Depuis notre première visite, en novembre (lire l’épisode 5, « Armes et métier »), les élèves de l’école de police de Reims (Marne) ont vieilli. On les avait quittés encore un peu gauches, moyennement habitués à l’uniforme, entortillés dans la manipulation de leurs armes. Les premières semaines de formation leur demandaient d’intégrer beaucoup de connaissances en peu de temps. Quatre mois plus tard, ils sont plus à l’aise et moins apeurés par les questions. Dans la salle de classe où ils révisent, les futurs gardiens de la paix ont pris la confiance. Ils se connaissent mieux, parlent plus fort et se balancent des vannes d’un goût variable. Bientôt prêts à affronter l’ambiance d’un commissariat. Le « cahier d’armement » qu’ils noircissaient en novembre est aujourd’hui entièrement rempli. Le stand de tir voisin n’est plus un mystère pour eux : ils s’y entraînent une fois par semaine sous l’œil de leurs formateurs. Les élèves sont désormais habilités au Sig Sauer, l’arme qu’ils porteront tous les jours à la ceinture une fois en service. Ils apprennent aussi à manier le fusil d’assaut HK G36.

L’exercice du jour les fait travailler en binôme sur ces deux armes, en prévision d’une évaluation dans quinze jours. Au fil de l’année scolaire, les scénarios tendent à se rapprocher de la « vraie vie » d’un policier. On tire de moins en moins seul sur sa ligne, en prenant le temps de viser, mais plutôt en coordination avec un collègue dans une situation qui bouge. Plus réaliste. La piste qui mène aux cibles est jonchée d’abris, pour les habituer à progresser et à se replier ensemble. Alice B. et Erwan C. font équipe : elle au « HK », lui au « Sig », puis l’inverse. L’un se place dans le dos de l’autre, une main sur son épaule pour le guider et couvrir ses arrières, la deuxième sur la crosse du pistolet. Ils se déplacent d’abri en abri et tirent trois cartouches chacun, à tour de rôle.
Deux formateurs leur indiquent où aller, corrigent leurs postures, leur répètent de communiquer davantage. Alice B. s’est un peu trop décalée, offrant un angle de tir à l’agresseur imaginaire. Le prof hurle pour être entendu sous les casques antibruit : « Colle bien à ton binôme ! Reste derrière, sinon ça sert à rien. » Au moment de changer de chargeur, les doigts plongent tout droit dans la bonne poche, sans tergiverser comme c’était encore le cas en novembre. Ils ont répété ce geste des dizaines de fois, la main ne tremble plus, les appuis sont solides. Après leurs tirs, Alice B.