Tous les matins, l’inspecteur Pasqualini ouvre la fenêtre du bureau 302 de la crim’ et se sent comblé par la vue exceptionnelle sur la Seine, le Pont-Neuf et la place Dauphine : « Regardez la chance qu’on a ! Il y a des gens qui font des milliers de kilomètres pour voir ça », lance-t-il à ses hommes. Mais en ce printemps 1986, le paysage ne suffit pas à le régénérer. « Pour ne jamais oublier de s’occuper de celui qui lui a fait ça », il a posé sur son bureau la photo de Cécile Bloch, 11 ans, violée et étranglée dans la matinée du lundi 5 mai. Ce chef expérimenté est obnubilé par l’assassin de la petite, attaquée au 116 rue Petit à une heure et un jour de la semaine inhabituels. « En général, les agresseurs d’enfants qui agissent sous le coup d’une pulsion le font plutôt l’après-midi ou le week-end. » Taraudé par cette énigme, l’inspecteur Pasqualini se demande « pourquoi cet individu décide d’aller violer une gamine un lundi matin si tôt ». « Est-il au chômage ou en maladie ? Ou bien ne travaille-t-il pas ce jour-là ? Tient-il un commerce fermé le lundi ? » Il note ses idées en vrac sur un « bulle », du papier brouillon jaunâtre qui restera dans le « dossier de groupe » comme document de travail. Il poursuit sa réflexion : « Au mois de mai, il fait jour, il y a du va-et-vient dans l’immeuble, il y reste plus d’une heure et demie, croise de nombreux habitants. Il n’a aucune garantie de sécurité et pourtant il va jusqu’au bout. On sent bien que ce n’est pas accidentel. » À ses yeux, ce type n’en est pas à son coup d’essai : « Il a récidivé. »
Le chef Pasqualini lance « des tas de recherches » sur de précédentes agressions sexuelles d’enfants à Paris et en petite couronne pour tenter d’effectuer « des rapprochements » avec d’autres affaires. Il convient d’éplucher « les liasses d’avis de recherche » que la police reçoit chaque mois et « trier là-dedans, mettre de côté les cambriolages, vols de bijoux, découvertes de cadavres, etc. ». Il s’agit de repérer un « mode opératoire et un type de victimes similaire ». L’inspecteur divisionnaire dépêche également des « ripeurs » de base aux archives, « en bas, dans la cour du 36 », dans l’espoir de retrouver « un antécédent » imputable au Grêlé.
C’est le cinquième de groupe qui s’y colle. Pierre Dieppois est « un grand sifflet très mince, timide et en retrait, qui paraissait plus intéressé par sa Golf GTI que par les enquêtes, et passait son temps à manger des Mars », raconte le sous-chef, Jean-Louis Huesca.