Alors que le procès du Mediator met au jour ses stratégies d’influence, le labo soigne toujours autant ses liens avec les médecins… et se porte à merveille.
Le procès du Mediator a enfin pu commencer. Dix ans après le retrait du médicament, prescrit comme un coupe-faim et présenté comme un antidiabétique, les malades ont encore eu à patienter une semaine, consacrée à la bataille procédurale menée par Servier devant la justice. Le laboratoire est coutumier de cette stratégie – au diable les états d’âme. À la fin de l’instruction, en 2017, le procureur de la République de Paris de l’époque, François Molins, avait estimé à trois ans le temps passé dans la guérilla administrative orchestrée par l’industriel face aux enquêteurs. Pendant ce temps, les faits s’éloignent. Et les victimes, parfois gravement malades, disparaissent. Mais mardi dernier, les inspecteurs de l’Igas, l’Inspection générale des affaires sociales, entendus en premier par le tribunal, ont exposé à la barre les conclusions de leur rapport, rendu en janvier 2011, sans perdre en intensité. Lancé en 1976, « le Mediator a été évalué neuf fois, et neuf fois, les experts ont dit que son intérêt thérapeutique était très faible », a expliqué l’un des inspecteurs, Étienne Marie. Comment le Mediator a-t-il alors pu être maintenu en circulation pendant trois décennies ? Plusieurs études scientifiques successives ont établi les dangers du benfluorex, son principe actif, dès les années 1970. La conclusion d’Anne-Carole Bensadon, coautrice du rapport, est glaçante : « Le doute profitait toujours au médicament. La vie du médicament est prioritaire sur la vie des malades. »