Mercredi 29 avril 1987, en fin de journée, à la brigade criminelle, un étage au-dessus du bureau 302 où le groupe Pasqualini s’escrime en vain à mettre la main sur le tueur grêlé de la petite Cécile Bloch, c’est le groupe Fisch, de permanence au 415, qui prend une affaire a priori totalement distincte, dans le Marais. L’adjoint du chef, l’inspecteur Alain Vasquez, découvre dans un immeuble cossu, au 7 rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie dans le IVe arrondissement de Paris, « la scène de crime la plus extraordinaire » de sa carrière. Au fond de l’appartement mansardé du dernier étage, dans une chambre d’enfant, la jeune fille au pair allemande de la famille, Irmgard Müller, 20 ans, porte juste une culotte, est « pendue par les bras aux montants du lit superposé », les jambes écartées, ligotée avec toutes sortes de liens de fortune, bâillonnée, « crucifiée », morte. Ses longs cheveux bruns et « sa tête penchée en avant » masquent sa gorge, enserrée par sa ceinture de peignoir et tranchée par un couteau de cuisine. Il traine par terre, la lame ensanglantée.

Dans l’alcôve du salon aux poutres apparentes, sur le grand lit du couple, le père, Gilles P., 38 ans. Entièrement nu, il repose sur le ventre en « position de gondole », bras et jambes attachés ensemble et repliés dans le dos grâce à des cravates et des ceintures trouvées sur place. Son cou est enserré, lui aussi. Tous ces liens sont entortillés autour d’un tisonnier de la cheminée pour faire levier, « serrer » et étrangler. Une technique de mise à mort particulièrement sadique appelée « garrot espagnol ». L’inspecteur Vasquez remarque « une brûlure de cigarette sous le sein de la baby-sitter et une autre derrière l’épaule de l’homme », puis « un mégot de style Marlboro » écrasé sur le sol. Le procédurier ganté de latex ramasse avec précaution cette pièce à conviction qu’il place sous scellés, tout comme l’arme du crime. Son chef ne détecte « pas de traces de lutte, ni de désordre, ni d’effraction sur la porte » de l’appartement et émet donc l’hypothèse « que l’un ou l’autre connaît le ou les tueurs et les ont laissés entrer. Ça ne ressemble pas à un crime crapuleux. »
C’est Anne-Marie P., hôtesse d’accueil à Air France qui, en revenant de son travail à l’aéroport de Roissy, les trouve dans cet état. Elle cherche sa fillette de trois ans et demi que la jeune fille au pair devait aller chercher à la maternelle. Elle finit par la récupérer saine et sauve chez les parents d’une copine de classe.