puisque vous en avez parlé devant lui une semaine avant. La présidente de la commission des Lois, Yaël Braun-Pivet, promènerait bien votre tête au bout d’une pique. Vous êtes le fusible idéal, la planche pourrie, le coupable désigné pour une majorité parlementaire bien plus à l’aise avec le versant policier de cette affaire qu’avec sa dimension politique.

Là, en prenant votre petit-déjeuner, vous avez déjà un peu mal au ventre. Vous regardez le site du Monde pour vous détendre et constatez qu’Alexandre Benalla y a donné une interview exclusive. La tartine vous en tombe. Le futur-ex chargé de mission à l’Élysée vous accuse de mentir. « Il dit qu’il n’a appris que le 2 mai que j’étais présent à la manifestation la veille. Ce n’est pas vrai. On a déjeuné quelques jours avant avec le général Bio-Farina au 2, rue de l’Élysée. C’était une réunion de travail à propos des policiers qui font la sécurité autour du palais. À la fin de ce déjeuner, il m’a demandé si je venais toujours le 1er mai et si j’avais reçu l’équipement que je devais recevoir. » Sapristi, a dû se dire Alain Gibelin en cherchant un moyen de quitter le pays, je me fais tailler un beau costard. « Il y a des gens qui pensent à leur carrière et qui se défaussent, dit encore Alexandre Benalla dans Le Monde. Je pense qu’Alain Gibelin s’en veut de ne pas avoir prévenu le préfet de police. […] [Il] était parfaitement au courant et n’en a pas rendu compte à sa hiérarchie. »
Bon, il faut bien y aller quand même.