La chair

Sur Twitter, Stéphane poste régulièrement des annonces pour trouver de nouveaux acteurs ou inviter ses followers à venir mater les coulisses d’un tournage. Il a été la première porte d’entrée dans le porno amateur pour le journaliste Robin D’Angelo, qu’il a autorisé à assister à un tournage. Il ne rémunère pas les acteurs ; les actrices, occasionnellement. Il n’établit pas de critères de sélection et accepte tout le monde devant sa caméra. « Si j’avais pu, j’aurais pris comme slogan “Venez comme vous êtes”, mais c’était déjà pris par McDo. »

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Sofia est féministe. Sofia aime Quentin Tarantino. Sofia est brune, le teint pâle, un visage en lame de couteau. Sofia porte un perfecto et des Dr Martens, une grosse croix catholique autour du cou. Dans sa chambre à Hénin-Beaumont, Sofia poste des selfies d’elle dénudée sur Twitter ; des professionnels du porno la contactent. Le jour de son premier tournage, Sofia a un secret qu’elle garde pour elle : elle est encore vierge.

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Originaire de Laon, dans l’Aisne, Cindy est la première actrice que rencontre le journaliste Robin D’Angelo, au tout début de son immersion dans le porno amateur. Elle a un chaton tatoué sur la cheville. « J’adore cet animal. »

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Jacquie et Michel ne sont pas un couple de retraités libertins comme on l’a longtemps cru. Si Michel, 60 ans, est bien à l’origine de la création de l’entreprise, sa femme Araceli n’y a pas participé. Quant à Jacquie, c’est elle qui envoie les premiers clichés à Michel, alors enseignant dans une école de la région tarbaise, quand il décide de faire un petit site de partage de photos libertines en 1999. Il créé en 2002 le site jacquieetmichel.net, qui devient un point de rendez-vous de la communauté libertine, une notoriété confinée à ce petit milieu. Jusqu’à l’arrivée d’Abel, en 2007, qui devient l’associé de Michel. Aujourd’hui, la boîte à la réplique-phare (« On dit merci qui ? Merci Jacquie & Michel ! ») revendique un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros par an et concurrence Dorcel, le leader historique du secteur.

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Jean Guilloré, alias John B. Root (vous l’avez ?), a connu son heure de gloire dans les années 1990 grâce à des CD-ROM interactifs (si, si les jeunes, cette chose a existé) et pornographiques. En 1995, Canal+ lui commande un long métrage basé lui aussi sur l’interactivité, et son troisième film lui vaut même les louanges des Cahiers du cinéma. Mais John B. Root rate le tournant des tubes, les plateformes de vidéos X gratuites dans les années 2000. Son site payant s’écroule. Quand il reçoit Robin D’Angelo, Canal+, son client historique vient de le lâcher, il n’a plus d’employés ni de bureau. Son appartement est devenu son studio de tournage, tournages dont il est l’acteur principal. C’est sur son canapé que Sofia a tourné son premier film et perdu sa virginité.

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Originaire de Fontenay (Val-de-Marne), Scott pratique le jujitsu, danse la bachata, apprend le russe… et tourne pour Dorcel et Jacquie & Michel. Son créneau : l’inter­­racial, qui met en scène des acteurs noirs avec une femme blanche. Son activité ­d’acteur porno lui vaut bien­veillance et admira­tion dans sa cité de Fontenay : « Les p’tits jeunes, ça les fait rire. Les gens plus âgés, ils m’encouragent. »

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À l’origine organisateur de strip-teases sur les salons du X, Oliver Sweet est le plus vieux cadreur encore en activité pour Jacquie & Michel. Depuis trois ans, il fait équipe avec Mat, le ­principal producteur de vidéos pour Jacquie & Michel. Oliver s’occupe du cadrage et du ­montage, tandis que son ­partenaire ­organise les tournages et négocie avec les clients. En ­parallèle, Oliver produit ses propres scènes pour son site, Sweet Prod. « Je suis anti­raciste, antisexiste et anti­-homophobe », clame-t-il fièrement.

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David rêve de faire du X depuis ses 13 ans. Certains matins, il va jusqu’à mettre son réveil à 6 h 30 pour avoir le temps de regarder sa première vidéo avant d’aller tra­vailler – il pose des ­compteurs d’eau dans les Hauts-de-Seine. David aime la muscu, les voitures, la chicha et son animal de compagnie, une poule. Son but dans la vie ? « Baiser le plus de meufs possibles. » Robin D’Angelo l’a rencontré lors du premier tournage auquel il a assisté (lire l’épisode 2). Depuis, la carrière de David s’est envolée.

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La ­cinquantaine, petit et ­nerveux, le visage osseux et le crâne rasé à blanc, Pascal OP a la gueule de d’emploi. On ne voit jamais ses yeux, barrés par des lunettes de soleil de cyclisme aux verres miroirs. Habitué des provocations racistes et sexistes, il a un temps été banni de Twitter. Avec sa boîte de production, French Bukkake, il fait des pornos très trash, notamment des bukkakes, ces vidéos qui mettent en scène une femme et plusieurs hommes et se finissent par une « douche de sperme ». Les femmes y sont qualifiées de « vide-couilles », de « serpillères à foutre  », d’« épaves » ou de « bonnes pour la décharge ». Il a systématiquement refusé de parler à Robin D’Angelo pendant son immersion, qui a choisi de s’infiltrer incognito sur un tournage en se faisant passer pour un participant à un bukkake.

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