Sophian Fanen a proposé une série radiophonique sur France Culture consacrée à la musique d’Amy Winehouse les 28 et 29 août derniers, dans le cadre des Séries musicales d’été.
La mort d’Amy Winehouse, le 23 juillet 2011, n’a pas complètement servi à rien. Avec dix années de recul, elle fut même un point de bascule, un changement d’époque qui ne s’est pas fait du jour au lendemain mais qui a bien, quelque part, pris appui sur cette tragédie publique. La disparition soudaine de la chanteuse surdouée à 27 ans, après deux albums seulement et des années d’autodestruction étalée dans la presse (lire l’épisode 6, « Amy, traquée jusqu’à l’os »), n’a pas été le seul électrochoc, bien entendu. Il y a eu la mort de Whitney Houston en février de l’année suivante, le suicide du producteur électronique suédois Avicii à 28 ans, en 2018, la dépression et la mise sous tutelle de Britney Spears qui rebondit encore aujourd’hui. Autant de musiciens fragiles, sous pression de leur entourage professionnel, dépressifs ou toxicomanes, parfois tout cela en même temps, dont les histoires très en vue ont posé sur la table la question de leur accompagnement dans une industrie de la musique qui, depuis un siècle, se nourrit du mythe de l’artiste maudit. Du triptyque « sexe, drogue et rock’n’roll » qui sert depuis toujours d’excuse bien pratique pour ne rien faire.
« En un sens, la mort d’Amy Winehouse a été un point de non-retour dans l’industrie de la musique britannique (lire l’épisode 7, « Celle qui n’aurait pas dû mourir »). Ça a été un moment de réflexion, les gens étaient dévastés », se souvient Sally Anne Gross, qui a lancé outre-Manche la campagne « Can Music Make You Sick? » (« La musique peut-elle vous rendre malade ? ») afin de mesurer les difficultés psychologiques et physiques au sein du secteur, tous métiers confondus, après avoir travaillé près de trente ans en maisons de disques et comme manager d’artistes. « Les gens étaient en colère chacun dans leur coin, continue-t-elle. Ça a créé une envie d’en parler, qu’on réfléchisse ensemble » pour faire enfin évoluer l’industrie de la musique. Cette disparition choquante est aussi survenue au début d’une décennie qui a vu éclore le mouvement #MeToo ou, plus récemment, un questionnement sur la place des personnes non blanches dans les postes de décision, poussé par les réseaux sociaux et une nouvelle génération qui en a fait un pilier de son activisme politique.

Menée entre 2016 et 2018 auprès de 2 000 musiciens et musiciennes britanniques, l’étude de Sally Anne Gross et de son équipe, la plus vaste conduite jusqu’alors sur les questions de santé mentale dans l’industrie de la musique du pays, s’est achevée sur des conclusions sans demi-mesure : 71 % des répondants et répondantes ont signalé un haut niveau d’angoisse et 68,5 % souffrir de dépression.