De Londres
«Je n’avais vraiment pas besoin de ça pour m’inquiéter ! » Du haut de son mètre cinquante cinq, elle fulmine, Wendy Nowak, cette anti-Brexit que suivent Les Jours. Crispée par cette interview de la ministre des Entreprises Andrea Leadsom, Brexiteuse parmi les Brexiteurs. Qui tente, en live à la BBC, de justifier le silence du gouvernement sur les conséquences d’un Brexit « dur ». « Comme vous savez, l’opération Yellowhammer, c’est le scénario du pire, pas du tout une prédiction, débite la ministre. Je ne crois pas que ça rende service aux gens de voir la pire des choses qui peut arriver. »
Yellowhammer. C’est le nom de ce document gouvernemental de six pages qui recense les catastrophes à venir en cas de sortie sans accord de l’Union européenne le 31 octobre prochain, et que le Parlement a contraint le gouvernement à rendre public. Le nom d’un oiseau aussi, le bruant jaune, petit passereau en voie de disparition, qui n’avait rien demandé, le pauvre. Et puis Yellowhammer, ça sonne comme un coup de marteau pour les Britanniques pris dans un divorce hostile. Des marteaux jaunes, que les manifestants ont semés devant la porte des ministères en fin de semaine, comme une pirouette pour déjouer le mauvais sort. Parce que ça n’a rien de réjouissant, ces vingt plaies de Grande-Bretagne détaillées dans le document : ça va des embouteillages à Douvres aux émeutes en Irlande, en passant par les retards de l’Eurostar, les hausses de prix dans des supermarchés, les accrochages de pêcheurs, les suppressions d’emplois et… les pénuries de médicaments.
Depuis le début de l’année, on a des pénuries de médicaments. Même des produits d’habitude faciles à avoir.
« Des gens vont mourir ! », s’alarme Wendy dans son t-shirt bleu Europe frappé d’étoiles dorées. Depuis quelques jours, la sexagénaire a rajouté un gros point noir à côté de son nom sur son compte Twitter. Une marque de reconnaissance entre Britanniques pour qui un « no deal » signifie très concrètement une menace de mort ou de handicap. Il y a comme ça des épileptiques, des cancéreux, des greffés du cœur, près de cinq millions de diabétiques… « Ceux qui ont un proche concerné rajoutent un petit cœur noir, explique la retraitée. Moi, si je ne prends pas mon insuline, je ne mourrai pas tout de suite. Je peux devenir aveugle, perdre un membre ou avoir un rein qui s’arrête », détaille la militante anti-Brexit, regard grave contredit par un demi-sourire ironique. Car Wendy est diabétique de type 2. Diagnostiquée il y a douze ans, elle doit absolument prendre de l’insuline pour garder la maladie sous contrôle.

Aujourd’hui, le retraitée emmène Les Jours à la pharmacie pour chercher sa prescription, comme chaque mois.