Des étudiants qui, en cours de « stand-up coaching », dansent dans l’amphi d’une université savoyarde avant de hurler en chœur : « Je suis positif, je suis acteur de ma vie. » Des managers de grandes entreprises françaises qui basent leurs décisions sur l’ennéagramme, un test de personnalité douteux issu des intuitions occultes d’un gourou gréco-arménien né au XIXe siècle. Des salariés à qui on enseigne que « l’eau peut garder en mémoire des émotions » ou que l’on peut « évacuer les mauvais souvenirs via l’urine » pendant un séminaire d’entreprise et sous les yeux passionnés de la direction des ressources humaines. Voilà le genre de témoignages que l’on a découvert en plongeant
Cette ancienne adepte de développement personnel et de spiritualité New Age est aujourd’hui la créatrice d’un podcast, Méta de choc, qui est une mine d’informations sur ces domaines et leurs dérives (lire l’épisode 5, « Charlatans Éditions présentent… »). Elle a documenté les dangers du coaching, notamment dans une série passionnante qui raconte à la première personne et de façon chronologique l’embrigadement d’un consultant en marketing par une star du développement personnel lors d’un séminaire de coaching aux États-Unis. Le nom du coach n’est pas cité, par peur des représailles, mais beaucoup de gens disent y reconnaître les méthodes d’une des icônes internationales en la matière : Tony Robbins. Sa méthode : la pensée positive, des conférences à 5 000 dollars en forme de shows à rallonge où l’on se tape dans les mains et où l’on écoute de la musique très fort, des conseils archaïques sur le rôle des hommes et des femmes dans la société… Tony Robbins, donc. Retenez son nom.
Tous les coachs ne sont pas des manipulateurs, mais le coaching est un outil de rêve pour les manipulateurs.
Après plusieurs années de recherche sur le sujet, le constat est clair pour Élisabeth Feytit : « Le coaching, c’est l’eldorado de la manipulation mentale. On y utilise des méthodes qui peuvent amener les gens dans des états psychologiques extrêmes. Tous les coachs ne sont pas des manipulateurs, mais le coaching est un outil de rêve pour les manipulateurs. » La Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) nous a confirmé par mail partager le même avis : « Dans certaines situations, un véritable processus d’emprise se développe, caractérisé par la déstabilisation et la perte de repères, la rupture avec l’environnement habituel et l’enfermement dans un système, qui occasionne pour la personne de lourds préjudices. […] L’individu perd le contrôle de sa vie et de ses finances. » Précisant « ne pas porter un jugement de valeur en soi sur le coaching en général mais assurer une vigilance sur les acteurs qui portent atteinte aux droits et aux libertés de celles et ceux qui font appel à ces pratiques », l’organisme nous a indiqué avoir reçu, concernant le coaching, 44 saisines en 2019, 130 saisines en 2020 et 94 saisines en 2021.