Ce mardi 13 décembre 1994, il y a une foule inhabituelle devant le numéro 52 de la rue des Saint-Pères, dans le VIIe arrondissement de Paris. Plusieurs centaines de personnes au moins se sont rassemblées pour visiter l’hôtel de Cavoye, une bâtisse construite en 1640 qui a accueilli Racine et Boileau. Mais ce n’est pas l’intérêt historique du lieu qui intéresse ces visiteurs ; ils sont venus voir l’intimité de Bernard Tapie, le propriétaire des lieux. L’hôtel particulier a été mis en vente par le Crédit lyonnais, qui espère ainsi récupérer les sommes prêtées à l’homme d’affaires en faillite. Et, pour que l’humiliation soit totale, une visite publique des lieux a été organisée afin de rameuter le maximum de curieux et faire participer tout le monde à la chute de Tapie, qu’on pense alors proche.
Vingt-sept années ont passé, les péripéties juridiques ont été innombrables, mais Bernard Tapie n’est jamais parti. Après avoir été déclaré en faillite, fait de la prison, puis être redevenu multimillionnaire par la grâce d’une décision de justice contestée, et enfin de nouveau très endetté à la suite de l’annulation de cette même décision et de nouvelles poursuites engagées contre lui, l’homme d’affaires était toujours le propriétaire de cet hôtel au moment de son décès. Le « squatteur le plus huppé de Paris », selon l’expression du député centriste Charles de Courson, a été rattrapé par un double cancer plutôt que par les juges. Un symbole de l’habileté de « Nanard »