Ça y est, c’est le début d’autre chose pour Kadhja Bonet, la chanteuse et compositrice américaine que Les Jours suivent depuis le printemps dans le cadre de l’obsession Chant/contrechamp. Son premier album est sorti, il s’appelle The Visitor et tout le monde peut le trouver sur les plateformes de streaming et de téléchargement. Il sortira en version physique en janvier en France.
Les premiers échos de la presse musicale sont bons et c’est tout sauf une surprise. The 405 parle d’une soul qui « revisite l’écriture des années 1970 dans une esthétique XXIe siècle ». Soultracks vante la poésie rare de ses textes et les brillantes orchestrations de cordes. Les chansons de Kadhja Bonet remontent aussi doucement dans les playlists en vue ; on parle d’elle et tout se met en place pour que The Visitor se fasse remarquer d’ici à la fin de l’année. Il le mérite, c’est un disque au talent évident, qui offre une voix remarquable et des mélodies qui attrapent vite l’auditeur, puis lui offre une réelle épaisseur musicale à creuser. Le genre de disque qui peut conquérir le grand public sans perdre les auditeurs les plus demandeurs.

Mais tout est un peu plus compliqué que ça pour la Californienne. Car, pour Kadhja Bonet, The Visitor est tout sauf nouveau et tout sauf un premier album. D’ailleurs, j’ai acheté ce disque en vinyle il y a plus de six mois sous le nom de The Visitor EP, et six de ses huit chansons étaient déjà présentes sur Bandcamp, Spotify ou Deezer depuis plus d’un an, parfois deux. D’ailleurs, j’en ai largement parlé dans un épisode précédent de cette obsession.
« Je voulais sortir un album constitué de nouvelles chansons, m’a raconté il y a peu Kadhja Bonet par Skype, depuis son nouvel appartement de Los Angeles. Mais Fat Possum, le label avec lequel j’ai signé, voulait publier quelque chose avant la fin de l’année et on a décidé de repackager The Visitor, un EP qui date de la fin de l’année 2015. J’y ai quand même ajouté deux chansons inédites. » Soit Nobody Other, une bluette rêveuse à la guitare acoustique et flûte traversière, et Francisco, qui sonne comme un bizarre interlude de comédie musicale qui ne débouche sur rien puisque le titre referme l’EP désormais devenu album.
Kadhja Bonet est en fait en train de vivre le très long moment bizarre que traversent beaucoup d’artistes en début de carrière : elle a écrit des chansons en toute autonomie, les a publiées elle-même et les a chantées sur scène pendant deux ans.