Jean Marimbert reprend sa place face à la cour. Mais en position assise cette fois. Il agrippe le micro et s’en rapproche au plus près. « Vous pouvez rester ainsi jusqu’à la fin des questions. Cela devrait durer encore deux bonnes heures », prévient la présidente, Sylvie Daunis. À l’audience du tribunal correctionnel de Paris, tout le monde demande des comptes à l’ancien directeur de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) entre 2004 et 2011 : magistrats du parquet, avocats des parties civiles, des experts, du laboratoire Servier… En plein interrogatoire, il s’est avancé vers la présidente pour solliciter une pause. Accordée. C’est lui qui, fin 2009, a pris la décision de retirer le Mediator du marché. Très tardivement, puisque les effets néfastes du médicament, en particulier sur les valves cardiaques, étaient connus depuis le milieu des années 1990.
Sous le feu des questions, l’ancien directeur ne risque rien, il comparaît comme simple témoin. Juste, sans doute, une conscience encore un peu plus lourde : le Mediator pourrait avoir provoqué entre 500 et 2 000 décès. L’Agence du médicament, en revanche, est poursuivie pour homicide et blessures involontaires entre 1995 et 2009. Dans leur ordonnance de renvoi, les juges d’instruction notent que l’agence est « restée sourde » aux alertes, montrant « son incapacité à assurer un contrôle effectif réel du médicament ». Ils pointent de « nombreuses anomalies et négligences, parfois fort suspectes ».
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour retirer le Mediator du marché ? Sans rien expliquer précisément, Jean Marimbert parle de « rendez-vous manqués » autour du médicament et de « problèmes de mémoire » au sein de l’institution avec la valse des salariés et des experts. L’ancien dirigeant reconnaît des « dysfonctionnements » au sein de l’Agence du médicament, notamment un « cloisonnement » entre la commission de pharmacovigilance et celle de l’évaluation. En 2007, la première avait estimé que le Mediator présentait plus de risques que de bénéfices. Son autorisation de mise sur le marché a pourtant été renouvelée quelques semaines plus tard. Les relations du directeur Marimbert avec le laboratoire Servier sont scrutées dans les moindres détails. La cour exhume un mail où il tutoie l’ex-dircom et lobbyiste du laboratoire, Madeleine Dubois. Avant de rejoindre Servier, celle-ci travailla au cabinet de Jacques Barrot, ministre des Affaires sociales, à partir de mai 1995.